Lettre de Jean
Chère Maman,
Voilà maintenant deux semaines que la Marche a commencé. Nous nous dirigeons vers la Citadelle, halte finale du périple mais aussi début des batailles. Depuis que nous avons quitté la ville, de nombreux barbares nous ont rejoints : des barbares des montagnes, des forêts, de la plaine… on marche tous ensemble contre les civilisés.
Au cours de ces semaines, rencontrer de nouvelles personnes a été très enrichissant. C’est vraiment intéressant de voir les différences que nous avons, bien que unis dans un même royaume. Cependant, la plupart des jeunes cesse tout à fait de nous parler une fois qu’ils apprennent que… Paul sait moduler le temps. Je ne sais pas si je te l’avais déjà dit, maintenant c’est fait.
Paul… si je pouvais te parler à voix haute plutôt que par lettre, je te dirais combien je l’apprécie. Déjà avant la guerre on passait beaucoup de temps ensemble et on se complétait : lui m’apprenait la pratique, moi quelques bribes de science. Il y a eu un évènement pendant cette marche qui nous a réellement rapproché. Je ne veux pas trop t’alarmer, mais pour le dire simplement on s’est bagarré avec d’autres jeunes. Heureusement que Paul était là, à deux on a réussit à bien se défendre.
Paul… mon plus cher ami. Le Roi a demandé à le voir il y a quelques jours. Pour nous, c’était la fin. On se disait qu’il allait le faire tuer à cause de son pouvoir. Son père a tellement pleuré ce jour-là. Quant à moi, je dois avouer que j’éclipsait presque ses pleurs par ma tristesse. (Je ne sais pas pourquoi je te dis ça, sûrement l’émotion après coup.)
Mais Paul est sorti vivant de l’entrevue. Et même, il sortait avec quelque chose de changé dans son regard : de la dignité, de la gravité. En fait, le Roi lui a donné une mission : il est envoyé chez les civilisés pour tenter de mettre un terme à cette guerre avant que les combats ne débutent. Il se formera aussi aux sciences civilisée, et apprendra à contrôler son pouvoir.
Pour moi, il est vain de demander aux civilisés d’éviter les combats : peu leur importe, si les barbares attaquent ils répondront. Ce sont aux barbares à qui on devrait demander de ne pas faire la guerre ! Mais bon… au moins Paul aura pu observer les civilisés.
Je crois qu’il a maintenant quelques jours d’avance sur nous (vraiment trop peu, à mon avis). Le Roi a annoncé qu’il manquait des compagnies de barbares des montagnes du Nord. Et donc qu’on devait les attendre avant de repartir. C’est un peu incongru, car s’il y avait des renforts, ils auraient déjà rejoint la Marche. Ou dans le pire des cas, ils pourraient très bien nous rejoindre quand nous serions à la Citadelle !
La rumeur court qu’il essaie de gagner du temps pour Paul. Je comprends ce qu’il essaie de faire, mais, avec tout le respect que j’ai pour le Suprême, je trouve cette manière de faire un peu désespérée voire pathétique… Et si je pense ça, alors je n’ose même pas imaginer ce que disent les autres barbares ! Bon, au moins le Roi s’est rattrapé aujourd’hui : il a simplement précisé qu’on devrait attendre le retour de Paul pour de lancer les hostilités.
J’ai peur pour lui, je ne sais pas si les civilisés voudront bien l’accueillir ; comme dit le poème. Et j’ai aussi peur pour moi : déjà à cause des combats qui s’annoncent, mais aussi des autres barbares. Depuis qu’il est parti, je reste toujours avec son père et j’évite d’être trop longtemps seul dans le camp. J’ai aussi rencontré d’autres personnes qui s’intéressent aux sciences, comme quoi je ne suis pas le seul. Mais eux se cachent bien plus encore que moi.
Bon, je crois que c’est tout ce que je voulais te dire.
Prends bien soin de toi, j’espère que ce n’est pas trop difficile de devoir garder la maison toute seule. Papa veille sur toi du ciel, et moi je rentrerai bientôt j’espère.
Plein d’amour,
Jean.
Note : Ne pas transmettre la lettre.
Raison : Non précisée.
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