Astrométrie et phénoménologie husserlienne : quels rapports ?

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J’aurais bien envie de répondre : rien. D’emblée, comme ça. Et pourquoi pas ? D’abord mes souvenirs périphilosophiques d’une époque universitaire qui me voyait peu enclin aux extases heideggeriennes m’interdisent sans conteste toute velléité d’élaborer quelque réponse savamment discursive et raisonnée. Alors, eh ! ne croyez pas que je vais me fendre d’un essai qui volerait plus faut que ne l’a jamais fait le moindre Blériot des acariens (en tout cas, de son plein gré). De toute façon, aussi, admettons-le, un tel énoncé ne pourrait que porter à des méditations brumeuses ou envasées. Mais en tant que titre, la question en jette. Du sérieux. Du solide. Presque mieux qu’un sujet du genre Du Bonheur bouddhiste au travers d’une théorie submétaphysique du marxisme post-freudien. (Je suis très fier de celui-ci, et depuis longtemps, aussi ne rechigné-je pas à le recaser quelquefois; la félicité tient vraiment à peu de choses.)

Les titres, c’est vachement important. Parfois plus que le contenu. C’est appât et hameçon en même temps. Il y a des bouquins qui vous attrapent rien que parce que trois-quatre petits mots (ornés à l’occasion d’une image bien léchée) vous ont mis en appétit. Une fois survolée la quatrième de couverture, vous éprouverez peut-être du dépit (mais vous ouvrirez quand même le livre pour savoir si dépité il faut être), on aura cependant réussi le tour de force de vous contraindre à vous arrêter à la devanture de la librairie, à vous suggérer de vous introduire à l’intérieur, provoquant le réveil d’un libraire assommé par ses livres de comptes, et il n’est pas dit qu’une fois pris dans la nasse vous ne ressortiez avec le livre entraperçu, ou avec un autre (tiens, au hasard, L’Art de caresser les Cruches, mémoires flamboyantes d’un potier érotomane, hélas pauvrement illustrées).

L’art du titre fut autrefois porté à son paroxysme, appliqué à la cinématographie pornographique. Nombre de films de cul donnèrent lieu à des détournements humoristiques de titres préexistants. J’en retiendrai trois : 2001, l’Odyssée de tes Spasmes, Les Erections législascives et Blanche Fesses et les Sept Mains, titres dont je certifie bien entendu l’authenticité[1]. Une dose d’inventivité débridée devait être nécessaire pour attirer l’œil, mais je m’interroge toujours sur l’efficacité du procédé : s’il aura fait succomber un large public aux délices des étreintes mécaniques et répétitives, je ne le saurai jamais. On notera que s’il y avait rapport entre titre et contenu, celui-ci était cependant faussé par la finesse parodique dont devai(en)t faire preuve le(s) auteur(s) de ces exceptionnelles formules. La drôlerie était propice à ce qu’on remarque une affiche insignifiante sinon car même pas illustrée, et ne laissait pas présager quels tristes râles devaient être exsudés par les haut-parleurs blasés d’une petite salle sans doute sale et malodorante. Le prodige était donc de faire oublier une réalité sordide, celle d’accouplements démonstratifs mais sans joie, fornications expédiées en un temps sans doute réglementaire afin de passer à la scène suivante.

Dans le domaine de la littérature, il est parfois de bon ton de taper fort dans l’œil du lecteur potentiel, histoire qu’il se demande de quoi que ça peut bien causer, et qu’il soit séduit par la seule couverture. Certains titres ancrent un auteur. Ceux d’Amélie Nothomb sont à cet égard remarquables puisqu’on l’identifierait presque sans avoir vu son nom nulle part. Ceux de Guillaume Musso, non, pas du tout oh non. En témoignera cette vieillerie (oubliée, la faute aux suivants), La Fille de Papier (dont le résumé pourrait faire croire que Stephen King s’est lancé dans la collection Harlequin). En outre un bon titre, me semble-t-il, dit beaucoup sans rien dire. L’image de couverture vient l’appuyer (ou le desservir) le cas échéant. Raisonnablement bref, il sait rester en tête, d’autant mieux lorsque sa tournure est bien aiguisée. La quatrième de couverture aura comme lourde charge de distiller quelques informations (ou de vous laisser croire des choses absolument merveilleuses). Mais tant qu’on n’aura pas eu la désobligeance de lire un paragraphe ou deux, on ne saura pas si le bouquin est un pur chef d’œuvre comme je sais si bien en écrire, ou alors une immonde catastrophe comme je sais si bien faire aussi (et sans doute encore mieux).

Le titre est donc à élaborer avec soin (et amour). Tout le problème sera qu’un beau titre ne sera pas forcément un bon titre. L’esthétique sait parfois être inefficace, surtout lorsqu’il est question d’estampiller un ouvrage, de lui donner une identité sommaire, partielle autant que partiale, et aussi… de faire vendre. Plus on est connu moins le titre aura de l’importance, le dernier Machin sera lu presque automatiquement même s’il s’intitule Lavage de Cerveau (non je ne vise personne, mais alors pas du tout je vous le jure, mais en insistant je devrais bien trouver une cible qui correspondrait). Pour les autres, il faudra concilier un bon sens commercial avec celui de la formule qui fait mouche en restant jolie mais pas prétentieuse. Même si on ne vend rien mais qu’on diffuse ses écrits par des voies diverses hors du circuit éditorial classique. (Ainsi, il m’arrive de penser que Bazar des Anges [2] tient son « succès » à ces trois mots, moins qu’au contenu).

Dur. Quand même. Parce qu’il ne suffit pas d’avoir une belle plume sur trois-cent pages pour être capable de sortir le titre qui va bien. Mais, réciproquement, il y en a qui sont hyper doués pour vous ficeler du titre accrocheur mais pas racoleur (ouf), et vont remplir leurs chapitres de niaiseries. À ce propos, je ne sais toujours pas dans quelle catégorie je mériterais de me poser. Mais il semblerait que j’aie quelques prédispositions pour la seconde. D’ailleurs il m’est souvent arrivé de pondre des titres et rien derrière.

Ouais. Et… je peux vous dire un truc ? J’ai un peu honte de ça…



[1] Lycéen à Belfort, il advint que je découvris le chef d’œuvre de Kubrick dans une salle vieillotte presque déserte qui jetait là ses derniers feux. Les projections suivantes ne montreraient plus que des galipettes savamment orchestrées, sauf durant les festives périodes de fin d’année, où Disney reprendrait fugacement le dessus. Je passais chaque semaine devant ledit cinéma pour m’en aller jouer au con sur un terrain de sport eu égard aux exigences scolaires, d’où que j’aie pu suivre l’évolution de ce temple du septième art, et me délecter des affiches sobres (pas d’images) ornées de titres plus délicieux les uns que les autres.

[2] Jusque récemment gratuit, un coup de sang néfaste consécutif à la découverte d’une version pourrie (un formatage raté en epub) circulant sur un site de stockage en ligne / échange massif de fichiers piratés a mené à rendre l’ouvrage modestement payant : 0,99€. On ira voir ici : https://www.facebook.com/bazardesanges/ pour plus d’informations.

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