Une représentation devant des élèves de collège. La hantise de tout comédien.

Dans les coulisses, la pression monte. Charles finit d’échauffer sa voix, Julie enfile avec difficulté un corset et René observe le jeune public bruyant au travers des rideaux. Solène tente de juguler son stress en s’isolant dans sa loge. Il lui reste cinq minutes avant le début. Le froid impitoyable de décembre l’assaille aussitôt, les théâtres ne sont pas réputés pour leur isolation thermique.

On toque à sa porte et la tête de Julie passe par l’entrebâillement.

- Il faut y aller.

Solène acquiesce et la suit. Chacun se place à son entrée et les fameux coups de bâton retentissent.

Un.

Deux.

Trois.

Solène entre sur scène éplorée.

- Quel est l’imbécile qui m’a mit au service d'une incapable ! La lettre destinée à mon amour s’est retrouvée dans les mains de mon promis. Mon père ne tardera pas à apprendre la nouvelle. Que m’arrivera-t-il ? Et mon amour ? Que lui fera-t-on ? Sera-t-il pendu à un arbre ?

René entre à son tour sur scène et commence sa tirade colérique.

- Ma fille qui fréquente un roturier. Quelle honte, quelle débâcle ! Moi, le vicomte de Pigalie ne peux accepter une telle chose. Je me dois d’étouffer cette affaire. Il faut le faire disparaître et faire garder ma fille !

Solène décroche et regarde discrètement le public. Presque aucun enfant n’écoute ou ne regarde ce qui se passe sur scène. Son esprit commence alors à dériver et elle se rappelle qu’elle doit acheter du melon pour le repas de ce soir. Elle doit aussi trouver une tenue potable pour la suite de la soirée prévue, cela fait bien trop longtemps qu’elle n’est pas sortie avec ses amies.