Chapitre 5

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— Maudite sorcière, je vais te tuer.

C’est par ces mots que Mordred réveilla sa maîtresse qui était également sa mère : Anna de Tintagel. Le couteau du jeune homme, appuyé contre la carotide de cette femme, lui parut froid et tranchant, à moins que cela soit dû au mortel poison qui en imprégnait la lame. Dans les deux cas, cela ne fut pas suffisant pour la décontenancer.

— Que se passe-t-il ? Encore un de vos cauchemars ?

— Excalibur, quelqu’un l’a retiré du rocher. Mes pouvoirs divins me l’ont fait clairement ressentir.

— Il n’y a qu’Arthur qui aurait pu faire cela. Je savais que j’aurais dû le tuer quand j’en avais eu l’occasion, dit-elle avec rage.

Mordred plissa les yeux avant de la questionner sans ménagement.

— Qui vous en a empêché à l’époque ?

— Méléagant, j’ai été obligée de satisfaire à ce fantasme de sa part, afin que tu sois créé.

— Pourquoi ne pas m’avoir dit cela plus tôt, surtout que ce sorcier est sous mes ordres à présent ?

— Je pensais qu’Arthur était mort et que cela n’avait plus d’importance.

Mordred ne tua pas sa mère, mais se contenta de la gifler. Celle-ci accusa le coup sans dire un mot, car ce fils représentait — d’un point de vue maléfique — la quintessence de ce qu’elle aurait pu espérer. Anna s’était juré de venger la mort de son père, le duc de Gorlais, lâchement assassiné par Uther Pendragon. Celui-ci avait ensuite couché par ruse avec sa mère Ygerne de Tintagel, ce qui eut pour conséquence d’engendrer un fils : Arthur. Anna était persuadée que ce « bâtard de Pendragon », comme elle aimait à le surnommer était mort à Rome d’une manière ou d’une autre, mais après réflexion, être tué par son fils représenterait une vengeance bien plus cruelle.

— D’après vous, pourquoi a-t-il récupéré Excalibur ? demanda Mordred.

— C’est sûrement lié à la révélation récente de votre existence. Mais même si Lancelot règne, vous pouvez vous faire nommer à sa place à n’importe quel moment, en tant qu’unique héritier d’Athur. Peut-être faudrait-il commencer par cela ?

— Le titre m’indiffère, seul Excalibur est réellement important.

Il y eut un instant de silence, finalement brisé par Anna.

— J’ai une idée, cherchez au fond de votre âme, mon fils. Utilisez votre pouvoir divin, pour percevoir les desseins de celui qu’il vous faudra vaincre, à un moment ou un autre.

Mordred se concentra quelques secondes, puis ferma les yeux. Juste après, son couteau empoisonné lui échappa des mains et tomba à quelques centimètres de son pied nu. À cet instant précis, il décela une information vitale.

— Merlin a prévenu Arthur quant à mon existence et il veut jeter Excalibur dans le lac d’Avalon, afin de détruire le lien qui m’unit à l’épée et aux Dieux.

— Bravo, mon fils, vous avez réussi !

Mais contrairement à ce qu’Anna aurait souhaité, Mordred la toisa avec mépris.

— Maudite mère, vous m’avez jadis persuadé de ne pas tenter de la retirer du rocher, voyez le résultat !

— À ce moment-là, rien ne pressait et Méléagant avait besoin de temps pour étudier le meilleur moyen d’extraire Excalibur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il interroge chaque jour Merlin.

— L’épée ayant été libérée, il est donc inutile qu’il continue dans cette direction.

À ce moment, Anna s’assit au bord du lit.

— Ici, à la citadelle de Tintagel, nous avons fait amener pieds et poings liés tous les anciens chevaliers ou amis d’Arthur, ma mère comprit, afin qu’ils assistent à la destruction de tout ce que votre géniteur a bâti. Les avoir au même endroit serait un moyen de pression idéal, pour le forcer à se dévoiler.

— Pourquoi pas, mais son objectif est d’abord de jeter Excalibur dans le lac des fées, or nous ne sommes pas loin de ce lieu. Je vais immédiatement me rendre à Avalon pour l’y attendre avec la plupart des hommes disponibles. Je récupérerai l’épée des Dieux et deviendrai à terme leur égal.

— Pendant ce temps, je resterai à Tintagel, car si le bâtard s’aperçoit que le lac de Diane est sécurisé, il pourrait venir jusqu’ici afin de libérer ses anciens chevaliers.

— Oui, c’est une bonne idée. Une fois Avalon rendue impénétrable, j’irai si possible au repère de Méléagant, car j’aimerais qu’il me révèle tous les secrets des Dieux à sa disposition.

— Comment cela ?

— Excalibur est bien plus qu’une arme, c’est une clé, déclara Mordred. Peut-être même le Graal. Cela expliquerait bien des choses.

— Mais quelle serait sa véritable fonction ?

— Je n’en suis pas sûr. C’est soit un moyen de communication, soit de transport pour rencontrer des Dieux, mais dans les deux cas, cet outil me sera indispensable afin d’atteindre un nouveau stade de mon évolution.

Immédiatement après cette discussion, Mordred rassembla ses hommes et partit prestement pour Avalon, persuadé d’y retrouver à un moment ou un autre son « bâtard de géniteur ».

Or, ce que le fils d’Anna ignorait, c’était que ce qui caractérisait Arthur était autant son esprit chevaleresque que son imprévisibilité vis-à-vis de ses adversaires.

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