[Technique d'écriture] Tuez vos darlings

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« [...] "tuez vos darlings" est une expression populaire pour une raison : c'est une vraie technique d'édition éprouvée qui peut vous aider à créer la meilleure version de votre histoire. »

Kristen Kieffer

« Tuez vos darlings, tuez vos darlings, même si cela brise vos petits cœurs d'écrivaillons, tuez vos darlings. »

Stephen King

Voyons donc voir ce que recouvre cette technique de réécriture et comment l'employer au mieux pour améliorer vos récits.

Supprimez ce que vous aimez le plus

"Tuez vos chéris !" (Kill your darlings) est un des fameux conseils de William Faulkner adressé aux écrivains débutants. Selon lui, les phrases préférées de leurs auteurs sont les plus lourdes pour le récit et les moins essentielles. Finalement, si elles restent en vie, c'est uniquement parce que leur auteur leur voue un amour aveugle. D'après Faulkner, vous n'avez pas d'autre choix que de travailler et de "tuer" ce que vous avez créé et trop aimé.

Ce travail d'épuration du texte est en réalité un des axes principaux de réécriture, et il recouvre davantage que la suppression de quelques phrases...

L'auteure américaine Kristen A. Kieffer a publié un article intitulé « 8 Things to Cut When You Kill Your Darlings », qui explique point par point comment reprendre votre texte et tailler ce qui l'empêche de révéler son potentiel.

Je vais en faire un très rapide résumé pour vous permettre de comprendre comment les auteurs pros finalisent leurs œuvres

Que faut-il couper ?

- Les personnages faibles : ceux sans personnalité ou objectifs importants. Les personnages forts sont dotés de plusieurs traits, qualités et défauts.

- Les lignes d'intrigue inutiles : événements connexes, aussi appelés « sous-intrigues » ou « intrigues secondaires », qui complexifient ou noient l'intrigue principale. Chaque ligne secondaire doit poursuivre un but qui la ramènera tôt ou tard au fil principal. Il n'est pas inutile de vous poser la question pour chaque sous-intrigue : qu'apporte-t-elle au récit ? Pourquoi l'avez-vous incluse ? Où mène-t-elle ?

- Les métaphores et comparaisons inutiles : toutes ces digressions qu'on emploie pour des effets de style mais qui, au lieu de clarifier le propos ou d'apporter des compléments d'information utiles, ne font que ralentir la narration. Exemple : « les fenêtres vomissaient des flammes comme des dragons effarouchés ». Le lecteur comprend parfaitement ce que « vomir des flammes » signifie. Ajouter une comparaison avec des dragons ne fait qu'alourdir la phrase sans offrir la moindre précision utile.

- Le passé des personnages : même si on s'est fait plaisir en créant des personnages super fouillés avec un passé complexe digne d'un roman, le lecteur n'a pas besoin d'en connaître les détails. Ces éléments vous aident à comprendre vos héros, mais le lecteur s'intéresse à ce qui leur arrive ou va leur arriver, pas à ce qui s'est déjà passé. N'en dites pas plus que le nécessaire et supprimez toutes les digressions superflues.

- Prologues : j'ai sans doute déjà parlé à plusieurs reprises de cette notion de prologue superflu, et je constate que ce conseil revient dans les recommandations de nombreux auteurs (Orson Scott Card, Kristen Kieffer, et je suis sûr que je vais en trouver d'autres;-)). Donc, si tout le monde vous dit de virer votre p*%^¨µ de prologue, je ne sais pas ce qu'il faut pour vous convaincre. Si vous avez encore des doutes, je vous renvoie à l'article de SFZone qui traite du sujet de manière claire : http://www.sf.zone/pourquoi-il-faut-bruler-ton-prologue-science-fiction/

- Scènes inutiles : « Parfois, nous, auteurs, nous complaisons dans nos caprices en incluant des scènes amusantes, mais inutiles dans nos manuscrits. Et tandis que nous les trouvons divertissantes à lire, les lecteurs considéreront probablement comme une divergence inutile de l'intrigue. »

- Romances futiles : même si c'est un petit plaisir pour un auteur que de livrer ses personnages aux délices et tourments des relations amoureuses, gardez en tête que cela doit permettre de faire avancer l'intrigue. Si les marivaudages de vos héros ne font qu'ouvrir une ligne secondaire sans lien direct avec la principale, il faut couper. Aristote disait d'ailleurs : si après avoir coupé un passage l'histoire fonctionne encore, alors c'est que ce qu'on a retiré ne lui était pas utile.

- Votre premier chapitre... eh ouais ;-) Le premier chapitre est le plus difficile à réussir. Il doit, en peu de lignes, ferrer le lecteur, présenter les personnages principaux, mettre en place le contexte de l'histoire et donner un avant-goût du conflit à venir... Pas gagné ! Et peu probable que vous réussissiez du premier coup.

Comment réussir sa nuit des longs couteaux ?

Il existe deux méthodes d'assassinat de ses petits chéris. À chacun de voir celle qui lui semble le plus efficace :

La coupe à la volée : un massacre d'une traite, sans s'arrêter, façon charge de cavalerie lourde. Relecture sabre au clair et au galop. Dès que ça rallonge, on coupe. Dès que ça nous endort, on sabre ! Et on relit tout le texte jusqu'à épuisement de la monture.

La coupe lente : on prend quelques semaines pour s'intéresser uniquement à l'amélioration du texte. On relit méthodiquement, en se gardant d'ajouter des choses, juste pour alléger. Piano ma sano.

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