[Le scénario] - De l'idée au sujet
On a vu que la première phase de conception d'une histoire passe par « l'idée ». L'idée pourrait se résumer à « de quoi ça parle ». Vous croisez un ami dans la rue, vous taillez le bout de gras cinq minutes au milieu du flux des passants et là il vous dit « putain, j'ai lu un truc excellent ! Ça s'appelle « machin-chouette au pays du houlala », tu as lu ?
- Non, de quoi ça parle ? »
A ce moment précis, la première définition de l'histoire que va vous donner votre ami, c'est « l'idée ».
- Bin écoute, c'est l'histoire d'un gars qui tombe dans un monde chelou plein de monstres qui veulent le choper et l'offrir en sacrifice à un dieu cannibale.
- Humm, intéressant, et il se passe quoi exactement ? »
Bonne question. Là, vous êtes toujours bousculés par les poussettes et les gars pressés avec leurs casques façon chignons de la princesse Léïa, votre ami n'a donc que peu de temps pour vous convaincre que cette perle de littérature post-moderne est faite pour vous. L'énoncé qui va suivre l'appât qu'il vous a tendu en exprimant « l'idée » s'appelle… le SUJET.
Le sujet
Le sujet est le développement de l'idée. Il s'agit d'un résumé de l'intrigue qui s'appuie sur quelques personnages principaux. Nous sommes toujours, à ce stade, dans la conception de notre histoire, on ne parle pas encore du récit.
Le sujet raconte l'histoire à quelqu'un qui ne la connaît pas, sans en dévoiler le dénouement (sans « spoiler » ;-)). Il met en place le canevas dans lequel l'histoire va pouvoir éclore dans toute sa complexité (ou pas).
Pourquoi rédiger l'idée et le sujet ?
Certains vont s'interroger sur l'intérêt de ces deux étapes (comme j'ai pu déjà le voir dans les échanges via les commentaires sur les billets précédents).
Il y en a deux :
1. Comme le dit l'adage, ce qui s'énonce clairement se conçoit simplement (ou l’inverse ;-P). En tant que racines de votre histoire, l'idée et le sujet vont vous servir tout du long de votre rédaction, comme bouées de sauvetage, chaque fois que vous vous laisserez entraîner loin de votre but. Chaque fois qu'une nouvelle idée (géniale bien sûr) fomentée par votre cerveau machiavélique en perpétuelle ébullition fera dévier votre plume et que vous ne saurez plus comment rassembler les morceaux, vous reviendrez à votre sujet et vous replacerez les choses dans leur contexte. Ce qui dépassera, vous le couperez (ça fait mal, mais c'est nécessaire : j'ai sabré plus de 150 pages de mon histoire « La changeline » après m'être laissé déborder par des intrigues secondaires sans rapport avec mon sujet). Les idées sont comme les bactéries : elles peuvent se reproduire très vite dans un environnement propice ;-). Il y en a des bonnes, qui aident l'histoire à s'épanouir, et des mauvaises, qui gangrènent le récit en le plombant de méandres inutiles.
2. Le sujet, c'est un peu le résumé qu'on vous demande de rédiger sur les plateformes d’écriture pour attirer le lecteur. C'est un objet de séduction qui permettra de développer le bouche à oreille et ferrer le poisson.
C'est aussi la première chose que vous demandera un éventuel éditeur : de quoi parle votre histoire ? Quel est le sujet ? Si vous n'êtes pas capable de répondre clairement à cette question, cela laisse supposer que vous ne maîtrisez pas votre histoire… et c'est probablement le cas.
Enfin, dernier point spécifique au travail en équipe (dans le cas de rédaction à plusieurs), le sujet permet de mettre tout le monde d'accord sur l'orientation à prendre.
Je vais encore me servir de mon roman en cours d'écriture comme d'un bon contre-exemple, car j'accumule les bourdes dans mon travail : après avoir zappé les deux premières étapes, je suis passé directement à la rédaction du synopsis, que j'ai dû abandonner en cours de route parce qu'il ne correspondait plus à ce que je voulais écrire au bout de quelques années. En l'absence de « sujet » clairement défini à l'origine, j'ai été incapable de reprendre la rédaction d'un nouveau synopsis, car je ne savais plus où j'allais. J'ai donc relancé une réflexion sur le sujet, dont j'ai changé trois ou quatre fois et sur lequel je ne suis toujours pas définitivement fixé. Du coup, je diffère la rédaction de mon nouveau synopsis et je continue d'écrire très lentement en me laissant porter par quelques idées à court terme.
Bon sujet, mauvais sujet ?
Inutile de s'obstiner à chercher LE sujet exceptionnel et ultra original. Une fois de plus, il n'y a pas de bon ou de mauvais sujet mais des bons ou des mauvais traitements du sujet. C'est dans le développement ultérieur, par le scénario et à travers le récit que le sujet pourra s'épanouir et révéler toute sa saveur.
Les « grands » sujets son universels. Le meilleur sujet pour un auteur est celui qui lui permettra de mettre en valeur son univers en y dégageant une structure dramatique de qualité.
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