Une dernière nuit d'hiver

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La neige tombait doucement sur le petit village de Montclar, recouvrant les toits et les rues d’un épais manteau blanc. Les guirlandes lumineuses scintillaient sur les maisons, tandis que les cloches de l’église résonnaient doucement, marquant l’approche de minuit. Cloé, emmitouflée dans son manteau beige, ajusta son écharpe et inspira profondément. L’air glacé de Noël avait un parfum particulier, mélange de sapin et de souvenirs.

Elle avait besoin de marcher pour s’échapper un moment de l’agitation de la maison familiale. Son cœur était lourd. Depuis quelques mois, elle avait l’impression que le monde autour d’elle changeait trop vite, qu’elle perdait pied. Alors elle s’était réfugiée ici, dans le calme et la sérénité de son village natal.

En passant devant la patinoire, elle remarqua une silhouette familière. Un homme, debout près de la glace, regardait les étoiles. Il portait un long manteau noir et un bonnet enfoncé sur la tête. Cloé s’arrêta, les yeux écarquillés.

« Julien ? »

Il se retourna, un sourire hésitant éclairant son visage. « Cloé. Ça fait longtemps. »

Elle s’approcha lentement. Julien était un visage du passé, un souvenir qu’elle n’avait jamais su effacer. Ils avaient été proches, très proches, autrefois. Mais la vie, les choix, et les erreurs les avaient éloignés. Elle n’avait jamais oublié ses yeux, ni la douceur de sa voix.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? » demanda-t-elle, son souffle formant un nuage dans l’air glacé.

Il haussa les épaules. « Je reviens toujours à Montclar pour Noël. C’est… un endroit qui me rappelle les bons moments. » Il la regarda avec une tendresse mêlée de tristesse. « Et toi ? »

Cloé détourna le regard, incapable de soutenir le sien. « J’avais besoin d’une pause. La ville… tout devient trop pour moi. »

Julien hocha lentement la tête, comme s’il comprenait. Il sortit une paire de patins de sous son bras et les posa sur le bord de la patinoire. « Tu te souviens quand on patinait ici, gamins ? »

Elle sourit malgré elle. « Comment oublier ? Tu me faisais toujours tomber. »

Il rit doucement, puis lui tendit la main. « Viens. Pour une dernière danse sur glace. »

Sans trop réfléchir, Cloé accepta. Ils enfilèrent leurs patins et glissèrent sur la glace. Au début maladroits, ils retrouvèrent rapidement le rythme d’autrefois. La neige continuait de tomber, les enveloppant d’un cocon presque irréel. Cloé se sentit légère, comme si tous ses soucis s’évaporaient.

Mais quelque chose dans les yeux de Julien la troublait. Il semblait lointain, comme s’il était à la fois là et ailleurs. Elle voulut lui poser des questions, mais chaque fois qu’elle ouvrait la bouche, il lui offrait un sourire et changeait de sujet.

Alors que les cloches de minuit sonnaient, Julien s’arrêta au centre de la patinoire. Il prit les mains de Cloé dans les siennes, ses doigts glacés mais son regard ardent.

« Cloé, je voulais te dire… » Sa voix se brisa. « Je voulais te dire que je suis désolé. Pour tout. Pour la façon dont je suis parti. »

Elle sentit son cœur se serrer. « Julien, pourquoi tu dis ça maintenant ? Qu’est-ce qui se passe ? »

Il secoua doucement la tête. « Je voulais juste que tu saches… que tu as toujours été importante pour moi. Toujours. »

Un frisson parcourut Cloé. Avant qu’elle ne puisse répondre, Julien lâcha ses mains et recula, glissant doucement sur la glace.

« Julien, attends ! » cria-t-elle, avançant vers lui.

Mais il ne répondit pas. Au lieu de cela, il glissa hors de la patinoire, s’arrêtant au bord. Cloé le vit poser les patins, puis marcher lentement vers l’orée du bois qui bordait la place. Son cœur s’accéléra. Quelque chose n’allait pas. Elle courut après lui, ses patins grinçant sur la glace.

Lorsqu’elle atteignit la lisière des arbres, Julien avait disparu. À sa place, elle trouva un petit carnet, posé sur une souche. Elle l’ouvrit avec des doigts tremblants. À l’intérieur, il y avait une lettre écrite à la main, datée d’il y a quelques jours. Les mots la frappèrent comme une lame :

« Cloé,
Si tu lis ceci, c’est que j’ai enfin trouvé le courage de te revoir une dernière fois. Je suis désolé pour la douleur que j’ai causée. Mais certaines choses ne peuvent être réparées, et certains départs ne peuvent être évités. Je voulais juste te dire au revoir, et te remercier pour tout ce que tu as été pour moi.
Avec tout mon amour,
Julien. »

Cloé resta figée, la lettre serrée contre sa poitrine. Elle leva les yeux vers la forêt, un sentiment d’urgence la submergeant. Mais malgré ses appels désespérés, la nuit lui répondit avec un silence glacial.

Julien était parti. Définitivement. Et tout ce qu’il lui laissait était ce souvenir fragile, gravé dans une nuit enneigée de Noël.

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