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Une fois ma sœur m’a dit que je ressemblais à maman, à force de ressasser le passé, qu’y fouiller n’amenait rien de neuf, rien de bon, que du pourri qui continuerai à pourrir. J’ai dit « tant pis ». Je me croyais fort, assez pour affronter ce passé que j’avais entaché de mes conneries, de mes boulets. Je ne voulais pas être le seul à traîner ça. Les autres détournaient les yeux. Même ma sœur, si propre sur elle, m’avait demandé d’essayer du moins — de quoi ? — de faire semblant.
Je n’ai pas réussi. C’était plus fort que moi. Les mots devaient dégueuler lors des repas dominicaux. Systématiquement. Ils finissaient dans un silence tendu, dans un sourire forcé, et des papillotes qui m’étouffaient. Ils parlaient entre eux dès que sortais fumer.
Je restais dehors, sur la terrasse, à les maudire. Ma sœur me rejoignait, comme une porte-parole, une porteuse de drapeau blanc, une vierge Marie compatissante. Je la détestais à ce moment-là, mais c’était la seule qui sortait, alors je lui tendais une cigarette.
Sans me lâcher du regard, elle déballait ses conseils, hochait la tête avec un demi-sourire, me disait tendrement qu’elle comprenait mais que je devais faire des efforts pour le bien de tous. Et mon bien, à moi ? Elle regardait ailleurs, je tirais plus fort sur mon joint.
Elle rentrait à l’intérieur de la maison, le devoir accompli, pour rendre compte de notre échange. Je haussais des épaules, finissais mon bédo, le jetai par terre et l’écrasai avec l’envie de chialer.
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