Qui a tué Bobby Smiley ? Confessions

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Le silence s'installa dans la salle. Dick et Antonia se regardaient en silence, chacun refusant de baisser les yeux. La tension entre eux était presque palpable. Dick pouvait sentir la sueur dégouliner de son front, infléchir sa course au niveau de ses sourcils pour dégringoler le long de ses tempes. Mais il n'était pas question qu'il cède. Il devait réussir à tenir encore un peu.

Un bruit métallique derrière lui vint briser ses espoirs. Esquissant un vague geste de la main vers l'arrière, il gronda :

« Baisse ce flingue, Almost God, ta patronne n'a rempli que le tiers de sa promesse. I want to know pourquoi vous avez trempé dans sa combine.

- C'est mon frère que ce salaud a tué, jeta Pimprenelle, apparaissant soudain aux côtés d'Antonia. Widjet, toujours serré dans ses tentacules, roula des yeux désespérés en direction de Dick, qui fit mine de ne rien voir, concentrant son attention sur la poulpe.

- Ce porc a répandu une rumeur selon laquelle il abusait des jeunes filles qu'il sauvait, cracha cette dernière en direction du détective. Mon frère a dû démissionner de son poste. Il a dit que tout allait bien. Il a cherché du travail. Mais personne ne voulait lui en donner à cause de ce qu'on avait dit sur lui.

Widjet émit un petit cri indécis alors que les appendices de Pimprenelle se resserraient autour de sa tête. Manifestement, le légume s’interrogeait sur ses chances de mourir tentaculé. Non. Impossible de dire ça à son enterrement. Déjà qu’il n’était pas sûr que le légume n’ait pas à nouveau émis le vœu d’être passé au four crématoire vers 11h puis servi au buffet froid en son honneur. Tentacufié ? Quel mot s’appliquait en cas de suicide par poulpe fou de chagrin ? Dick était plus ou moins certain du fait qu’il n’avait pas envie d’avoir à ouvrir un dictionnaire pour trouver la réponse.

- Et puis, finit Pimprenelle en étouffant un sanglot, il y a cinq ans, on l'a retrouvé écrasé sous une caisse dans l'entrepôt où il avait trouvé un petit boulot. Tout le monde a dit que c'était un regrettable accident. Mais moi je suis sûre qu'il s'est laissé mourir parce qu'il n'en pouvait plus. Et tout ça c'est la faute de cette ordure !

Dick n'ajouta rien. Se retournant à moitié en direction du canon toujours pointé sur lui, il fixa son regard sur Alfred et attendit, essayant à toutes forces de garder son imagination loin du potentiel buffet mortuaire de Widjet.

- Your turn, Almost God », grommela-t-il finalement, un soupçon de menace dans la voix, tant pour marquer son indifférence apparente face à la situation que pour masquer le fou rire interne qui l’agitait depuis qu’il avait imaginé les muffins de farine complète au cœur d’artichaut que les serveuses du Fruit’s Paradise ne manqueraient pas de confectionner à partir de la dépouille de leur patron. Le pire était que Dick était prêt à parié que même cuisiné avec amour, Widj’ serait toujours aussi imbouffable que de son vivant.

Gardant son arme pointée sur la nuque du détective, le vigile fit glisser ses yeux de côté, cherchant le regard d'Antonia. Celle-ci hocha imperceptiblement la tête.

« Bon, gémit Alfred de sa voix de fausset. Ses pupilles voyageaient désormais sans relâche d'Antonia à Dick et de Dick à Antonia, comme deux balanciers d’une pendule folle. De toute façon, je te flingue après. Il marqua une pause pour déglutir bruyamment et reprit : Moi c'est ma mère que ce salaud a tué avec ses machinations pourries. Il a monté un reportage où il racontait que les personnes âgées revendaient de la drogue, et il a filmé ma mère. Elle allait au marché avec son cabas et il a dit qu'elle faisait le tour du quartier pour revendre de la drogue aux enfants !

Sur le dernier mot, la voix d'Alfred s'envola dans les aigus. Quatre regards plus ou moins interrogateurs se tournèrent d'un coup vers lui tandis qu'il levait en hâte une main et la collait à sa gorge, comme pour essayer de faire redescendre ses cordes vocales de là où elles s'étaient perchées.
Quand il recommença à parler, les mots se précipitèrent hors de sa bouche en brusques paquets aigus :

-Après les voisins ont refusé de lui parler. Mais le pire, c'est que des trafiquants d'un autre quartier ont pris ce faux journaliste au sérieux, et ils sont venus à la maison chercher la drogue. Et ils ont tué ma mère !

En prononçant cette dernière phrase, Alfred commit l'erreur que Dick attendait : en un geste d'infinie douleur, il tendit ses mains devant lui. La visée du revolver s'écarta un bref instant de la nuque du détective. Celui-ci n'avait pas besoin de plus.

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