Les Belles Personnes - L'Essaim
L’Essaim était la dirigeante officieuse du peuple elfique. Peu connaissaient son existence, même au sein de la communauté, mais ceux qui avaient eu vent de sa personne ne prononçaient son nom qu’en cas d’extrême nécessité, en un souffle mêlé de crainte, et allaient ensuite s’enfermer chez eux faire pénitence pour avoir eu une telle outrecuidance.
Dans un passé très lointain, avant la création de Oncuponatime, avant les premiers contes, et même, certains murmuraient, avant les mythologies et leurs hordes de héros aux pieds épais.
Elle était apparue.
La Première Elfe.
Elle avait vécu en un temps où les seuls voyageurs susceptibles de rompre la monotonie de cette étendue désertique étaient les sacrifiés aux saisons, dont la demi-vie fictionnelle s’effilochait plus vite qu’un rêve, à mesure que se dévidait l’écheveau de la mémoire des vivant.
Elle avait vu naître les civilisations divines, et était toujours là, assise au bord de sa forêt, inchangée, lors de leurs chutes.
Pour beaucoup, elle avait été le début, la fin, et le monstre qui vous guettait dans les ténèbres entre les deux. Elle avait survécu à la mort de tous ses créateurs, ses griffes fines profondément enfoncées dans les recoins les plus noirs de l’inconscient humain. Elle était la trompeuse, la tentatrice, la voleuse. Mais aussi l’autre, la promesse, le rêve inaccessible. Mais surtout, elle était seule.
Et de jours en année, d’années de décennies, de décennies en siècles, puis en millénaire, elle avait pris sous l’arc protecteur de ses bras décharnés tous les enfants que les légendes lui avaient prodiguées. Elle les avait nourris. Elle les avait soignés. Et, preuve d’amour suprême, lorsqu’il lui était apparu que son temps était révolu, elle s’était retirée. De mémoire de Oncuponatimien – du moins, de mémoire de Oncuponatimien versé dans l’histoire lointaine et les mystères de la création - elle n’avait pas quitté son antre depuis au moins trois éons.
Et voilà qu’elle y faisait mander Dick Burman.
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