Histoire en Noir et Blanc - scène de crime
Une demi-heure plus tard, les hommes d'IronHelm avaient envahi la pièce, traînant le chaos sur leurs talons. Ils photographiaient, criaient, couinaient et touchait tout ce qu’ils pouvaient, y compris ce qui avait été Inga. Pire, ils semblaient certains d'avoir trouvé en Dick le parfait coupable.
Les yeux obstinément fixé sur la libellule de plastique suspendue au plafond, ce dernier recommença pour la troisième fois. Non, il n'avait pas tué Inga. La voisine qui avait appelé la police l'avait peut-être vu penché sur le corps alors qu'elle passait pour sortir ses poubelles, mais certainement pas avec des couteaux, comme elle le prétendait, et encore moins avec une tronçonneuse. D'ailleurs, ces messieurs de la police étaient arrivés juste après et ils avaient bien constaté qu'il ne portait rien de tout cela sur lui. Oui, il était détective privé, ils avaient sa carte et s'ils appelaient le capitaine IronHelm, il pourrait témoigner de sa probité, aussi étonnant que cela puisse paraître, vraiment, il insistait pour qu'ils le fassent. Oui, il connaissait Inga. Il était passé à la demande de son employeur parce qu'elle n'avait pas pointé son nez au travail depuis deux jours. Et non, vraiment, ce n'était pas lui. Parole de Scout.
Une sonnerie stridente l'interrompit. Le sergent qui menait l'interrogatoire décrocha son portable, aboya ses noms et grade, amorça une question... et referma précipitamment la bouche quand la voix d'Ironhelm, rendue rocailleuse par la rage, se déversa à travers le combiné. Le sergent ouvrit les lèvres, dans une tentative désespérée pour en placer une, ravala en fin de compte les mots qu'il s'apprêtait à prononcer, et se mit alors opiner avec obséquiosité, comme si son interlocuteur pouvait effectivement le voir. Après cinq minutes de feu nourri, son regard se posa sur Dick. D'un geste rageur, il intima au petit nouveau - Dick le supposait, en tous cas, il ne se rappelait pas que la brigade comptait un tel chien fou dans ses rangs - qui attendait, la queue battante, de pouvoir reprendre l'interrogatoire, de le libérer. L'agent jappa sur un ton contrarié et tourna vers son sergent un regard empli de dépit. Sa mine attristée n'apitoya cependant pas son supérieur, et, avec toute la mauvaise volonté du monde, tira la clé des menottes de sa poche.
Dès que la pression des bracelets de fer sur ses bras se relâcha, Dick fila hors de l'appartement. Il dévala les escaliers presque à s'en rompre le cou, dérapa en prenant un virage à quatre-vingt-dix degrés sur le trottoir, et ne s'arrêta qu'après s'être réfugiée dans une ruelle enténébrée.
A bout de souffle, il se laisser tomber derrière un container à ordures, et resta là quelques minutes à haleter. Puis, une fois que sa respiration se fut un peu calmée, il tira son paquet de cigarette d’urgence et son briquet de sa poche et s'en alluma une. Il aspira la fumée avec délectation. La journée n'avait même pas commencée et elle était déjà pourrie. Son esprit revint à Inga, inerte, allongée en travers de son petit couvre-lit en patchwork. Inga qui ne reviendrait certainement jamais. Les personnages des campagnes de santé publique bénéficiaient très rarement d'une seconde chance.
Dick exhala un long soupir blanc et enfoui une nouvelle fois sa main dans sa poche. Après quelque farfouillages, sa main en extirpa un petit rectangle de carton. Dommage pour les flics, ils n'avaient pas pensé à lui demander s'il avait récupéré quelque chose sur le corps avant qu'ils n'arrivent. Et dommage pour IronHelm, maintenant le détective faisait de cette histoire une affaire personnelle. Il actionna une nouvelle fois son briquet, et approcha précautionneusement la flamme de la carte.
Les lettres rouges lui sautèrent au visage, même à moitié recouvertes par les souillures noires. C'était un des cartons de racolage du Mal de Tendresse.
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