Sur les écrans géants, la tête dédoublée de Bobby Smiley s’orna soudain d’un trou sanglant. Le présentateur resta quelques instants immobile, sa bouche étirée en un sourire incrédule, puis il s’écroula. Durant une longue seconde, plus rien ne bougea dans la salle. Le public regardait les écrans, sur lesquels un plan serré montrait toujours les visages d’Eulalie et Léon Krasniek, leurs yeux désormais rivés sur un point bien en dessous de la caméra.

Puis brusquement, Eulalie renversa sa tête en arrière et hurla. Dick avait souvent entendu ce genre de beuglement. C’était la plainte aiguë de qui a cédé à l’hystérie et entrevoit soudain les abîmes de la folie. Le cri se répercuta parmi les spectateurs, relayé et amplifié par plusieurs centaines de bouches.
Jurant à haute voix dans la cacophonie ambiante, Dick enfourna son téléphone dans la poche de son manteau, et entreprit de sauter les rangées de sièges devant lui, bousculant au passage les spectateurs paralysés. D’après sa trajectoire, le coup de feu n’avait pu être tiré que de la régie. Et le seul passage menant à la régie, à en croire ce qu’avait dit la Pépée qui l’avait engagé, était le couloir souterrain qui s’ouvrait dans les coulisses. Dick sauta sur la scène d’un bond souple, sans qu’aucun des videurs disposés autour ne pense à l’en empêcher. Il dépassa les cameramen, les castors, et s’engouffra derrière les rideaux rouges de l’arrière-scène.

La Pépée lui avait expliqué que la trappe menant au couloir souterrain était fermée de l’extérieur une fois que les invités de chaque plateau étaient amenés sur scène. « Pour éviter les rencontres inopportunes, qu’elle avait dit. Le meurtrier était donc toujours à l’intérieur. Prudemment, Dick sortit son révolver, l’arma, et s’approcha de l’anneau fixé dans le sol.

Il allait le saisir quand une main se posa sur son épaule.

« - Nous zallons prendre le relai, maintenant, mein freund », dit une voix bien connue."