La brise nocturne imitait le ressac. Ils avaient passé la frontière. Une chouette hululait au loin. Le voyage approchait de sa fin. Les arbres aux aiguilles sombres se tenaient silencieux. Il serait bientôt libre comme l’air. Le parfum ténu de l’herbe montait. Elle atteindrait son objectif. Quelques nuages passaient. Chacun obtiendrait ce qu’il voulait. La lune scintillait, astrale. Que de souvenirs…

Allongé sur sa couverture, il contemplait le firmament obscur et réfléchissait. Se perdre en considérations n’était pas son genre, mais la situation inhabituelle le poussait à se questionner sur ce qui s’était passé et ce qui adviendrait. Le hasard était tout de même étonnant, et les changements qui traversaient sa vie tenaient à peu de choses. S’il n’avait pas décidé de revenir sur ses pas, s’il n’était pas passé dans cette rue, si Astrée n’avait pas dû se rendre à Constantinople, ou tout simplement si Jean avait osé faire sa demande… Il soupira ; il y avait trop d’éventualités, et les envisager toutes ne servait à rien. Il s’assit. D’ordinaire il aimait sans penser au lendemain, mais cette fois-ci il ne comprenait pas pourquoi il faisait autant de cas de la fin de cette aventure. Enfin, si, il savait, mais préférait être de mauvaise foi avec lui-même. Il était tout à fait conscient qu’il ne s’agissait ni d’une idylle passagère, ni d’une femme comme les autres.

Cela n’a aucun sens… se dit-il.

À côté de lui, la jeune femme bougea dans son sommeil. Elle ouvrit doucement les yeux et le regarda.

« Tu ne dors pas ? demanda-t-elle.

- Pas encore. répondit-il.

- À quoi penses-tu ?

- Pas grand-chose…

- Tu devrais essayer de te reposer, au moins.

- Tu as raison. »

Il s’allongea à nouveau. Il ferma les yeux, chassa ces pensées indésirables, et écouta les bruits de la nuit. C’était une habitude qu’il avait prise lorsqu’il avait commencé à voyager, qui lui permettait à la fois d’entraîner son ouïe et d’analyser son environnement d’une autre façon. Après quelques instants, il put entendre la respiration régulière d’Astrée. Il se souvint des soirées passées ensemble à Athènes, et de certains jours où ils se levaient avant l’aurore pour assister au lever du soleil sur la ville. Une fois, elle lui avait demandé une aubade. Alors qu’il se remémorait ces agréables moments, il sentit que le sommeil le gagnait. Bientôt, des fragments de rêves se mêlèrent aux réminiscences…