Tout en spéculant sur les chances qu’ils avaient de franchir le passage problématique qui les attendait, les amoureux s’engagèrent sur le chemin du puits, c’était ainsi qu’ils avaient baptisé la galerie qu’ils empruntaient désormais régulièrement. Quand ils eurent atteint les premiers barreaux, ils levèrent la tête et constatèrent avec soulagement, la présence rassurante du disque bleu. Là-haut, il faisait encore jour et le ciel semblait bien lumineux.

— Je passe en premier. Décida Gaspard.

— D’accord, ne monte pas trop vite…

— Allons-y !

Munis de gants afin de protéger leurs mains de la rouille, le couple commença l’escalade des vieux barreaux de fer. Suivant les recommandations de Luna, Gaspard modéra sa vitesse d’ascension. Sa compagne, le suivait de près, mais soudain, elle se rendit compte qu’il la distançait. Ne pouvant plus grimper aussi aisément, elle finit par ralentir, puis stoppa complétement. Elle cria à son compagnon de l’attendre, celui-ci s’arrêta et regarda en bas. La jeune femme forçait désespérément pour continuer son escalade, peine perdue : elle était bloquée.

Gaspard s’interrogea : comment lui, avait-il pu franchir sans encombre cette barrière qui, précédemment, lui avait interdit l’accès vers la sortie. Quelque chose avait changé… Il ne réfléchit pas longtemps avant de comprendre : ce qui lui avait permis de passer se tenait dans la poche de son pantalon. La petite tour Eiffel ! Grâce à ce bibelot, il avait pu dépasser la zone de retenue ! Ce petit objet, qui avait appartenu à Luna, présentait parfois, des propriétés trans-dimensionnelles… Peut-être était-ce grâce à lui qu’elle avait pu, à certains moments, en tant que souterraine, apparaître aux surfaces ? Sans hésitation, il redescendit vers Luna et l’interpella :

— Luna ! J’ai réussi à passer grâce à la tour Eiffel ! Je vais t’expliquer après ! Débarrasse-toi de tes gants et tends-moi la main, je vais te la glisser dedans ! Et tu continueras de grimper en tenant la mienne… La lâche pas surtout ! Je pense que tu vas pouvoir passer !

Discernant à peine la voix de Gaspard au milieu de l’écho régnant dans le conduit, elle lui fit signe qu’elle avait compris. Son partenaire, lui aussi, avait jeté ses gants de protection. Il se tenait accroupi sur un barreau, le bras droit tendu vers Luna tandis que le gauche le retenait accroché à l’échelon supérieur. Sa position n’était pas du tout confortable, mais au moins, elle était sûre. Luna était sur le point de saisir la main dans laquelle scintillait le petit fétiche, elle l’empoigna fermement, enfin elle réussit à se hisser sous les pieds de Gaspard. Suivi de sa petite aventurière, celui-ci s’éleva d’un barreau, puis d’un autre… Ils venaient de trouver la solution qui leur permettrait à tous de sortir du puits !

Fiers de leur découverte, Gaspard et Luna se laissèrent glisser vers le sol, puis main dans la main, ils repartirent rejoindre les autres membres du clan. Alors qu’ils quittaient l’obscurité de la galerie, les amoureux s’interrogèrent : Accepterait-on de les suivre dans une ascension aussi étrange ?

— On pourrait aller voir ton père pour lui expliquer comment on a fait pour passer. Proposa Gaspard.

— Oui, on devrait tous se retrouver, on leur expliquera la marche à suivre… Continua Luna.

Ils trouvèrent Marcel installé derrière son bureau. Comme à son habitude, il travaillait encore sur un vieux dossier qui avait certainement dépassé la date de prescription…

— Ah ! Vous voilà de retour… Constata-t-il l’air interrogateur. Alors ? vous avez échoué je parie ?

— Euh… Tenta Luna.

— Entre temps, coupa Marcel, j’ai proposé une autre façon de procéder. En passant par l’oubli. Ce sera compliqué, mais on n’aura pas grand-chose à perdre. Sélène et Billou seraient d’accord. Nous devons nous retrouver ici en fin de journée pour en parler.

— Papa, reprit Luna, on a trouvé un moyen de franchir le barrage…

— Ah bon ? S’étonna son père, affichant une mine presque déçue. Et comment avez-vous fait ?

Gaspard relata leur méthodologie à un Marcel plutôt circonspect. Ce dernier répondit, un brin fataliste :

— Bah… Ça ne nous coûtera rien de tenter la chose… Vous pourrez exposer votre procédure à Sélène et Billou, BMV sera présent, tes parents aussi, Gaspard.

— D’accord, à ce soir Marcel. Conclut Gaspard, puis se tournant vers sa chérie : je crois qu’on a bien mérité un bon jacuzzi !

— C’est les poissons qui vont être contents ! Se réjouit-elle, émoustillée.

— Je pensais qu’ils s’étaient sauvés ?

— J’en ai remis d’autres, des poissons-voyeurs. Eux, ils craignent pas l’eau chaude !

Le soir, tous les membres de la famille, plus BMV, étaient réunis autour de Marcel. Ce dernier exposa tout d’abord son projet, soutenant qu’il comportait le risque de s’égarer dans les continuums spatio-temporels et donc qu’il ne fallait pas se séparer. Sélène réitéra ses inquiétudes au sujet des petits écoliers, Billou prétexta qu’il avait des expériences en cours et que ses collègues du labo comptant sur lui pour finir de mettre au point une nouvelle machine capable de communiquer avec les surfaces, il aurait besoin d’un délai avant de partir. BMV était indécis… Le physique de Sélène s’interposait toujours entre lui et le reste du monde. Félix et sa femme suivraient leur fils, quoiqu’il advienne.

Alors Luna prit la parole pour détailler le plan mis au point par Gaspard. Bien que la technique d’escalade qu’il faudrait employer laissa tout le monde perplexe, après un bref scrutin à main levée, la proposition de nos amoureux fut retenue. Marcel ne voulant pas voir sa petite meute se disperser, accepta de bonne grâce le résultat du vote. On décida que le départ aurait lieu après trente jours, afin de laisser du temps à Billou pour terminer ses expériences. Sélène et BMV devraient vite se trouver des remplaçants afin de ne pas trop perturber les enfants par leur soudaine absence.

Fin du chapitre.