RETOUR A PARIS
La sœur jumelle de Luna avait pris la bonne décision. Ayant chargé son notaire de la vente de sa maison, elle avait emménagé Villa Léandre, dans le 18ème arrondissement. Ses anciennes relations à la mairie lui avaient trouvé un petit rez de jardin, blotti dans la végétation au fond d’une cour. L’appartement ne comptait que deux chambres, mais le charme renversant de l’endroit l’avait immédiatement conquise. Ses voisins, de purs Montmartrois, l’avaient chaleureusement adoptée. Avec le printemps qui débutait, Sélène reprenait doucement goût à la vie.
Dans ce petit coin de paradis, les chats avaient leurs habitudes, les perroquets et les mainates bavardaient d’une fenêtre à l’autre, des hérissons timides longeaient les murs pendant que les enfants de l’immeuble batifolaient en compagnie de quelques tortues délurées. Comme elle ne lui servait plus à rien dans les encombrements de la capitale, Sélène se résolut à vendre sa vieille Floride à un collectionneur. Elle en tira un bon prix et en prime, son acheteur lui offrit un vélosolex fraîchement restauré ! C’était le véhicule idéal pour ses petits déplacements.
La veuve de Gaspard, qui reprenait des couleurs, abandonna définitivement les joggings et les baskets. Elle s’habilla de façon plus élégante et entreprit de renouveler toute sa garde-robe. Rapidement, elle entraîna son ami Adrien derrière elle pour profiter de ses avis éclairés quant au choix de ses nouvelles tenues. Bien qu’étant un vieux célibataire endurci, il avait toujours été de bon conseil en matière de look féminin ! C’était un communiste, certes, mais il avait du goût.
Le dimanche vers midi, Sélène et Adrien avaient pris l’habitude de se retrouver Villa Léandre pour prendre l’apéritif. Ils déjeunaient et passaient l’après-midi ensemble. Malgré leur vieille amitié, ils n’évoquaient que très rarement le passé. Ils commentaient chacun à sa façon, les événements de la semaine, la politique, les guerres, les épidémies, sans oublier la fameuse « crise » dont on leur rebattait les oreilles depuis plus de cinquante ans. Ils étaient bien conscients que cette « crise » était artificiellement entretenue par les élites et les médias. Il leur paraissait évident qu’il était nécessaire d’instiller la crainte de l’avenir dans l’esprit de la population. « La peur nous rend dociles » répétait inlassablement Adrien tandis que Sélène enchaînait en citant Machiavel : « Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes ».
Adrien repartait de la Villa Léandre de plus en plus tard, le dimanche. Et puis un jour, il y est resté. Sélène était bien contente après tout, de ne plus être seule. Ils se marièrent en l’église Saint Georges de la Villette dans la plus stricte intimité. Le souvenir de Gaspard les encouragea dans leur décision de s’unir, précisément dans cette église. En définitive, c’étaient deux solitudes qui convolaient. Alors, vive les mariés !
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