LA VIE SOUTERRAINE (Suite)
Mireille portait une robe noire évasée, peut-être de chez Dior ? Sa mise en plis, son maquillage, son rouge à lèvres écarlate, ses faux cils et son bandeau blanc, lui prêtaient l’air aussi jeune que son fils. Félix aussi affichait un look très sixties : costume en velours vert olive, mocassins à glands, cheveux mi-longs et larges favoris, il semblait sortir tout droit d’un film avec Austin Powers.
Le couple accueillit Gaspard et Luna dans l’allégresse. La joie qu’ils éprouvèrent de retrouver leur garçon était indescriptible. Le tableau qu’ils formaient était merveilleux : ils étaient tous redevenus jeunes, beaux et heureux ! Luna avait organisé ces retrouvailles sans en souffler mot à Gaspard. Elle savourait la réussite de son plan. C’était une fille vraiment nature, tout à fait épanouie dans les petits bonheurs accessibles. Gaspard, qui s’était préparé à reprendre le « Kaléidoscope » pour rejoindre ses parents en Normandie, avait gardé la tenue qu’il portait en surface. Son amie s’était empressée de le relooker à sa façon : un jean et un maillot rayé bleu et blanc ! Ainsi, Gaspard présentait le style vestimentaire qui plaisait à la jeune fille. D’ailleurs, elle était habillée de la même façon.
— Tu m’avais pas dit que mes parents étaient juste à côté de nous ! Vous vous voyez depuis longtemps ?
— Depuis qu’ils sont descendus. C’est moi qui les ai accueillis. D’abord, ton père… Et puis plus tard, ta mère est arrivée. Je leur ai trouvé ce petit logement sous votre quartier d’origine.
— Tu guettais leur arrivée Luna ?
— Grâce à toi je m’étais un peu sentie de la famille, alors… Ils avaient l’air perdu… Se justifia-t-elle.
— Et elle a très bien fait ! Intervint Félix. Nous avons été très surpris mais heureux d’avoir pu faire la connaissance de Luna. Elle nous a expliqué son histoire, le drame qu’elle a vécu avec Sélène et votre acharnement à effacer l’injustice dont elles ont été victimes… Depuis, nous la considérons également comme notre belle-fille. Cela nous a paru évident.
— Et nous aimons toujours autant Sélène ! Précisa Mireille. Le moment venu, nous serons là pour l’accueillir.
— On ira la chercher ensemble. Projeta Luna. Elle vit pas loin, villa Léandre. Mais y’a pas le feu. Elle a encore à faire là-haut !
Gaspard encore tout étourdi d’avoir retrouvé ses parents, songeait avec inquiétude à l’arrivée prévisible de Sélène. Comment devrait-il se comporter avec les sœurs jumelles ? Il commençait à prendre réellement conscience qu’il les aimait l’une autant que l’autre. Le dilemme pressenti, désormais devenait effectif. Désirer charnellement deux personnes à la fois, c’est banal, bien sûr, mais serait-ce possible de nourrir pour elles, d’aussi tendres sentiments, de les chérir de la même façon, avec la même force ?
Soudain, Luna l’extirpa de ses interrogations :
— Demain, dans le grand hall de la communauté, il y a une conférence sur les multivers. C’est le professeur Bill Hawkins qui va s’y coller. C’est un grand physicien ! Il nous a rejoint récemment... Vous viendrez ? Je pense qu’il va nous apprendre des choses intéressantes !
Le professeur Bill Hawkins avait été un physicien de renommée mondiale, on le connaissait autant pour ses recherches en mathématiques fondamentales que pour ses théories sur les mondes parallèles. Bien que très décriés, ses travaux avaient fait des émules chez certains de ses confrères. Ces derniers avaient alors élaboré les bases de la physique quantique et abordé le sujet des multivers et de la théories des cordes. Leurs recherches ouvraient d’immenses perspectives non seulement à l’humanité, mais aussi à toutes les formes d’intelligences terrestres et non-terrestres.
Gaspard, Luna, Félix et Mireille se rendirent ensemble dans la salle de conférences. La salle était pleine, le public écoutait religieusement les propos du chercheur. Ce que nos amis entendaient, souvent dépassait leur imagination. Cependant, ils retenaient l’essentiel. Différents mondes pouvaient se côtoyer en s’ignorant. Ils avaient chacun leurs propres lois physiques et ne pouvaient donc pas interagir. Sauf exceptions, et c’est là que ça devenait intéressant !
Bien évidemment, Luna, à l’issue de la conférence, se procura les derniers ouvrages du professeur Hawkins. Elle courut derrière lui afin de lui soutirer une dédicace et profita de l’occasion pour solliciter un entretien en rapport avec ses travaux. Le savant, tout d’abord réticent, puis flatté, ne résista pas longtemps au regard lumineux de la jeune fille. Cette dernière gardait toujours en tête son projet : la recherche de son père, le pauvre Marcel, tombé peut-être à tout jamais dans l’oubli. L’oubli, elle en était convaincue, c’était sûrement un univers parallèle. Il fallait chercher. Et surtout, il fallait trouver !
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