Chapitre 2: Les Caves
Je n'avais pas le droit d'aller dans les caves. Tout d'abord parce que, contrairement à ce qu'indique leur nom, elles n'ont rien de caves. Ce sont des grottes. Le sol est fait de pierres humides et glissantes, les parois sont sombres, parfois éclairées par quelques torches et champignons luminescents ici et là, mais c'est tout. Et surtout, elles sont dites remplies de monstres en tous genres. Les seuls qui en ressortaient étaient les voyageurs, les Héros et les quelques gardes qui venaient relever ceux du port.
Comme je l'ai dit, je n'avais pas le droit d'y aller. Il y avait devant l'entrée de la grotte un panneau prévenant les quelques casse-cous de ce qu'ils risquaient en passant par là. Même ce panneau me semblait étrange maintenant. Je n'arrivais plus à le lire. L'écriture était floue, tout juste quelques vaguelettes légèrement plus sombres que le bois du panneau. Vous me direz, savoir lire n'était pas forcément quelque chose de commun ici. Mais ma mère me l'avait enseigné, en même temps que l'écriture et les calculs.
Remettant correctement le fourreau de vieux cuir de mon épée dans mon dos, je pris une profonde respiration. "C'est parti Arthur," me dis-je, "il est temps de prouver que tu n'es pas juste un fermier !"
Étais-je présomptueux de me dire que ces caves n'étaient pas grand-chose? Oui, sûrement. À peine avais-je posé le pied sur le sol humide qu'un monstre m'attaqua. Inexpérimenté, je dégainais maladroitement ma lame afin de parer le coup. Heureusement pour ma pauvre peau, la chose noirâtre qui me faisait face devait être aussi inexpérimentée que moi. Forme vaguement humanoïde semblant être faite de la même pierre humide que les murs, ses mouvements me semblaient désormais lents. Je bloquais donc le coup, repoussant son bras probablement aussi lourd que mon corps entier, avant de plonger ma lame dans ce qui devait être son torse. L'épée s'y enfonça comme dans du beurre et l'ombre sembla fondre sur le métal.
Tout juste soulagé de m'être débarrassé de cette chose, je sursautais en sentant soudainement ma bourse s'alourdir. Après une rapide vérification, il s'avéra que je venais de gagner cinq pièces d'or. Je n'avais aucune idée de leur origine, et leur arrivée correspondant étrangement avec la mort de la créature ne me rassura pas sur leur provenance. Ce monde avait vraiment décidé de partir en vrille sans me prévenir.
Cependant je n'avais ni le temps, ni l'envie, de perdre mon temps sur ces questions existencielles. Pas pour le moment. Pas alors que je risquais actuellement ma vie dans une grotte remplie de monstres. Avant toutes choses, avant de repenser à ce voyageur et au médaillon, il me fallait déjà survivre à cette cave.
Les monstres s'enchaînèrent. Leur rythme semblait étonnament calculé, presque régulier. Les créatures tournaient entre trois types. Il y avait les ombres rocheuse, l'équivalent géant et mobile des champignons luminescents qui jonchaient mon trajet, ainsi que des noyeurs. Ceux-ci n'étaient apparut qu'à proximité du lac souterrain, que j'avais rapidement décidé d'éviter.
Plus j'avançais, plus j'avais l'impression que les monstres se faisaient plus rapides, plus nombreux mais surtout plus forts. J'accélérais donc le pas, même si cela ne semblait rien changer pour eux.
Après ce qu'il me sembla presque une heure de trajet, j'arrivais à un embranchement. Je n'avais jamais été dans les caves et je devais avouer que mon niveau de préparation pour ma quête était déplorable. Je n'avais emmené que mon épée, mes économies, un peu de nourriture ainsi qu'une outre d'eau. Pas de carte de la région et très certainement pas de carte des caves en elles-même. Poussant un lourd soupir, je me laissais tomber contre un rocher plus ou moins sec, examinant mes deux options. Les deux tunnels étaient aussi peu engageant l'un que l'autre. Je tirais une pomme de mon sac, essayant de voir lequel des deux étaient le plus éclairé (et duquel le moins de sons effrayant venait).
Hélas, les deux me semblaient parfaitement identiques. Egalement effrayant, humide, peu éclairé et potentiellement mortel pour moi, Arthur, fermier de métier avec une épée à deux doigts de rouiller. Après une bonne dizaine de minutes à tergiverser, je perdais mon calme et jetais mon trognon sur le tunnel qui se trouvait devant moi. Ce geste fut probablement l'un des plus idiots de tous ceux que j'avais fait dans ma courte vie.
Un grognement retentit dans l'obscurité, se transformant rapidement en un rugissement terrifiant. Tout le sang quitta mon visage lorsque je compris que le tunnel était la tanière de quelque créature que je n'avais pas encore rencontré dans mon périple. Dans un mouvement accéléré par la panique, j'attrapais mon sac et pris mes jambes à mon cou dans le second tunnel que j'espérais vide de toutes créatures qui m'auraient ralenties au mieux et tué au pire.
Toutefois, la malchance qui semblait me poursuivre depuis ma rencontre avec le Voyageur (que je rechignais toujours à appeler Héros) frappa à nouveau. Si l'humidité du sol ne me fit pas déraper, ce fut seulement pour que le destin me prive de sortie. Le Voyageur n'était pas encore passé. Le tunnel était toujours scellé par la roche. Désormais piégé, j'examinais rapidement l'éboulement de pierres qui se trouvaient devant moi d'un regard rendu inexact par l'adrénaline et la panique. Derrière moi, j'entendais les griffes de la créature contre la pierre. Elle n'était qu'à quelques mètres de moi, courrant à pleine vitesse.
Mon souffle ralenti alors. La condensation de mon souffle cessa presque de monter vers le plafond, se transformant en volutes paresseuses. J'eu l'impression que le temps ralentissait à nouveau, comme durant mon premier combat. La créature existait toujours dans le fond de mon esprit, mais elle était éloignée. Mon regard se posa à nouveau sur la montagne de pierres. Je ne pouvais pas les bouger, mais la créature, dont je devinais le lourd poid au son de ses pattes sur le sol, oui. Alors que le temps semblait reprendre son cours normalement, je bondis. J'agrippais l'une des pierres ressortant et grimpait jusqu'à être accroché à l'un des stalactites de la grotte. A peine étais-je en sécurité que la créature déboula et enfonça brutalement l'éboulement. Si j'avais toujours été en bas, elle m'aurait tuée. Même les pierres ne suffirent pas à arrêter cette espèce de sanglier rocheux. Il s'y enfonça, repoussant tout, et sorti à l'air libre.
Je ne sais combien de temps je restais là, accroché à la stalactite, mes mains saignants presque de la force que je mettais dans ma poigne. Puis, une fois sûr que la créature ne reviendrait pas, je me laissais glisser puis tomber au sol. Devant moi, le tunnel s'ouvrait sur un soleil éclatant et un large champ de blé. Un sourire s'étala sur mes lèvres alors que je laissais les rayons de l'astre caresser mon visage. Je profitais de cet instant de calme, rassemblant peu à peu mes esprits. Cependant, cet instant ne dura pas. J'entendis des bruits de pas derrière moi. D'un instinct que je ne savais pas avoir gagné, je dégainais mon épée et faisais face à ce que je supposais être un nouvel adversaire.
Devant moi se trouvait le Voyageur. Il me contemplait, impassible comme toujours, les bras alourdis parce que je reconnu être une bombe. Puis, brisant son masque de marbre, il arqua un sourcil surpris:
"Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?"
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