Chapitre 1
Il est 7h du matin et je regarde mon plafond. Ça va faire dix minutes que je suis là. Allongé sur le dos, à penser à cette journée qui commence.
Aujourd'hui, je vais enfin connaître la consigne du fameux "projet semestriel". Je suis dans une école d'art, et je viens d'entrer en deuxième année. Et en fait, chaque semestre, on doit créer un projet artistique personnel.
Pour avoir la moyenne il suffit de suivre la consigne...en théorie hein. Parce que moi ça fait plus d'un an que je me fais remballer par les profs. Ce n'est jamais ce qu'ils attendent... Pourtant, sans vouloir me venter, je maîtrise très bien toutes les techniques de dessins qu'on apprend en cours : le dessin au crayon papier, la gouache, les feutres, le fusains,... Mais il sont jamais contents! Et ils ont tous des arguments différents :
« Il manque quelque chose ! », « Tu n'as pas cherché assez loin. », il y en a même un qui m'a dit un jour « T'es sûr de vouloir devenir artiste ? ».
Pfff...évidemment ! Il y a que ça qui m'intéresse dans la vie !
J'habite chez mes parents, j'ai une vie tranquille, on est plutôt aisés, je sors jamais, je n'ai pas vraiment d'amis non plus. Enfin bref, l'art, le dessin, la photo, la sculpture, ça me permet de créer un univers qui me plaît, un lieu rien qu'à moi où tout est possible. Mais bon apparemment mon univers ne plaît à aucun de mes profs !
Je soupire bruyamment. Il est 7h15...bon...faut se lever.
Je me lave, m'habille et descends dans le salon avec mon sac. Mes parents sont déjà partit au boulot. Je mange vite fait ce que ma mère m'a laissé sur la table, et remonte me laver les dents.
Il est 7h30 et je suis prêt.
Une fois dehors, je marche plutôt rapidement. C'est que je me languis vraiment de connaître l'intitulé du projet !
« C'est ta chance d'avoir enfin une note à la hauteur de ta technique ! » m'a dit mon prof principal. J'adore entendre ces encouragements...
Mais ils doivent au moins reconnaître que malgré tout je m'accroche ! Je n'abandonnerais pas ! Parce que c'est ça que je veux faire plus tard ! Je veux créer, imaginer des choses pour que ces œuvres touchent des gens. Même si ce n'est qu'une personne ou deux, je veux faire ressentir quelque chose à travers mon Art!
Car c'est ça l'Art : transmettre des sentiments a travers un réceptacle que l'on appelle "oeuvre".
J'arrive à mon lycée. De l'extérieur, il ressemble à une vieille usine vide, mais l'intérieur fait plus...moderne on va dire. Des meubles et des sculptures designs, décorent les couloirs du lycée. Et au centre de cet haut imeuble, un carré de ciel sert de plafond à une petite cour coincée au centre du bâtiment.
Je marche seul, mes écouteurs enfoncés dans les oreilles, vers le banc le plus proche de la salle d'Art Appliqué.
J'ai beaucoup de cours avec différentes techniques d'art, mais j'aime l'Art Appliqué car je peux dessiner au crayon gris ou à la gouache. Des outils simples certes, mais ce sont eux qui traduisent le mieux ce que j'imagine dans mon esprit. La cloche sonne enfin, et je rentre en classe avec tous mes camarades. Je m'assois à mon bureau, juste devant le prof. Je n'aime pas trop me mettre derrière, les gens discutent trop et je n'arrive jamais à suivre le cours.
M.Seok se met enfin face à nous. Il doit avoir la cinquantaine je pense. Il paraît jeune, mais ses plis de visage et ses cheveux grisonnants trahissent cette impression.
Il met ses grosses lunettes excentriques, et commence à parler :
-Bonjour à tous. Aujourd'hui je vais vous donner l'intitulé du projet de ce semestre. Notez dans votre cahier, que je n'ai pas à me répéter.
Directe et tranchant comme d'habitude.
Mais moi j'ai déjà mon stylo en place, il n'attends que ces quelques mots qui devrait déclencher en moi une vague soudaine et violente d'inspiration ! Oui j'abuse peut être un peu...mais j'adore cette sensation qui m'envahit, cette impression soudaine que ce que vous allez faire, sera forcement prodigieux ! Oui je m'emballe ! Mais que voulez vous ? Je suis passionné.
M.Seok replace ses lunettes et lis enfin sa feuille :
- « Traduisez par le support de votre choix, une philosophie de vie ».
Hein ? Une philosophie de vie ? Un élève demande à ma place :
-Vous entendez quoi par « une philosophie de vie » ?
Le professeur soupire et répond ennuyé :
-Inspiré vous d'une personne ou d'un groupe de personne, qui vivent d'une manière qui vous a touché d'une façon ou d'une autre. Et non je veux pas que vous alliez me photographier des SDF dans la rue ! Il faut voir plus large, plus profond.
« Plus large, plus profond. » ?? Ok dites aussi « Faites vague et précis. » tant que vous y êtes...
J'écris mot pour mot tout ce qu'il vient de dire, je place mon visage entre mes mains et regarde inlassablement cette feuille à peine entamée.
« Une philosophie de vie ».
Est ce qu'il veut dire une façon d'être dans sa propre vie ? C'est un style de vie ? Mais ça peut être le notre ou... Mes camarades ont l'air aussi perplexe que moi. Mais quelques uns griffonne déjà des trucs.
Merde. Elle est où ma putain d'inspiration légendaire ??
Je lis et relis ses mots qui finissent par devenir incompréhensible puis je regarde de nouveau autour de moi. Les gens ici ont des vies si banales... Ça se voit. Je ne peux pas écrire la listes des amants de cette fille, je peux pas dire combien de gens ce mec a pu racketter, combien de fois cette fille c'est fait battre par son père, je peux pas imaginer le nombre d'arbre que ce garçon a pu voir dans sa vie ! Et puis comment le traduire sur le papier...ou même en photos. Le plus simple ça serait une sorte de documentaire en vidéo. Mais ce serait trop facile... Non. Je dois trouver quelque chose de plus profond et marquant. Une simple photo ou un simple tableau qui pourrait raconter la vie de quelqu'un avec des traits simple mais impactant. M.Seok passe près de moi. Il dit en tirant un peu mon cahier vers lui :
-Pas très inspiré aujourd'hui Hyo-Jin ?
Je lui répond en levant à peine la tête :
-Je réfléchis.
-Eh bah réfléchis bien hein, parce que cette fois tu dois atteindre au moins un 16/20 ok ?
Je répond à voix basse en le regardant partir :
-Oui monsieur...
Qu'est ce que je vais bien pouvoir faire...
Il est 14h30. Mes cours sont terminés et je rentre chez moi. Si je prends le métro je peux être à la maison en un quart d'heure. Il n'y a personne dans les transports en communs à cette heure-ci, c'est pour ça.
J'entre dans le wagon qui s'arrête en face de moi et je m'assoie sur le siège tout de suite à droite. Ça sert à rien d'aller trop loin, j'ai que quatre arrêts. Après avoir mis ma musique préférée, je relève la tête et observe autour de moi. Il n'y a vraiment personne dans ce wagon en fait... Ah non, je vois un vieux monsieur au fond je crois.
Peu importe. Plongeons nous dans nos pensées. C'est que j'ai un devoir à réusir.
A la station suivante, un homme puis une collégienne rentrent. Je les remarque à peine passer et regarde de nouveau mon téléphone. Mais un truc me fait de nouveau lever les yeux. L'homme qui est maintenant debout contre les portes en face de moi, paraît très jeune en fait... Peut être mon âge. Mais il n'est pas en uniforme... Il ne va pas en cours ? Ou peut être qu'il sèche. J'allais détourner les yeux mais mon regard se bloque. Il vient de relever la tête pour regarder le nom de la station et il est...magnifique. Non mais sans déconner je vous jure ! Son visage doux est pourtant si carré et charismatique. Ses cheveux blond sont rabattu en arrière. Et puis ses yeux ! Ils sont bleus non ?! Il est pas coréen ? Ou alors ce sont des lentilles...
Je... Je suis...envoûté.
Mais ça fait combien de temps que je le regarde sans cligner des yeux moi ? ! C'est comme si mon regard, voulait avaler son image et la garder dans mon esprit pour toujours. Je réagit enfin quand il baisse à nouveau la tête. Et comme si je m'étais retenus de respirer tout ce temps, je peine à reprendre mes esprits ! Putain il s'est passé quoi là... C'était un coup de foudre ? Non. C'était bien plus poignant.
Je dois immortaliser cette beauté.
Mon corps bouge enfin et je sors mon téléphone. Je vais prendre une photo vite fait et je le redessinerais à la maison.
Bon. Hyo-Jin. Concentration. Soit discret.
Je lève lentement mon téléphone et croise mes jambes pour le poser sur mon genoux. Voilà, j'envoie juste un texto hein monsieur l'inconnu.
Dur de viser...
Mais d'un coup, on passe dans un tunnel et la lumière s'éteint !
Je sursaute et appuie sur le petit rond de l'appareil. Un flash puissant éclair le wagon un millième de seconde. Et durant ce laps de temps, je vois le visage du bel inconnu me regarder surpris !
ET MERDE !
Quand la lumière reviens, je deviens écarlate. Le garçon me regarde encore. Il n'a pas l'air de bien comprendre ce qui venait de se passer. Puis ses sourcils se froncent et il se redresse.
Non ! Non ! Viens pas vers moi !
Mais deux mots me redonne espoir :
« Station Sudang ! ».
YES ! Mon arrêt ! Le jeune homme s'avance vers moi, mais heureusement les portes s'ouvrent ! Je me lève et me rue sur le quai ! Je me met à courir comme un dératé jusqu'à ce que j'arrive enfin dehors ! Je soupire, essoufflé. Et après avoir vérifié qu'il ne m'avait pas suivit, je m'en vais.
Aaaaah plus jamais ! Putain il a dû me prendre pour un malade mental...
Mais en même temps qu'est ce qui m'a pris de faire ça ?!
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