Nakama

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- Comment s'organise-t-on ?

- Une équipe doit rester ici pendant qu'une seconde servira d'appât en-dehors de la ville. Il faudra qu'elle se fasse remarquer, même si c'est par la violence. Nous devons avoir le temps de trouver les preuves nécessaires pour faire bouger la ville d'à côté.

- C'est de la folie.

- Je sais, mais je ne vois pas d'autres solutions. As-tu une autre alternative à proposer ?

- Pas encore, mais laisse-moi un peu de temps pour y réfléchir.

- Je te laisse une semaine.

- Et si les autres refusaient ton option ?

- Ils ne refuseront pas. Quoique tu décides, ils te suivront.

- C'est faux.

- On verra la semaine prochaine.

Sur ces mots, Oshoku rangea les documents sur lesquels ils avaient passé la soirée à travailler.

- Donc tu voudrais que je parte avec la seconde équipe.

- Exact.

- Et toi ?

- À ton avis ?

- Tu es difficile à cerner.

- Je ferai comme les autres.

- Ce n'est pas logique...

- Pourquoi ça ?

- Qui s'occuperait du groupe censé rester en ville ?

- Kyōsai.

Un long silence malaisant s'installa entre eux.

- Es-tu sûre de ton choix ?

- Tout à fait. Et je ne compte pas me justifier.

- Soit... C'est également risqué.

- Il y a peu de chances pour que ça le soit.

- Qu'en sais-tu ?

Il n'obtint aucune réponse de sa part, hormis un sourire qui se voulait être rassurant. Elle se leva, remit son blazer et glissa sa pochette dans son sac.

- Je vais te laisser, c'est bientôt l'heure du couvre-feu et je ne veux pas attirer l'attention du système. Pas maintenant.

- Veux-tu que je te raccompagne ?

- Non, il sera trop tard quand tu voudras rentrer. Bonne soirée.

- Bonne soirée à toi également et fait attention en rentrant.

- Voilà pourquoi les gens te suivront même s'il s'agit d'un comportement normal pour toi : tu es bienveillant, tu veilles sur les autres et tu t'intéresses à eux. C'est rassurant. Enfin... Tu es rassurant.

Les portes de l'ascenseur se refermèrent sur elle sans qu'il n'ait eu le temps de répondre quoique ce soit.

Il se contenta de pousser un léger soupir en la voyant disparaître avant d'aller vaquer à des occupations moins répréhensibles, comme prendre une douche et se caler dans son canapé-lit devant un programme minable qui avait réussi à passer la censure pour s'endormir dessus, comme chaque soir.

L'appartement n'est pas très grand, mais fonctionnel et suffisant pour une personne habitant seule. La décoration est sobre, sans aucune fioriture ou nuisance visuelle hormis quelques lumières d'ambiance appliquées à divers endroits stratégiques et de brûleurs d'encens d'où émanent de discrètes odeurs boisées qui l'aident à s'évader mentalement une fois rentré chez lui, loin de toute l'agitation de la ville.

* * *

La semaine de délais passa rapidement sans qu'il ne trouvât une quelconque alternative au problème qu'avait soulevé Oshoku.

Ils s'étaient retrouvés autour de la table habituelle sans que qui que ce soit d'autres n'ait été averti. Leur présence était inutile quand Oshoku prenait des décisions

- Donc nous suivrons le plan initial.

- Tu ne m'en laisses pas vraiment le choix.

- Kyōsai devrait parvenir à désactiver nos ishokus dans la semaine.

- Comment arrives-tu à lui faire confiance ?

- Il y a autant droit que les autres.

- Certes, oui. Mais il y a des circonstances qui font que mon avis reste mitigé à son sujet.

- Dans ce cas, il n'est pas la seule personne dont tu dois te méfier.

- C'est différent.

- En quoi je suis différente ?

- Je te connais depuis assez longtemps pour savoir que tu ne trahiras personne. Et également parce que c'est toi qui a lancé le mouvement.

- Alors dans ce cas, essaie de le connaître ?

- Ça risque d'être compliqué si nous partons la semaine prochaine.

- Quand nous rentrerons dans ce cas.

- Tu penses sincèrement qu'on en reviendra vivant ?

- Je garde espoir d'être encore en vie pour voir les choses changer.

- J'aimerai être aussi confiant que toi.

Elle haussa négligemment les épaules, ne souhaitant pas partir dans ce genre de débat avec lui.

- On devrait penser à ce qu'il nous faudra une fois dehors.

- Un purificateur d'eau et un lexique de plantes en priorité.

- Et des toiles de camouflage.

Il la regardait écrire la "liste d'objets utiles" avec attention, admirant son écriture régulière et élégante.

- Si on pouvait trouver des vivres non-périssables, ça pourrait aider les premiers temps.

Elle hocha simplement la tête en unique réponse et rajouta un tiret pour y noter la récente proposition. Il reprit rapidement la parole, un détail commençant à l'inquiéter :

- Nous serons combien à partir ?

- Je ne me suis pas encore penchée sur la question.

- C'est pourtant une donnée importante à prendre en compte.

- Je réunirais tout le monde demain pour régler ce problème. Vois-tu d'autres éléments à ajouter à la liste ?

- Des couvertures, des sacs à dos, des gourdes, des armes,...

- Des armes ? En une semaine ?

- Ce ne sont que des idées, mais ça pourrait se révéler utile.

- Certes... On verra...

- Donc, de la corde, des kits de soin, un réchaud et une bouilloire solaires, et après, ça viendra au fur à mesure.

- C'est déjà pas mal. Je vais faire en sorte de pouvoir fournir un maximum de ce qui est présent sur la liste. Si tu as d'autres idées entre temps, n'hésite pas à m'envoyer un message.

- Je ferai ça.

- Bien.

Elle rangea sa liste en sécurité dans son sac et croisa ses bras sur la table avant d'y enfouir son visage.

- Qu'est-ce qui t'inquiète ?

- Tout.

- Tout ?

Il n'insista pas face à son silence et se contenta de rester là dans l'hypothèse qu'elle veuille finalement se confier. Un évènement qui n'arriva pas. Il en profita pour se perdre dans ses pensées, navigant entre les responsabilités qu'Oshoku allait lui faire porter, sur les risques et les dangers qui allaient peser sur le groupe volontaire quand les murs de la ville seront passés.

- Merci.

Oshoku venait de se reprendre, essuyant les dernières larmes qui avaient perturbé son masque de confiance.

- N'en parles à personne.

- Les autres n'ont pas besoin de savoir.

- Merci. Je ne vais pas t'ennuyer plus longtemps, tu dois avoir d'autres choses à faire.

Elle s'était levée et rangeait les affaires qu'elle avait sorties quelques heures plus tôt. Il fit de même et la suivit jusque dans le hall.

- Ça va aller ?

- Ouais, ça devrait aller. Tu bosses demain ?

- Non, seulement le jour d'après.

- J'aimerais que tu sois là pendant la réunion de demain soir.

- J'y serais. Dans le bar habituel ?

- C'est exact. Merci.

- C'est normal.

- J'enverrai un message pour les détails dès que je serais rentrée.

- Ok. Rentre bien, miss. À demain.

- Oui, à demain.

La cabine de l'ascenseur descendit avec Oshoku et il partit refermer la porte qui séparait son appartement du monde extérieur à clé avant d'attacher ses cheveux noirs au niveau de sa nuque pour aller faire la vaisselle du midi passé avec elle.

Une fois cette tâche accomplie, il se dirigea vers une petite bibliothèque localisée dans le salon pour en sortir un roman à la couverture aux couleurs douces.

Il s'était installé de travers dans un fauteuil près de la baie vitrée afin de profiter de la lumière naturelle pour éclairer sa lecture sans lumières artificielles.

Un roman de fantasy racontant l'histoire d'une jeune femme indépendante qui parcourt le monde aux côtés de compagnons pour empêcher l'accomplissement d'une prophétie néfaste pour la population entière [oui, ceci est le grossier résumer d'un livre existant réellement].

* * *

Les volontaires se levèrent, d'abord d'un geste hésitant, puis avec un peu plus d'assurance en voyant d'autres combattants de leur cause en avoir le courage.

Jiyu fut le premier à se lever. À son regard, cela semblait être une évidence pour lui-même si ça l'était beaucoup moins pour les autres. S'il ne le connaissait pas, il le penserait animé par une dangereuse naïveté.

Au total, ils étaient douze à s'être levés.

Avec Oshoku et lui, ça faisait quatorze.

Ce qui laissait encore vingt personnes entre les murs de la ville. Un nombre largement suffisant pour mener à bien la partie importante de la mission.

Oshoku observait en silence les évènements. Tout se déroulait comme elle l'avait planifié. Un simple regard de sa part avait suffi pour persuader Kyōsai à rester assis.

Merci, rasseyez-vous. Kyōsai prendra ma relève avec le groupe qui reste ici.

Quelques protestations allaient se faire entendre jusqu'au moment où elle leva la main avant de devoir en écouter les arguments qui ne seront pas objectifs.

Mon choix n'est pas contestable. Il a été longuement réfléchi et il s'avère que c'était le plus pertinent à ma disposition.

Peut-on en connaître les critères ?

Murasaki, les mains croisées sur la table du petit salon de thé, regardait son amie avec bienveillance même si son choix semblait l'étonner.

- Oreandā est à sa portée, il lui sera aisé d'invalider le système si besoin et il possède l'autorité et la prestance nécessaires au commandement d'un groupe.

- Je comprends mieux. Merci.

- Y a-t-il d'autres questions ?

* * *

- Es-tu sûre que son programme fonctionnera une fois dehors ?

- Essaie de lui faire confiance.

- J'essaie.

- Le résultat n'est pas très concluant.

- Le résultat sera visible quand on sera passé de l'autre côté en un seul morceau.

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