Autoroute du Soleil – un peu au Nord de Valence – 13h01 (11h01 UTC)

• Treize heure une, vous êtes bien sur Autoroute Info. Pas de perturbation actuellement sur nos réseaux, il fait beau et la route est fluide.

Bertrand roulait maintenant depuis plus de quatre heures. Il avait quitté Auxerre ce matin en direction d’Arles pour y retrouver sa fille.

Comme le préconisait la société d’autoroute, il avait confié la conduite de sa voiture au pilote autonome. De ce fait, cela faisait maintenant plus de soixante kilomètres qu’il suivait la même voiture. Il pensait au temps où étant gamin ses parents lui donnaient comme défi de trouver une voiture rouge ou bleue ou encore jaune. A l’époque ce n’était pas compliqué, les voitures n’arrêtaient pas de se doubler ou de se faire doubler. Mais maintenant que l’automatisme avait créé ces trains de voiture, vos voisins ne variaient qu’à l’occasion de changement de direction. Heureusement, pendant le trajet, la société d’autoroute proposait des films en streaming. Pour ce trajet il avait choisi un vieux film de Steven Spielberg : Duel. Il s’agissait d’une course poursuite entre une voiture et un énorme camion sur les routes américaines dans les années soixante-dix.

Bertrand était content que ce genre d’histoire ne puisse plus se produire de nos jours.

Le son du film s’interrompit :

• Priorité à la sécurité : véhicule accidenté au niveau du kilomètre 118 direction Lyon, sur la voie de gauche. Vous serez ralentis en arrivant sur zone, une patrouille est en intervention.
• Ca va, c’est dans l’autre sens. Je ne devrais pas perdre de temps sur mon trajet.

Le film reprit.

Subitement, Bertrand sentit la voiture faire une embardée. C’était totalement inhabituel. Bertrand consultat les écrans de contrôle, tout semblait normal.

Un peu moins de deux minutes après la voiture quitta de nouveau sa ligne. Mais cette fois elle ne se rétablit pas et alla heurter la voiture qui était à sa gauche. En un instant il sembla à Bertrand que plusieurs véhicules avaient, comme la sienne, dévié de leurs trajectoires et plusieurs accidents se produisirent. Une voiture de la voie médiane fit un gros écart vers l’extérieur de l’autoroute et vint croiser la route d’un camion sur la voie de gauche. Celui-ci, en pleine vitesse, broyat la voiture, se mit en travers de la chaussée et se renversa.

L’effet fut immédiat. L’ensemble des véhicules qui les suivaient s’encastrèrent les uns dans les autres dans un horrible bruit mêlant cris d’épouvante et chocs de carrosseries. Certaines alarmes se mirent à sonner striant l’air.

La radio du véhicule se fit alors entendre.

• Priorité à la sécurité : où que vous soyez sur nos autoroutes, arrêtez vous immédiatement en veillant au maximum aux conditions de sécurité. J’ai bien dit Arrêtez-vous immédiatement, où que vous soyez. Si vous le pouvez sortez de votre véhicule, passez de l’autre côté des barrières de sécurité et éloignez vous au maximum de la chaussée.

Bertrand aurait bien aimé sortir de sa voiture. Mais celle-ci était encastrée parmi d’autres et il ne pouvait ouvrir les portes.

Il constata que dans la voiture voisine une jeune femme cherchait elle aussi à quitter son véhicule. Celui-ci était venu s’emboiter entre la voiture de Bertrand et le rail de sécurité et ses portes étaient donc aussi bloquées. Bertrand baissa la vitre de la porte de droite et l’appela :

• Madame, Madame

La conductrice baissa à son tour sa vitre.

• Monsieur, il faut nous sortir d’ici.
• Oui n’ayez pas peur, nous allons y arriver. Pouvez-vous baisser une vitre sur votre côté droit.
• J’essaye. Oui cela marche.
• Essayez de sortir par la fenêtre.
• Ok, je tente le coup.

Après quelques contorsions la femme réussit à s’extraire de la voiture, mais elle retomba lourdement de l’autre côté de la glissière de sécurité et s’abimât l’épaule.

Bertrand s’engagea alors sur la même voie. Etant bon vivant, il avait pris un peu d’embonpoint. Mais après quelques contorsions, il arriva à passer dans la voiture de la dame puis à en sortir. Ayant pratiqué le judo, il sut retomber sur le sol sans problème.

Il retrouva la femme qui pleurait, au bord de la crise de nerf.

• Que s’est-il passé ? Avez-vous vu quelque chose lui demanda-t-il ?
• Non rien du tout, je faisais de la méditation tranquillement quand tout coup j’ai ressenti un choc violent et en ouvrant les yeux j’ai découvert cette catastrophe. Et vous ? Vous avez vu quelque chose ?
• Non, juste un premier petit écart sans conséquence et tout à coup cet effroyable accident.
• Je ne comprends pas ce qui c’est passé.
• Moi non plus, j’ai l’impression que tout d’un coup, toutes nos voitures sont devenues folles. C’est peut-être un attentat de Hacker sur le système autonome.

Un troisième rescapé rejoint alors leur conversation :

• Non, je pense plutôt à un problème de GPS. D’ailleurs nous n’avons plus de localisation sur nos smartphones.

Effectivement Bertrand vérifia que la cartographie de son portable était incapable de le localiser.

Les trois personnes regardèrent autour d’elles. Ce n’était qu’amas de tôles. Mais ce qui les traumatisaient le plus c'était les pleurs et les cris des personnes emprisonnées dans leurs voitures.

Ils se rendirent compte de la gravité extrême de la situation en voyant en amont et en aval de l’autoroute des colonnes de fumées noires s’élever lentement, telles des vigies sinistres.

Dans l'heure qui suivit la totalité des autoroutes et voies rapides du monde devinrent inutilisables.
Il en a été quasiment de même pour les axes secondaires. Sur ceux-ci les sorties de routes se sont multipliées et le bilan humain de cette journée fut absolument monstrueux.

Mais elle ne le fut pas que sur les routes...

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P.K / 8 mars 2024