« Mademoiselle ! »

 

« Mademoiselle ! »

 

« euh ! oui… »

 

J’étais ailleurs. Pas surprenant, ils sont en pleine analyse de bilan, résultat et soldes intermédiaires de gestion. Lourd ! je suivais jusque là, et j’ai décroché… Je songeais à mon banc de fac, mes allées et retours, resto universitaire, fac, chambre. Mes amis ! je suis partie sans les prévenir, comme disparue de la circulation ! Ma routine, mon ancienne vie… Je regrette ? non, il faut que je grandisse, que je m’épanouisse, que je devienne quelqu’un, une personne importante, indispensable. Je suis lassée d’être comme tout le monde, de faire le mouton, bonne petite étudiante sans soucis et sans problème. Un grand besoin de ‘croustillant ‘…

 

« La CAF vous savez de quoi il s’agit, mademoiselle ? »

 

« Capacité auto financement, bien sûr, continuez. »

 

Je crois que je lui en ai bouché un coin, au petit bonhomme, tout bien, tout comme il faut, un aide comptable, qui semble tout coincé, costard, cravate, les cheveux gominés, le genre qui n’aime pas les changements, une vie réglée comme du papier à musique, ordonné, classé, un rien ‘psycho rigide ‘ ; limite renfermé et inintéressant. Le profil de l’aide comptable, par excellence ! je ne juge pas, j’observe, je connais ce genre de type, avant de me lancer dans les arts, j’ai suivi une formation comptable. Je crois que je vais les surprendre, j’ai l’impression que je vais bien m’amuser.

 

« L’ EBE ? »

 

« Excédent brut d’exploitation, continuez, votre analyse est très intéressante, je vous écoute, je ne manquerais pas de vous interrompre si vous abordez un sujet ou une notion trop complexe pour moi ! »

 

Là, je crois qu’il a compris, on ne joue pas avec moi, car je gagne. Son analyse est pertinente, c’est vrai, mais qu’il finisse vite, que l’on passe à un autre sujet…

Une grande femme prend le relais, sujet brûlant : la publicité. Cela m’intéresse d’autant plus que je scrute l’épreuve, il y a des défauts, des points à reprendre, on est dans le domaine qui fait vibrer toute ma personne : le dessin, là, je pense que je vais être intraitable !

Je l’interromps, je pense que je l’ai irrité, je lui montre les erreurs, j’émets quelques suggestions ; elle me regarde avec des de grands yeux ronds et étonnés ; se tourne vers mon père, qui acquiesce.

 

« Je pense que Zoé a raison, je trouve ses suggestions très modernes et je souhaite que vous en teniez compte »

 

La grande femme, dans ce petit tailleur bien ajusté, émet un petit sourire, hoche la tête, semble être tout à fait d’accord. Bien ! elle marque un point, car je n’aurai pas lâcher le morceau comme cela, question obstination, je sais faire également.

 

Ce conseil d’administration me plait bien au final, mon stress étant passé, je pense avoir montré, très discrètement, quelques-unes de mes capacités, l’écoute et ce côté ‘petit bout de bonne femme’ sûre, et entêtée. Je pense qu’ils sont en train de revoir leur jugement premier : mon allure de garçon manqué, cheveux très courts, noirs corbeaux, mon allure vestimentaire, simple et à la fois féminine et engagée, a dû les surprendre. On dit ‘l’habit ne fait pas le moine’, c’est ça ? Je suis Zoé, et vous allez apprendre à me connaître, car j’ai la ferme intention de seconder mon père dans sa mission et ainsi me créer ma propre image de femme d’affaires !

 

L’assemblée du jour tire à sa fin, ouf ! je sens que ma tête va exploser ; j’ai beau faire la maligne, tout cela, pour moi, est assez nouveau, et je me sens vidée…

 

J’ai hâte de rentrer à l’hôtel, pour pouvoir me ressourcer, faire le point sur ces événements passés, j’ai besoin de me retrancher pour penser… Je suis comme cela, tout ce qui m’arrive, je l’analyse, le digère, sorte de préparation à la suite, anticipation du lendemain.