Le terminal fermera ses portes dans une lecture.

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Et me voici, moi et mes lourdes valises à l'aéroport d'Orly.

D'un coup d’œil rapide, je vérifie mon reflet dans les vitrines des magasins duty-free. J'ai les cheveux ébouriffés, un rouge à lèvres qui bave et le mascara qui coule. On peut dire que je trahis assez bien l'image que l'on peut se faire d'un lendemain de soirée. Qu’il en soit ainsi. Je n'ai pas le temps de m'arranger après tout. Les autres passagers m'observent marcher de plus en plus rapidement en direction du terminal. Ils ont tous une mine interloquée et je les comprends, car on pourrait croire que je suis la version humaine du lapin dans Alice aux pays des merveilles.Mais moi et mes talons aiguilles, nous n'avons pas le temps. Pas le temps de nous arrêter, pas le temps pour reprendre notre respiration, pas le temps pour votre jugement. Moi et mes talons aiguilles nous sommes des stars sur la piste. Veuillez prendre un autographe si c'est pour être dans mon passage. Ma voix est mise en mode repeat. « Je n'ai pas le temps, pardon, merci ! »

On marche, on court jusqu'à l'avion. Après tout, hors de question qu'ils embarquent sans moi. Rien ni personne ne pourra m'arrêter. Personne ne pourra m'arrêter dans ma course endiablée.


Et là, le drame.


Sortez les violonistes en herbe et les pianistes du dimanche, car cela risque d'être mielleux.

Il se tient debout derrière moi, la main délicatement posée sur mon épaule.


Son parfum a des teintes de bergamote et de fleurs d'oranger.


Et ça m'enivre, ça m'enivre tellement que j'ai arrêté ma course contre le temps.

« Pardonnez-moi... Mais vous avez fait tomber votre portefeuille.»

Sa voix n'est ni trop grave, ni trop aiguë.


Juste ce qu'il fallait pour me faire tomber, moi et mes talons aiguilles.

« Est-ce que vous allez bien ? »

Son visage m'encercle, ses mains me relèvent et je le regarde attentivement ou en tout cas, j'essaie.

J'essaie, car sa beauté m'éblouit.


Elle m'éblouit tellement que mes yeux se détournent, incapable de regarder plus longtemps son visage.

« Madame ?»

D'une voix timide, je tente de lui répondre.


Dans ma tête, ça sonnait comme un « Merci de m'avoir rendu mon portefeuille », mais le son qui est sorti de ma bouche à cet instant ressemblait à quelque chose comme ça :

« gnnnngnnnghmpf »

Surpris, il se met à rire et moi...


Moi et mes talons aiguilles, on voit le terminal se fermer, on entend le hurlement du microphone :

« Plus aucun passager ne peut venir dans l'avion, il va décoller ».

Instinctivement, mes talons aiguilles claquent sur le sol tandis que ma voix si douce, normalement, s'exclame d'une voix rauque : « Eh merde !»

Je sens monter en moi l'énervement, et lui...


Il est toujours là.

Il me sourit puis rigole, lui et sa tête d'ange, lui et son parfum d'Orient, lui et sa voix si douce.

Qu'importe si j'ai loupé l'avion.


Qu'importe si j'ai perdu la course contre la montre.


Viens prendre un verre avec moi, j'ai trouvé une nouvelle destination.

Et pas besoin de valises cette fois-ci.


Venez juste toi et tes habits, toi et ta beauté, toi et ta douceur.

Venez donc embarquer en direction de mon cœur.

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