Sur le trottoir
Un homme est là, assis par terre blanc comme un linge, l’abdomen rouge vif, ensanglanté. On entend gémir, sa respiration est sifflante, il ne se plaint pas, il souffre. Ses cheveux sont longs et sa barbe sale. Il porte un T-shirt, le mercure est descendu sous les dix degrés. Les poils de sont bras sont dressés au garde à vous, il tremble de froid et se vide de son sang. Des croûtes se sont formées sur son jean, ses yeux pleurent, mais il est là, statique, assis sur ce pont sur le bord de la route.
On entend du bruit, des voix. Quelqu’un passe, ils sont plusieurs, ils vont le secourir, venir à son aide. Le petit groupe commence son ascension du pont à pied. L’homme tourne la tête avec le peu de force qui lui reste, une lueur d’espoir naît dans ses yeux, il va vivre. Il tente de les appeler mais aucun son ne sort, tant pis. Il se sent plus léger, la douleur viendrait presque à disparaître, l’espoir renaît. Il attend, et la vie revient peu à peu, ils arrivent. Ils arrivent puis passent.
Passent sans même le regarder, lui adresser un sourire, un bonjour. Ils sont passés comme si de rien n’était, comme si l’homme n’était qu’une feuille déjà morte, un mégot sur le trottoir. Ses yeux suivent lentement le mouvement des jambes des jeunes gens, qui repartent comme ils sont arrivés, qui passent tout simplement. Et l’homme sent le mal de son ventre ressurgir, il n’a même plus la force de se tordre pour tenter de le soulager. Son visage se crispe, de douleur, de tristesse, d’abandon.
Puis l’intensité vient à diminuer, ses forces aussi et ses paupières se fermer. Appuyé à la rambarde, il repense à sa vie et à sa longue descente aux enfers, qui se finit par ces pieds qui foulent la route sans se rendre compte qu’ils allaient le tuer. Ils n’ont rien fait, ne l’ont peut-être même pas vu. Il allait mourir seul, sur ce trottoir dans le froid en t-shirt.
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