(9-3) La Note de Jasmin

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 Des membres de l'armée anti-magie ! Ils avaient encerclé la zone et intercepté leurs suspects. Apparemment, personne ne devait gêné l'opération en cours, dont le Prince n'avait jamais entendu parler. Encore l’œuvre de Hastern ? Il se précipita vers deux chefs de brigade pour en avoir le cœur net. Il ne se laisserait pas ridiculiser.


 À peine déclina-t-il son identité qu'une violente explosion retentit. D'autres détonations suivirent. Dans la confusion ambiante se distinguèrent les sifflements de feux d'artifice. Soit la poudre d'un magasin avait été touchée par accident, soit l'ennemi s'en servait pour attaquer. Pas le temps d'y réfléchir. Une partie du bâtiment s'effondra, Rahyel recula de quelques pas. Il n'échappa pour autant à la vague de poussière qui le submergea.


 — Évacuez les civils ! réussit-il à entendre une voix étouffée.


 Au sein de la déferlante de silhouettes, Elyas repéra des fuyards qui, plutôt que de disparaître comme la majorité, préféraient tracer un chemin sanglant. La prêtresse Läm barra la route de l'un d'entre eux. Elle avait déjà dégainé son duo de sabre. Un homme s'effondra dans l'indifférence. Ou presque. Ses tatouages de carpes retinrent toute l'attention du Prince.


 Le Général Elovin, à la tête de l'armée anti-magie, traquait-il les mêmes individus que lui ? Pourquoi ?


 Sa garde du corps le força à reculer. Il se résigna de mauvais gré. Les réponses attendraient, la cendre le brûlait des narines aux poumons. Elyas supportait encore moins que lui cet environnement.


 — Les renforts ne devraient plus tarder, va prévenir le lieutenant Tylorn de ce qu'il se passe, lui permit-il de se retirer entre deux quintes de toux.


 Le goupil fila à contrecœur, Rahyel se tourna à nouveau vers la prêtresse. Elle comprit ses intentions en un regard : il ne se contenterait pas d'observer sans rien faire. Elle resserra la prise sur les poignées de ses akehimes, tandis qu'il retirait son manteau. Il détestait attirer l'attention, mais l'autorité que lui conférait sa famille l'aiderait à ramener le calme parmi les civils. Il s'y employa jusqu'à ce que le chant des lames cesse et que l'écran de fumée disparaisse.


 Les soldats libérèrent leur joie, hourras et jetées de casque se multiplièrent. Ils avaient vaincu. Certains d'entre eux étaient blessés, mais rien de comparable au sort réservé à leurs ennemis. Rahyel se promit de les récompenser pour leur bravoure, avant de s'intéresser à la cour intérieure où s'était déroulé le gros des combats. Même de là où il se tenait, des éclats de couleurs attiraient son œil. Bleus, vifs. Encore ces tatouages. Ils s'étalaient sur le sol comme les flaques de sang sous le corps de leur propriétaire.


 De toute évidence, Elovin avait débusqué leur tanière et ne leur avait laissé aucune chance.
Une belle trouvaille... pour un beau gâchis !


 Si l'opportunité avait été donnée au Prince de se jeter dans la bataille plutôt que de se retirer, faute d'équipement adéquat, il n'aurait pas à contempler toute cette perte d'informations. Il avait pourtant pensé l'armée anti-magie plus fine que la milice. Il ne manqua pas de s'en plaindre.


 — Ordres du Général, tenta d'expliquer un officier goupil. Le petit poisson ne l'intéresse pas.


 Elovin soupçonnerait ce gang d'avoir semé le chaos en ville pour se débarrasser des concurrents locaux et, ainsi, importer les produits de contrebande depuis la côte est. Potentiellement de la darucia.


 Les yeux du Prince brillèrent à cette mention. Il tenait enfin une piste et ne comptait pas la lâcher. Même si, techniquement, le mérite ne lui revenait pas... Tant pis pour les éloges, il prêterait main forte à son cousin éloigné pour le bien de Lumhika. En attendant de pouvoir lui parler et que la maison de commerce soit sécurisée, il savait déjà comment s'occuper. Les trois suspects de La Note de Jasmin, sous bonne surveillance, avaient été attachés et assis au sol. Ils ne seraient pas emmenés tout de suite au Donjon des Espérances. Parfait.


 Avant de s'attaquer au meurtre d'Ipomée, Rahyel préféra d'abord poser des questions basiques. Qui étaient-ils ? Quelles étaient leurs motivations ? Qui les employait ? Il reçut la même réponse étrange à chaque fois :


 — Mes lèvres sont scellées.


 Un malaise s'installa. La présence de sorcellerie à Lumhika se confirmerait-elle ? Le Prince s'efforça à garder son sang-froid : les petits sourires en coin qui lui étaient adressés le poussait à penser que non. S'ils voulaient jouer avec lui, ils ne seraient pas déçus. Il en isola un de ses complices, celui qui l'avait bousculé plus tôt, que Läm enferma dans un cercle de quatre amulettes en papier. Elle lui en colla un cinquième sur le front avant d'entonner un chant en langue ancienne. Ce rituel de purification était destiné à bloquer les effets néfastes de la magie, si elle était vraiment à l’œuvre. Le malfrat commença à convulser, comme si un mal refusait d'être réduit au silence.


 Soudain, un barrage céda en lui et un flot de paroles se déversa, aussi immonde qu'obscur.

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