1

5 minutes de lecture

— Vous voyez ? insista Yagor en secouant la tête du garde entre ses mains. Voici ce que l'on appelle un acte méprisable.

Il jeta la tête au sol. Celle-ci roula pendant quelques secondes, répandant une traînée poisseuse de sang sur son chemin.

— Quoi qu'ait fait cet homme, poursuivit-il en soulevant ce qui restait du pauvre garde, il était soldat. C'était l'un de nos camarades.

Il fit passer sa main dans ses longs cheveux bruns et soupira.

— Réfléchir puis agir : c'est primordial. Bien sûr, parfois, des mesures draconiennes s'imposent. Qui est pour la torture ici ?

Il jeta un regard interrogateur au groupe de gardes. Bien sûr, personne ne lui répondit. Lucian en profita pour s'assurer que la visière de son casque était bien baissée.

— Non ? Personne ? Tiens, toi là !

Yagor lâcha le cadavre et pointa du doigt un garde moustachu. Celui-ci sursauta à l'instant où il comprit que le jeune homme s'adressait à lui.

— Qu'aurais-tu fait à ma place ?

— J-Je...

Le garde hésita en caressant sa longue moustache, tremblant. Yagor s'approcha de lui.

—Tu l'aurais invité à prendre le thé ? ajouta-t-il en souriant.

— Je... Bah je...

— Allez ! Dis-moi.

— Peut-être... Je ne sais...

À cet instant précis, Yagor saisit le couteau qui pendait à son ceinturon et l'enfonça dans l'œil droit du garde. Celui-ci n'eut pas le temps de hurler car, entre temps, l'homme avait déjà tranché sa gorge avec une seconde lame.

— Vous voyez, dit-il en léchant le sang qui avait giclé sur son visage, c'est bien ça le problème : je suis trop impulsif.

Il retira son couteau de l'œil du garde à moustache. Le pauvre soldat s'écroula immédiatement sur le sol. Son sang vint se mêler à celui du cadavre de son camarade décapité. Lucian déglutit.

— Capitaine de la Garde ? Moi ? Ha ! Un piteux exemple pour les soldats, oui.

Il posa son pied sur le corps du garde moustachu.

— Oui, vraiment méprisable.

— Heu... Capitaine ?

La voix venait d'un soldat de petite taille, à droite de Lucian.

— Pourquoi est-ce que vous nous avez demandé de venir ici ? demanda-t-il en se mouchant le nez. On n'a pas fait une bêtise quand même ?

Lucian fut étonné de voir le petit homme rester aussi calme. Il est soit extrêmement courageux, soit complètement inconscient, pensa-t-il.

Yagor haussa un sourcil.

— Ici ? répéta-t-il. Dans le donjon, tu veux dire ?

— Ouais. Vous savez, Capitaine, l'humidité n'est pas bonne pour ma santé. J'ai peur d'attraper un truc si on reste encore longtemps. C'était bien obligatoire ? Atchoum ! cria-t-il soudain en répandant de la morve par terre. P-Pardon.

Un garde, à gauche de Lucian, toussa de nervosité. Lucian, quant à lui, ferma les yeux. Va pour l'inconscient. Yagor s'approcha du petit soldat et posa sa main sur son épaule. À la surprise générale, il se mit à rire.

— On préfère mourir en bonne santé, hein ? T'es un rigolo, toi. J'aime ça.

Il tapota l'épaule du garde, lui fit un clin d'œil puis se retourna.

— Je vous ai emmené ici pour une raison simple : nous recherchons un dangereux criminel, membre de la Résistance. Son but ? Assassiner Lynx XXVI, notre bon roi.

— Vive le Grand Lynx ! s'exclamèrent les gardes à l'unisson. Vive le Roi !

— Bien sûr, la sécurité de Sa Majesté est primordiale et c'est pour cela que nous, la Garde Royale, existons. Malheureusement, tout système à ses défauts. Il semblerait, et c'est même une certitude, que le criminel ait pénétré le château et pris la place d'un garde.

Yagor fit volte-face et tapa dans ses mains.

— Donc, l'un d'entre vous est un traître.

Le silence se fit pesant. Lucian serra la petite pyramide qui se trouvait dans sa main gauche. Pas maintenant.

— Mais... Capitaine, insista le petit garde. Je ne pige toujours pas pourquoi on est dans le donjon.

— J'y venais. Voyez-vous, le criminel possède un objet assez particulier : une pyramide temporelle.

Yagor dessina un triangle avec ses doigts.

— Comme ça mais en trois dimensions avec un carré en-dessous, précisa-t-il. Cet objet permet de créer ce qu'on appelle des boucles temporelles grâce à deux fonctions.

Il leva son index.

— Un bouton bleu permettant à l'objet de garder en mémoire les moment et lieu exacts quand et où son utilisateur se trouve.

Il leva son majeur.

— Un bouton rouge permettant à l'objet de téléporter cette même personne au point temporel et dimensionnel mémorisé grâce au bouton bleu. Jusque-là vous me suivez ?

— Non.

— Parfait parce que c'est là que ça se complique : en revenant dans le passé, l'utilisateur, à moins d'être chanceux, ne pourra pas garder son enveloppe corporelle. Son âme, sa part consciente, se verra automatiquement transférée dans un autre corps présent dans le lieu englobé par la boucle temporelle. Vous comprenez ?

Lentement, Lucian approcha son index du bouton rouge de la pyramide. Pas maintenant.

— En d'autres termes, les personnes utilisant la pyramide temporelle peuvent non seulement revenir à un temps donné mais en plus prendre possession d'un corps qui n'est pas le leur. Imaginez si notre criminel utilisait cet objet dans la salle du trône et prenait contrôle de l'enveloppe charnelle de notre bon roi ?

— Vive le Grand Lynx ! Vive le Roi !

— Ce serait catastrophique ! C'est pour ça que j'ai décidé de vous réunir ici, dans le donjon. Loin du trône, rien ne pourra arriver à Sa Majesté. Pyramide temporelle ou non.

Yagor pouffa.

— C'est un plan ridicule, n'est-ce pas ? Pitoyable, c'est le mot.

Il se caressa le menton.

— Trouver le coupable ? Certes, mais en faisant les choses bien. C'est raté. J'ai failli à mon devoir en tuant deux d'entre vous et ce juste parce que cela m'amusait.

Il essuya ses couteaux sur sa longue cape noire.

— Est-ce que le coupable se trouvait parmi eux ? J'en doute. Ce serait bien dommage en tout cas : trop facile.

Il éclata de rire.

— Pour être franc, tout ça n'a aucune importance, désormais. Vous comme moi sommes prisonniers d'une boucle qui se répète. Enserrés par un serpent qui se mord la queue, notre futur est notre passé et notre passé notre futur. Alors à quoi bon tergiverser puisque tout va, de toute façon, bientôt recommencer ?

Pas maintenant.

— Tiens ! lança le capitaine de la Garde à l'adresse de Lucian. Toi.

Pas maintenant.

— Qu'en penses-tu ?

Maintenant ! Tout se passa alors très vite. Lucian se précipita vers la porte en donnant un violent coup de poing à Yagor, qui tomba en arrière en hurlant.

— À la garde !

Le petit garde enrhumé apparut devant lui.

— Plus un geste ! Tu es cerné !

— Écarte-toi ! s'exclama Lucian. Écarte-toi ou je...

Lucian sentit un objet dur et froid s'enfoncer dans sa poitrine. Il baissa les yeux.

— J'ai dit : plus un geste !

L'épée du petit homme avait transpercé son armure sans effort, s'enfonçant presque complètement entre ses côtes. Il n'avait rien pu faire. Le paysage autour de lui s'assombrit.

— Vite ! hurla quelqu'un derrière lui. Saisissez-vous de la pyramide !

La... la pyramide ? Lucian sentit l'objet qui se trouvait dans sa main gauche. La pyramide !

— Arrêtez-le !

Lentement, Lucian approcha son index du bouton rouge.

— Arrêtez-le !

Il appuya dessus de toutes ses forces et...

*clic*

-FLASH-

Annotations

Vous aimez lire Joseph Kochmann ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0