Chapitre VI
— Donc comme je te le disais, reprit Julien, on fait beaucoup moins de choses ensemble ces derniers temps, c'est en partie à cause des cours et du fait que nous ne soyons pas dans la même classe. Mais pas que.
— Pour ce qui est de la partie scolaire, je ne peux pas vraiment te la mettre sur le dos, mais le reste m'inquiète.
— Il y a aussi le fait que je passe pas mal de temps avec Nicolas depuis qu'il est venu chez moi la fois où je me suis fait larguer, et aussi le fait que lui pour le coup est dans ma classe. On s'est rapproché tous les deux, et on plus qu'une relation amicale. Mais je te rassure, pas si avancé que la nôtre.
— Humm, je vois...
En effet, je voyais presque rouge, c'est presque comme s'il me disait que Nicolas me remplace petit à petit !
— Je sais que tu ne l'apprécies pas.
— Pardon ?
— C'est peut-être pas ça, mais j'ai l'impression que tu ne l'aime pas trop.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— Tes tics, j'ai regardé ces derniers jours, t'en as eu presque aucun, et là, je viens de confirmer l'idée de j'avais : tu les as seulement quand je parle de Nicolas. Donc je ne sais pas si tu as un problème avec lui, si c'est le cas, j'aimerais que tu me le dises, car tu restes mon meilleur ami.
Il accompagna ces derniers mots par sa main qui vint se poser sur la mienne. Je l'ai regardé quelques secondes sans rien dire, d'une part, car je réfléchissais à une réponse, et de l'autre, car j'étais assez étonné qu'il ait remarqué tout ça.
— Maintenant, que tu le dis, c'est pas que je ne l'aime pas. C'est que j'ai peur Julien.
— Mais peur de quoi.
— Qu'il prenne ma place, on se voit moins, et lui, tu le vois plus. J'ai peur d'être "relégué" au simple rôle d'ami. On se connaît depuis qu'on est en maternelle. Je me souviens à peu près de comment on s'est rencontré ! On s'était mis à deux sur un gamin, qui s'appelait Kévin, je crois parce qu'il avait volé ton papillon. Et je ne veux pas que tous ces moments qu'on a passés ensemble soient mis de côté par un mec que tu connais depuis deux mois...
Quand j'eus fini, Julien sorti un mouchoir et m'essuya la petite larme qui coulait le long de ma joue. Puis il reprit :
— Je comprends totalement ta peur. Et c'était une coccinelle, même MA coccinelle. Mais bref, Jean, comme tu l'as dit, depuis la maternelle, on a vécu des tas de choses ensemble. Et ce n'est pas un mec que je connais depuis deux mois qui va me les faire oublier. Tu es et tu resteras mon meilleur ami. Nicolas et moi, on est juste très bon ami, c'est tout. Et honnêtement, ça me ferait super plaisir que vous vous entendiez.
— Je ferai un pas en avant lundi alors, lui dis-je avec un petit sourire.
— Merci.
Il me prit dans ses bras quelques secondes, et nous nous sommes remis à guetter autour de nous. Mais le fait d'avoir parlé de ça nous a amenées à parler un peu plus fort. Durant les trois heures qui suivirent, pas une trace d'une quelconque forme de vie animale. Julien et moi avons donc décidé de plier le camp. Les affaires rangées et les deux gugus que nous sommes, descendues de la tour, nous nous mettons en route vers nos vélos en nous racontant des blagues. Une fois à nos vélos, nous prenons tranquillement la route dans le sens inverse. Alors que nous étions à mis chemin, Julien m'a interpellé.
— Eh Jean, c'est pas un renard là-bas dans le champ.
J'ai regardé la direction qu'il m'indiquait, et à une centaine de mètres se trouvais en effet un de ces petits canidés roux.
— Mais si !
J'ai bondi de mon vélo, et j'ai posé mon sac au sol. J'ai attrapé mon zoom de 105 mm et l'ai mis sur mon appareil. Après avoir traversé la route, j'ai sauté au-dessus du fossé qui sépare la route et le champ et me suis mis à genoux pour une meilleure stabilité. J'ai réglé les paramètres de l'appareil, et la rafale de photo est partie. Je me suis relevé et me suis tourné vers Julien.
— Je l'ai ! J'ai plus qu'a trier la vingtaine de photos.
J'ai rangé rapidement mon appareil et nous nous sommes remis en route. Arrivé chez moi, il était à peu près 17h30. Quand Julien et moi sommes entrés, nous avons trouvé ma mère et Charles assis derrière l'îlot central de la cuisine, les deux avec un masque chirurgical sur le visage.
— Vous faites quoi ?! m'étonnais-je.
— Tu connais Charles... Quand il est malade, il devient nostalgique, du coup, on regarde les albums photos... reprit ma mère.
Charles avec une voix tremblante dit :
— Oh, regarde Roxane ! Tu te souviens de ça !
— Oui, je me souviens de la fête de la crevette Charles...
Julien et moi avons éclaté de rire.
— Bon, on va vous laisser vous remémorer la fois où Charles a recueilli un écureuil blessé.
— OH OUI ! reprit Charles, noisette ! Tu te souviens de noisette.
Ma mère me lança un regard dans lequel j'ai pu sentir qu'elle me maudissait dans au moins sept langues. Julien et moi sommes ensuite montés dans ma chambre. Une fois dans celle-ci, nous avons posé les sacs sur mon lit et pris les appareils pour nous mettre derrière mon bureau. Je transfère les photos prises aujourd'hui vers mon pc, et j'allume Adobe Lightroom afin de faire le travail de retouche avec les photos qui ont passé les "sélections". Julien et moi trions donc la soixantaine de photo si ce n'est plus qu'il y a et nous ne gardons que les meilleurs.
Ceci fait, j'explique à Julien le travail de retouche que j'apporte : l'ambiance, les couleurs, lumières, etc. Le temps que je lui explique à peu près bien, il est presque 19 heures. Le travail de sélection prend vraiment trop de temps. Il prend donc ces affaires, et je l'accompagne à la porte. Je le salue, et lui souhaite un bon week-end avec Nicolas ce qui le fait sourire.
Une fois la porte fermée, je me tourne vers la cuisine, dans laquelle je vois ma mère avec un verre de vin et un air exaspéré.
— Où est Charles, lui demandais-je.
— Aux toilettes, je crois qu'il rend le riz de ce midi.
— Ah pas cool...
— Non, pas cool. Comme le coup de l'écureuil, j'en ai entendu parler une demie-heure. Il voulait que l'on adopte un écureuil du Canada. Mais heureusement, ils ont pondu une loi et maintenant, on a plus le droit d'en avoir.
— Ah, après, je peux lui parler de hamster hein.
Elle me fit les gros yeux et me dit :
— Si tu oses !
— CHARLES ! dis-je en commençant à courir vers les toilettes.
— Espèce de sale petit con !
Elle se mit à me poursuivre. C'est ainsi que j'ai mis dans la tête de Charles l'envie d'avoir un hamster. Le reste de la soirée s'est déroulée calmement. Après manger, j'ai un peu continuer à travailler sur les photos, mais je suis rapidement allé me coucher, la fatigue de la journée prenant le dessus.
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