Ce n'est pas un péché d'être amoureuse
— Je constate que je dois systématiquement te tirer les vers du nez. À ce train-là, nous n’en finirons jamais et ma patience a ses limites. J’ai cependant encore quelques questions à te poser. Pour commencer, que diable faisais-tu cette après-midi pour venir à l’église à cette heure si tardive et à peine habillée ? Je suis curieux de connaître ta réponse.
— J’étais avec mon…
Je ne veux pas lui dire que c’est mon amoureux.
— Mon… mon ami, bafouillé-je.
— Ton ami, répète-t-il. Et ensuite ?
L’abbé attend plus de détails.
— Il… il s’appelle Romain.
— Romain ? Je ne connais pas de Romain. Il n’est pas inscrit dans mon école et ne va pas non plus au catéchisme à ce que je sache.
— Lui et ses parents ne sont pas catholiques.
— Sont-ils d’une autre religion ?
— Non… euh… je ne pense pas.
— Athées ? Ils ne croient même pas en Dieu. Tu devrais mieux choisir tes fréquentations.
Non mais, il n’a pas le droit de dire du mal de mon amoureux !
— Et que faisais-tu avec ton ami ? continue-t-il.
— Je voulais qu’il voie ma belle robe de communion.
— Cela aurait pu attendre demain. Et il ne faut pas toute une après-midi pour montrer une robe. Ne te souvenais-tu pas que tu devais passer à l’église aujourd’hui ?
— Si, mais…
J’étais bien avec Romain quand… quand il m’a embrassée. J’étais heureuse à ce moment, si heureuse. Le temps était superbe, il faisait chaud, le soleil brillait, c’était vraiment une magnifique journée.
— Mais ?
C’était. Le ton du prêtre me ramène à l’intérieur de l’église qui me paraît alors froide et sombre. Je rêvais ou je rêvassais, quel vilain mot, voilà ce qu’il aimerait bien que je lui dise. Pour pouvoir me le reprocher ensuite. Je me rends compte que je souriais rien que de penser à Romain. Pourtant, dans l’église, avec l’abbé, il n’y a rien qui prête à sourire. Je rougis malgré moi. Je ne pourrais le cacher ni à Dieu ni au prêtre. Il n’y a aucun mal à être amoureuse.
— Romain est mon amoureux, avoué-je. J’étais pendant toute l’après-midi avec lui et je n’ai pas vu le temps passer.
— Tu passes l’après-midi avec ton ami, devenu ton amoureux entre temps, et je te vois arriver à l’église en courant, sans même avoir pris la peine de te rhabiller. Ai-je encore besoin de te demander ce que tu faisais avec lui ?
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