Le vieil homme au carton
Pauvre homme, assis sur ton carton, siège de jour, maison de nuit. Une conserve comme coffre-fort et ton sourire gêné comme unique guichet. Nous passons, évidemment indifférents, t’écrasant debout, du haut de notre confort, te rappelant à ta condition basse et misérable. Mais la condition ne fait pas l’homme.
Ta pancarte, triste pancarte bredouille « aidez-moi s’il vous plaît » comme seul et unique cri de ton désespoir. Aider, changeons en une lettre et nous aurons Aimer ! Mais le M est trop doux. On préfère la dureté du D comme un crachat sur ta condition humaine. Ta pauvre pancarte bredouille comme une déchéance…
Tu n’as plus le droit de parler en même temps que tu sembles perdre celui d’exister qu’indifférents, nous tolérons du haut de notre mépris aride. Comme enseveli dans les sables mouvants de ta vie dont nous ignorons tout, de manière confortable, pour ne pas se rappeler l’inconfort de la précarité de notre présent qui peut basculer, pour nous aussi, d’un instant à l’autre.
Rares sont les regards, les mots, les gestes. Nous passons devant toi comme devant un vulgaire mobilier urbain. Ce même mobilier dont nous usons d’ingéniosité altruiste et compatissante afin de te le rendre inutilisable. Belle publicité de nos temps civilisés. Ne manque plus qu’un chien qui ne vienne lever la patte sur ton impair usé et délavé.
Tu es un mal-aimé, un mal aidé, un paria, un déchet. Parfois même nous cherchons à te mettre hors les murs.
Nous avons oublié que tu es un homme, ce qui fait un homme. Nous avons oublié notre nature.
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