XXIV

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-Je sais pas trop en fait, j’aime bien l’aéronautique mais ce n’est pas avec mes notes en maths que je vais y arriver. Savoir ce que veut vraiment dire Baudelaire dans tous ces vers ne m’aidera pas tant que ça, tu vois ?

-Et ce qu’on fait en physique et svt ne t’intéresse pas ?

-Plus que les autres matières mais bon.

-Tu pourrais aller dans un lycée pro’ non ?

-Nan, je ne me ferais pas accepter. T’as pas vu mon bulletin !

-Qu’est-ce qu’il a ton bulletin ?

-J’ai la moyenne dans quelques matières et encore, c’est tout juste si on ne m’a pas proposé de redoubler !

-Mais ça se travaille ça ! Tu vas pas redoubler pour un fichu bouquin d’un poète mort il y a 200 ans quand même !

-Mouai, c’est vrai que c’est qu’un bouquin.
-Ah, oui, non, c’est pas ce que je voulais dire. Je réalisais que je m’étais piégée moi-même. Les fleurs du mal, ce n’est pas qu’un bouquin. C’est une œuvre magistrale ! Vincent me sourit histoire de dire que le sujet est clos. Têtue comme je suis, je m’apprête à déployer mes arguments.

-Non, non, non. M’interrompt-t-il en mettant sa main sur ma bouche. Un flash-back déboula devant mes yeux. Lui, qui me met un tissu pour éviter que je cri. Je me dégage de sa main le plus vite possible. Vincent ne fait pas attention à mon geste, tant mieux, ça aurait un peu gâché l’ambiance. Avant que la cloche sonne, je voudrais lui demander quelque chose.

-Dis, j’aimerais savoir, qu’est-ce que disent les rumeurs ? il me regard l’air de dire ‘’tu veux vraiment savoir ?’’, je lui quémande des yeux.

-Bon, souffle-t-il, certaines disent que tu t’es faites harcelée, d’autres que tu es une enfant battue, d’autres encore que t’es à la rue, que tu te drogue ou que tu t’es faites agresser. Je l’écoute, toutes ces rumeurs à mon sujet et seule une parait la plus proche de la réalité.

-Et, et personne n’a vu pour…

-Pour ta grossesse ? Je baisse les yeux, réponse affirmative de ma part. Et bien pas vraiment, il n’y a que les profs et moi qui sont au courant mais j’ai entendu des gens parler de toi avec ça, après je ne sais pas si la mayonnaise a pris !

-D’accord, et… tu, enfin….

-Je ne l’ai dis a personne, je te le jure !

-Ok, merci.

-Tu vas rien dire ?

-Non, je ne pense pas.

-Mais tu te fais insulter déjà, si tu disais ce qu’il s’est réellement passé, ils te ficheraient la paix !

-Non, au contraire. Les lycéens ici sont comme des puces, ca te pique et ca te suce jusque tu n’en peuvent plus. Ce serait pire encore, ca reste entre les profs, toi et moi, c’est tout.

-Ok. La cloche sonne, l’heure du gong a sonné. Il faut retourner en cours. En deux’ deux’, Vincent est déjà debout, il me tend la main. Je la saisis et il m’aide à me lever. Je lui sourit en le remerciant et nous marchons vers notre salle. Devant celle-ci, nous attendons la prof, mme.lavale. Ca fait longtemps ! C’est le silence entre nous, le calme revient lorsque soudain, je vois arriver les filles de la cantine. Et merde ! Je change tout de suite de regard. Elle s’arrête devant moi, Vincent est juste à côté.

-Adèle, on voulait pas que tu te sentes mal à l’aise. Et surtout, on est vraiment désolé. Dit Louisa. Je prends la parole.

-Nan c’est bon, des fois ça peut pas marcher c’est tout. Mais c’était sympa de proposer, merci.

-Ok merci! A la prochaine !

-Salut. Et le trio se dirige vers la salle de perm’, juste à côté de nous en attendant la prof. Vincent me regarde d’un air demandeur. Il se penche légèrement vers moi, ses cheveux blonds déferlent devant son visage. Ses yeux sont tellement demandeurs, on dirait ceux des paparazzis qui attendent un scoop.

-Des filles qui m’ont proposées de manger avec elles ce midi. Je lui réponds.

-OK, d’accord.

La prof arrive en trombe, elle a cinq minutes de retard, comme d’habitudes. Elle ouvre la porte la classe entre, nous entrons et prenons nos places habituelles. Durant le cours, je me questionne. Je sympathise avec une personne ?! Qu’est-ce qui me pousse à faire ça ? Rien, mais c’est tellement agréable. La sonnerie sonne la fin des cours. Tout le monde s’en va le plus vite possible. Lorsque je suis sur le point de quitter la salle, mme Laval prend la parole.

-Adèle, je suis vraiment contente que tu sois revenue ! Me dit-elle, souriante. Je reviens sur mes pas, hésitante.

-Vous étiez là quand… ? Demandais-je, j’ai l’impression de l’avoir entendue lorsque j’étais inconsciente à l’hôpital. C’est bizarre je sais mais c’est une vrai impression. Elle s’assombrit un peu.

-Oui. On a tout essayé avec Vincent mais heureusement que le Samu est arrivé !

-Pardonnez-moi madame pour tous ça. Dis-je, honteuse.

-S’excusez de quoi, tu n’allais vraiment pas bien, ça se voyait dans tes notes. Tu étais moins présente en cours, y’avait quelque chose, c’était sûr. Je pensais pas que c’était aussi grave… Elle vit mon nouveau pansement un peu taché de sang au bras et paniqua un peu.

-Tu as arrêté quand même ???

-Oui, non, on m’a pris le bras, ça s’est rouvert s’est tout… Oui, j’ai arrêté.

-Promis ?
-Oui, promis.

-Je suis contente que tu sois là parmi nous, le contraire m’aurait vraiment fait mal ! C’était un tel carnage ! Tu aurais pu y passer, c’est ce qu’on dit les ambulanciers.

-La preuve que non. Dis-je avec un soupçon de regret caché.

-Ca va ? Ils ont pas été trop bête ? Demanda-t-elle en voulant parler de la classe.

-Non ça va.

-Tu leurs a dit pour ? Demanda-t-elle en désignant du regard mon ventre.

-Non. Dis-je en le cachant avec mes bras.

-Tout va bien ?

-Hmm. Répondis-je sans grande conviction.
-Pourquoi tu nous a rien dit Adèle ? On t’aurais écouté, surtout venant de toi ! Pourquoi ?

-Je sais pas…

-Bon maintenant tu sais que tu peux venir nous parler quand tu veux. Y a pas de problème, si tu as besoin, surtout, je suis là.

-Merci madame, merci. Dis-je en quittant la salle. Mme Laval me sourie, je le lui rendw. Elle aussi m’a sauvé la vie ? Cette histoire est flou. Je crois que j’ai besoin de savoir ce qui s’est réellement passé. Je vais y réfléchir. Les jours suivants se sont écoulés rapidement, nous n’avons pas eu philosophie le vendredi, de fait, le lycée cherche un remplaçant. Le bruit s’est vite rependu à mon sujet, les couloirs ont fait leurs taf’ apparemment. On ne m’a pas trop embêté, à part quelques commentaires sarcastiques mais ça va, je supportes. Je m’attendais à des insultes plus vulgaires, plus violentes. Beaucoup de fille sont venus me voir pour témoigner leurs sympathies. C’est gentil et puis ça fait du bien de se sentir soutenus. J’ai aussi reçu quelques encouragements de la part des profs, ça aussi c’est sympa. Je pensais que la reprise se passerait plus difficilement. J’ai repris le rythme assez difficilement je dois dire. Mais en cette fin de semaine, je ne m’en sors plutôt pas mal. J’accepte et les autres aussi. Ça devrait aller maintenant.

Le vendredi, je me rappelle que j’ai cette heure avec la psy’. Je n’ai pas envie d’y aller mais je dois. J’ai juste le temps de poser mes affaires de cours avant de repartir prendre le bus pour y aller. Une fois arrivée dans le cabinet, la psy m’ouvre la porte, j’entre dans son bureau.

-Vas-y assieds-toi Adèle. Me dit-elle en me montrant un divan. C’est vraiment cliché mais c’est ce qui s’est passé. Je m’execute elle s’assois dans le fauteuil qui est juste à côté. La séance commence.

-Alors, quoi de nouveau depuis la semaine dernière ? Me demande-t-elle, je me prête au jeu.
-Plein de choses, je suis allée porter plainte, il y a eu une confrontation et il avouer.

-Effectivement ! Comment te sens-tu ?

-Libérée, ça y est, je sais qu’il va être juger, je peux souffler un peu.
-Et ça ne t’as pas rappelé ce qui s’est passé ?

-Si, mais savoir qu’il va payer fait du bien. En plus, non rien.

-Vas-y.
-Quand, quand j’ai voulu mettre fin à mes jours, c’est un camarade de classe, Vincent, qui m’a ‘’sauvé’’, depuis, on s’est rapprochés.

-Ah oui ? Et bien c’est très bien. Tu as crée un lien avec une personne, tu as avancé Adèle !

-Ouai, ‘fin, c’est pas waouw.

-Si, je penses que tu ne te rends pas compte mais c’est très bien.

-Oui, peut-être mais bon.
-Et par rapport à l’enfant, tu as réfléchit. Ce n’est pas anodin de porter un enfant de son violeur.

-Je, je sais toujours pas quoi faire.
-Pourquoi ? Qu’est ce qui te bloques ?
-Je sais pas. D’un côté, ça me rappelle tout le temps ce qui s’est passé mais de l’autre, c’est une victime comme moi. Je sais pas.
-Mais tu sais qu’il va falloir faire un choix, tu as encore un peu de temps mais il va falloir prendre une décision.
-Je le sais, je le sais.

-C’est une décision importante il ne faut pas la bâcler.

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