D'où viennent les mots ?
Il arrive, lorsque les gens lisent mes lettres, qu'ils en admirent l'écriture, le style, « l'éloquence » disent même certains. Ils me classent dans la catégorie de ceux qui savent manier les mots et se disent que pour moi, la scolarité a dû être bien aisée, puisque toute composition, dissertation ou commentaire, étaient des exercices où je devais exceller. .. et pourtant rien n'est plus faux.
Lorsque je les entends, je relis quelques phrases et je me dis "oui, ce n'est pas laid, peut-être ai-je du talent, et dans ce cas, il faut en faire quelque chose". Mais dès que je m'y essaie, rien ne vient. J'ai beau les prendre un par un, les tordre et les mélanger, les mots sonnent toujours creux, ils restent lourds, mal agencés, aucun rythme, aucun écho... tout juste bon à jeter.
Je me suis demandée pourquoi je n'arrivais à écrire que lorsqu'il s'agissait de moi et de mes émotions, de mes rêves et de mes peurs. Mais jamais pour raconter des histoires, faire une démonstration ou exposer un raisonnement.
Comment font-ils, ceux qui savent écrire ?
Le stylo est dans ma main comme le pinceau dans celle d'un enfant : un objet récalcitrant et non maîtrisé, qui ne daigne se conformer à mes ambitions de beauté et de rythme dès que je veux lui faire dire quelque chose.
Ce n'est que lorsque je n'en attends plus rien, que, d'un seul coup, il se met à glisser, et à tracer les lettres que je ne pense pas encore. Ou lorsque quelque chose me pèse profondément, qu'une mélodie sonne à répétition, que d'un seul coup, le cœur s'ouvre et se répand en encre bleue sur la page, sans jamais passer par la tête puisqu'elle ne sait pas ce qui est écrit, avant de le lire.
Peut-être que c'est tout simplement ça la réponse :
la tête ne sert à rien,
le cœur seul est écrivain
et qui peut parvenir à dompter son cœur ?
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