Après plusieurs jours d’efforts, je fis pousser de nouvelles feuilles, et ma tige qui devait devenir tronc s’épaissit. Sous terre, mes racines continuaient de grandir et de se multiplier, m’arrimant chaque jour un peu plus au monde.

Avec ces feuilles qui fonctionnaient de concert, je respirais en permanence. Lorsque le soleil brillait et inondait leur surface de lumière et de chaleur, elles puisaient l’oxygène dans l’air par le dessous. Quand le soleil était remplacé par la lune, elles récoltaient du gaz carbonique et rejetaient de l’oxygène. Cette respiration alternée me permettait d’être alimenté en permanence.

A force de voir soleil et lune se relayer dans le ciel, je commençais à comprendre les concepts de jour et de nuit. J’observais ainsi mes progrès, heure après heure, jour après jour. Le temps prenait forme, incarné par ces deux astres qui se remplaçaient inlassablement au dessus de mes pousses. Je grandissais, et parvins au bout de quelques semaines à présenter une modeste canopée composée d’une dizaine de feuilles. Je n’étais pas peu fier de moi.

Le temps alternait du ciel bleu et de la douce brise à des pluies froides et à des nappes de brume qui s’étiraient au ras du sol le matin. Des fleurs colorées se mirent à pousser autour de moi, attirant nombre d’insectes volants. Les oiseaux chantaient, posés au creux des branches de mes aînés. Je les enviais beaucoup. Aucun être ne daignait s’intéresser à moi, à part quelques escargots qui entamaient parfois gaillardement l’ascension de ma tigelle, avant de se rétracter et de me contourner sans un regard, déçus que je ne sois pas encore un arbre véritable. De temps à autre une mouche se posait sur mes feuilles pour prendre un bain de soleil ou un lombric se glissait entre mes racines.

L’énergie vitale qui me parcourait des racines aux feuilles se mua peu à peu en un liquide riche qui pulsait en moi. Au départ, quand je sentis battre pour la première fois ce sang végétal, je pris peur. Que m’arrivait-il ? Etais-je en train de me liquéfier ? Je compris par la suite que ce suc contenait tout une variété de sucres et de nutriments fabriqués par mes merveilleuses feuilles. Ce liquide allait devenir ma future sève. Ma croissance avançait bien.