Prise d'espace

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  Mon corps continuait de s’étirer par les deux bouts. Pour être précis, la matière s’accumulait et s’empilait. Mes premières ébauches de branches devaient rester à la même hauteur pour toute ma vie, ce qui n’empêchait pas les suivantes de grandir le plus haut possible au dessus. Il en était de même pour mes racines, qui s’enfonçaient comme si elles cherchaient à atteindre les entrailles de la terre.

L’espace aérien prit une autre signification pour moi. Le ciel n’était plus une barrière infranchissable, mais une balise à atteindre. Je dirigeais toutes mes forces dans sa direction. Mes premières branches se ramifièrent, devinrent rigides. Je créais toujours plus de feuilles.

  Mais grandir n’était pas tâche aisée. J’eus bientôt à lutter contre des adversaires plus aguerris que moi : mes aînés me disputaient la lumière. Petite pousse, je m’étais épanoui dans le cercle de soleil que ces géants avaient daigné me laisser, mais à présent que ma taille et ma volonté se précisaient, je devenais inquiétant. Je n’étais pas encore assez développé pour rivaliser avec les arbres centenaires, mais ceux qui n’avaient que quelques années de plus que moi cherchaient par tous les moyens à me voler mes parcelles de soleil durement gagnées.

Ma rencontre avec un champignon souterrain changea la donne. Un jour que mes racines et radicules progressaient à travers les divers éléments du sol, l’un d’entre eux perçut quelque chose de différent. C’était un goût, un toucher très spécial. C’était un message. Quelque chose, là, sous moi, me parlait, dans ma langue. J’en fus transporté d’émotion. Je n’étais donc pas seul au monde ! Quelque chose désirait se lier d’amitié avec moi. Je répondis par un flux plus important de sucres dans la direction de cet être communiquant. En peu de temps, le champignon avait investi les extrémités de mes racines et commençait à me cartographier l’espace qu’il couvrait de sa masse.

Je fus soufflé. Le champignon était présent sur des kilomètres de sous-bois ! Grâce à lui, j’avais accès à un terrain plus vaste que je n’en avais jamais rêvé. Je découvris également qu’il communiquait avec d’autres champignons, agrandissant encore son espace jusqu’aux confins de la forêt. Nous passâmes un pacte : je lui fournissais tous les nutriments issus de ma photosynthèse dont il avait besoin, il s’occupait de m’apporter les nutriments souterrains qu’il me fallait. Cet échange bénéfique me permis de lutter à armes égales avec mes concurrents arbres. Eux n’avaient pas trouvé de champignons compatibles et ne puisaient d’énergie dans le sol qu’à la force de leurs racines. Je parvins donc à croître plus vite qu’eux et à conserver des coins de lumière stratégiques.

Je grandissais dans l’espace et dans l’air. Mes branches se tendaient, toutes feuilles sorties, à la recherche de la moindre parcelle de soleil. Mon avancée était lente, mais inarrêtable.

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