Alors, combien ?
Rien ne se passait comme prévu. Le Cédric soi-disant grand amateur de whisky n’avait pas touché son verre. Il me dévisageait pesamment. Oui, j’avais quarante-huit ans. Et alors ? Il le savait, non ? C’était le deal ! Son expression variait de moqueuse à terrorisée. Il était encore plus abruti que prévu, même si son sourire était charmant. Sa timidité n’était pas au programme. Pour le coup, je me sentais vraiment roulée. Pourtant rien ne me ferait changer d’avis. Cette fois, j’irais au bout. Nous avons marché en silence. C’était mieux comme ça. Nous approchions quand j’ai été prise d’une impulsion. Cela a toujours été un problème, je suis impulsive. Je me suis mise à courir, comme ça, d’un coup, après avoir ordonné à Cédric Machin de rester derrière. Il a eu le même air ahuri qu’il affichait depuis le début, mais a obéi. Il ne m’a rejointe que sous le porche de l’immeuble où j’avais loué le studio. Il faisait très sombre, je ne voyais plus son visage, mais sa haute silhouette comblait ma soif de terreur. Il s’est approché et m’a saisie par le poignet. « Ça suffit, allons-y ». J’ai été agréablement surprise par sa réaction. Il ne m’a posé aucune question, ne m’a pas traitée de dingue, il semblait avoir pris confiance, se rappeler ce que nous avions convenu et les nombreuses promesses qu’il m’avait faites.
Nous avons monté les escaliers sans allumer, côte à côte, main dans la main. J’étais moins essoufflée que lui et pas peu fière. Je profitais de l’obscurité pour sourire bêtement. Cela faisait si longtemps que j’attendais ce moment.
Je me demandais combien de femmes étaient toujours vierges à quarante-huit ans.
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