Un seul être vous manque et tout est dépeuplé
C'était un matin comme les autres.
Réveillée par le chant des arbres et l'odeur du soleil. La lumière du jour perçait les rideaux, ouvrant le bal aux milliers grains de poussière qui peuplaient la pièce. Hypnotisée par leur danse aérienne je me suis levée pour les rejoindre dans leur valse.
C'était un matin comme les autres.
Une matinée d'été enflammée par ma volonté de la voir. J'avais choisi ma tenue avec soin, j'avais pris rapidement mon petit-déjeuner, j'avais fait mon sac et j'y avais glissé mon exemplaire des Méditations Poétiques d'Alphonse de Lamartine. La rue chantait, les pavés dansaient et le pas pressé des passants marquait le rythme. Je sautillais sur le trottoire, l'esprit déjà près d'elle.
C'était un matin comme les autres.
Elle n'est pas venue à huit heures. Ni à neuf, ni à dix... J'ai attendu. Je l'ai attendu toute la matinée, devant le portail, seule, mon livre de poésie sous le bras, mon portable dans l'autre main. Une vingtaine de messages laissés sans réponse, le cœur en chiffon. A midi j'étais toujours là, les yeux secs mais l'âme trempée. Toujours aucunes réponses. Juste le vide. Mais le lendemain fut bien pire.
Ce
n'était
pas un
matin
comme
les autres.
J'ai appris la nouvelle le jour d'après. Je n'y ai pas cru. Mais l'abysse dans mon cœur était la preuve que j'avais compris. Il avait juste fallu une voiture dans la nuit, un passage piéton mal éclairé et un mauvais temps. Juste ça.
Rien n'avait plus de goût, l'absence était trop lourde, le poid trop important. Je me sentais couler, noyée par les remous trop brutaux de ce fleuve effrayant. L'âme à vif je me sentais brulée vive, j'étais rongée par la peine qui embrasait mon cœur douloureux. J'étais seule, mais les larmes ne coulaient pas, j'étais bloquée de l'intérieur.
Un matin je suis retombée sur mon livre des Méditations poétiques, et j'ai lu le premier poème. L'isolement. Le titre m'a tout de suite attiré. A la septième strophe j'ai fondu en larmes.
"Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières ?
Vains objets dont pour moi la charme est envolé;
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chère,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé"
Jamais je n'ai autant pleuré que ce jour là, et chacune de mes larmes étaient un vers de poème pour elle
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