7. Le champ libre

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Atlande partait de plus en plus tôt et rentrait tard. La porte claquée, ce soir, sur Tiens, c’est une peur que tu as ? lui donna le sentiment de claquemurer des conflits intérieurs dans l’appartement. Elle avait accès à la notoriété, à l’eau potable, courante, fraîche dans les douches à l’italienne de son chez elle, de sa salle de sport, de tous les endroits luxueux où elle se rendait, invitée ou en investigation. Elle avait un son sublime à répandre dans ses oreilles, des paysages enviés à admirer et du vin de vigne rouge sang à couler dans son gosier. Elle avait perçu la faille. Les pieds de vigne tortueux agissaient comme voile hypnotisant sur son esprit. Le nectar de la vigne verte engourdissait ses démons. Elle avait accès à la liberté d’aller et de penser, de créer sa vie. Elle devait être heureuse alors. Pourquoi son cœur cognait si fort, si mal dans sa poitrine ?

Son plexus se serrait. Dans le miroir de l’ascenseur, elle observa sa silhouette musclée et élancée qu’elle entretenait, un pourtour harmonieux, un contrefort presque un coffre-fort de vide intérieur. Le trop plein rejoignait le vide. Les deux se mariaient et pactisaient pour débuter le travail de sape.

Un ventre un jour l’avait narguée. La moutarde lui était monté au nez. Elle avait rugi. Elle n’avait pas menti. Non. Elle avait pourfendu l’adversaire. Comme le guépard rencontré lors d’un voyage en Afrique pour rejoindre quelques jours, ses parents. Son père diplomate était en fonction à l’ambassade de France au Kenya. Le guépard élancé aux reins sculptés courrait vite. Enfant, elle avait lu, qu’il était l’animal terrestre le plus rapide. Être rapide sauvait la vie. Sans prédateur, la plaine s’ouvrait large aux ambitions de domination. Elle avait pris les bonnes décisions avec la rapidité du guépard. Un ventre était prédateur. Elle avait défendu son territoire.

Bonsoir, madame Minaret, lui dit M. Leclerc, affable, droit, franc. Atlande manqua de s’enrouler les pieds dans la laisse du caniche abricot qui, on ne sait pourquoi, s’était mis à tourner autour d’elle Atlande, la porte de l’ascenseur ouverte sur le palier du rez de chaussée. M. Leclerc souleva son chien de terre et détacha la laisse qui s’échoua comme une couleuvre inoffensive sur le carrelage de la grande entrée. Atlande ne s’attarda pas sur ce non-événement. Elle avait l’air préoccupé, son smartphone en main gauche, deux barrettes blanches latérales enfoncées dans ses oreilles. Elle se dirigea à grands pas, sans un regard pour le caniche joueur, ni un sourire pour son maître qui appuyait sur le bouton du 5ème étage, stoïc. Ses mains ne tremblaient pas. Aimait-il le Pic Saint Loup ?

- Karl, tu me rejoins au café de la taverne ? Aux trois coqs chapeautés ?

- Ok, à quelle heure ? J’arrive à pieds, le métro est en grève.

- Le métro est toujours en grève. Prends un vélo, achète-toi un scooter, fais quelque chose quoi.

- Un scooter, je vais y penser. J’ai pas mon ASSR, ce machin qu’on passait au collège.

- Passe-le, c’est simple.

Elle entra à la taverne des trois coqs. Elle avait envie de leur couper la tête. Finalement elle était bien française. Une haine s’emparait d’elle. Elle en voulait au ventre. Après tout ce sont les autres qui foutent la merde dans sa vie huilée. Elle l’avait conduite comme il fallait. Libre aux loosers, aux déclassées, aux assistés de balayer leur chemin et de lui laisser le sien propre.

- Un pic saint Loup commanda-t-elle. C’est nouveau, lui avait dit Paul ? Oui.

- Des cacahuètes avec ?

Un sourire froid retint la coupelle de cacahuètes de se poser sur la table de bois brun.

Elle enquilla le verre, sans même le faire tourner dans sa main ou imiter un nez faussaire. Après tout, ce n’était pas un grand cru, bordelais, une côte rôtie, un cépage centenaire … la consonnance Loup parlait à sa colère. La louve enroulait le cou de son mâle pour rempart. Atlande était le rempart. Qu’est-ce qui tenaient les nobles cépages centenaires ? Qu’est-ce qui maintenaient les couples solidaires, aimants, amoureux, dans la ferveur et la foi ?

Ses mains ne tremblaient pas.

Aimait-elle Paul ? Oui.

L’épouserait-elle encore ? Oui.

Elle devait être heureuse alors. Il lui fichait une paix royale. Elle sortait, rentrait, il ne parlait pas. Le taiseux aux yeux gris vert lui avait convenu jusqu’alors. C’était différent. C’était avant la trahison.

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