Chapitre 2
Personne ne m’avait informé des dangers de la formation, mais je m’en doutais. Notamment si nous devions nous confronter aux Luminas. Un homme ne pouvait les combattre seul, mais plusieurs à la fois nous devrions avoir une chance. Et puis, le capitaine Hitch était toujours en vie, ce qui témoignait d’un programme allégé et maîtrisé.
Après avoir noté nos noms sur une feuille qu’il distribua, Hitch nous félicita une dernière fois pour notre courage. Seulement quatre élèves sur les vingt-cinq que nous étions avaient abandonné leurs espoirs de gloires et de fortune. Nous nous retrouvions donc à pas moins de vingt-et-un élèves espérant revenir en juin avec un diplôme dans les bras.
Quelques questions me taraudèrent l’esprit, alors je demandai :
— Monsieur, j’ai tout de même deux questions. Quand commence-t-on la formation ? Et au niveau des vacances et jours de repos, ça se passe comment ?
Tous les regards vinrent se braquer sur moi. Je ne pus m’empêcher de devenir rouge. Le capitaine leva la tête et me sourit.
— Comment t’appelles-tu jeune homme ?
Pendant une fraction de secondes je ne connaissais plus la réponse tellement cet homme me paraissait imposant.
— Euh… je m’ap… je m’appelle Adam.
— Eh bien, mon jeune Adam, ta formation commencera dès que vous serez sortis de cette grande cabine. Ensuite, il n’y a pas de vacances scolaires. Le dimanche sera votre seul jour de repos, mais attention, lors de missions à hauts risques, il y aura des gardes alternées.
Plusieurs chuchotements désapprobateurs surgirent des bouches mécontentes de certains élèves après la découverte d’une telle information.
Le capitaine ignora les plaintes discrètes. Il nous convia à sortir de la pièce et nous présenta les différentes parties du Gerrego : du gaillard d’arrière jusqu’à l’avant sans oublier la cahute et la cale.
Il nous parla ensuite de l’histoire du navire. Les guerres auxquelles il avait survécues. La construction du navire datait déjà de plus de deux cents ans ! Il s’avérait inoffensif aujourd’hui, mais avant c’était une bête de guerre ! L’état dans lequel il se trouvait maintenant devait différer de l’époque où il partait en mer toutes les semaines pour combattre. Hitch nous raconta ensuite que les pirates et les corsaires s’étaient finalement alliés pour faire face à des ennemis communs : Les luminas.
Des créatures terrifiantes créées par l’homme. Les premières cellules s’étaient retrouvées dans l’eau suite à un accident de transporteurs qui acheminait des échantillons de tests scientifiques vers une base militaire.
— Nous étions en deux mille trente-quatre lorsque l’accident s’est produit, affirma Hitch. Nous ne savons pas trop pourquoi ils cherchaient à créer la vie ni pourquoi les tests étaient destinés aux militaires, mais le mélange d’eau et de ces cellules a créé des monstres marins. Aujourd’hui, les hommes s’activent pour trouver un remède et exterminer ces créatures, mais comme vous le savez, l’homme construit, mais ne répare pas.
— Capitaine Hitch, tenta un des élèves, comment savez-vous tout ça ?
Il se redressa, muni d’un sourire aux lèvres qui se forma naturellement sur son visage comme si la question le faisait rire intérieurement. Il leva les yeux au ciel et proclama haut et fort :
— Vous le saurez bien assez tôt !
La première journée se basait essentiellement sur la reconnaissance des lieux, et les postes disponibles qui devront être attribués à chacun. Pour le moment, nous étions tous de simples pilotins. Mais avec le temps, et selon les aptitudes que nous certifierions, nous pouvions devenir canonnier, matelot, bosseman ou même encore timonier si nous excellions au sein des différentes missions.
Le soir même de cette première journée, nous rencontrions Georges, le cuistot de l’équipage. Il était nettement plus petit que le capitaine, mais plus costaud. Son crâne chauve et sa petite bedaine renforçaient un visage rond. Il s’était révélé tout de même très sympa et d’un caractère plutôt jovial.
Après un bon petit plat confectionné par Georges, que nous dégustions sur une table en bois posé au centre du pont principal, la partie la plus importante de la soirée pouvait débuter, baignée d’une ambiance humidifiée par le froid et la lumière du clair de lune. La présentation des élèves entre eux figurait parmi ce qu’ils attendaient tous avec impatience. Tous, sauf moi. Chacun devait se lever une minute et ne pas s’arrêter de parler de son passé et de sa personnalité pendant cette courte période. Cependant, lorsque ce fut mon tour, cette durée me parut une éternité.
— Bonjour euh… tout le monde. Je m’appelle Adam. J’ai quinze ans et hum… comme vous, je suis ici pour mes bons résultats scolaires…
— Excellents tu veux dire ! me coupa John, un élève aux airs prétentieux.
Hitch le toisa du regard ce qui lui fit immédiatement ravaler son sourire arrogant.
Aussitôt, je repris.
— Oui, excellents résultats scolaires. Comme vous pouvez le voir, je suis roux et pas super grand. J’aime également voyager. J’espère apprendre beaucoup de ce périple et que vous m’accepterez tel que je suis. J’aimerais bien un jour me battre contre un Luminas. Voilà.
L’intégralité des élèves me dévisagea. Je n’aimais pas être le centre d’attention, mais là, circonstance oblige, alors je prenais sur moi pour ne pas rougir. Je ne savais pas du tout pourquoi tous les élèves me scrutaient d’un air hébété. Fred, un petit rondouillard me fixa, outré de ce que je venais de dire. Il prit soudain la parole :
— Tu veux te battre contre un Luminas ? Tu es un grand malade ! Aucun d’entre nous ne peut rivaliser avec ces choses. Si tu veux mon avis, même les plus grands marins ne peuvent rien contre eux. C’est peine perdue.
C’était donc ça qui les perturbaient ! Un brouhaha se forma, créant ainsi des voix inaudibles et des dialogues désarticulés. Je perçus tout de même quelques phrases au travers de cette grande cacophonie.
— Les Luminas vaincront forcément ! Ils sont trop puissants !
— L’homme arrivera à bout de ces créatures marines ! Les scientifiques trouveront un répulsif !
— Je n’y crois pas, des gens veulent encore soutenir cette cause ? Courageux, mais inutile.
Je voyais Hitch, qui paraissait si heureux ce matin, passer d’un visage rosé à écrevisse. Il plissa les yeux, mais ne put se contenir plus longtemps, alors il aboya :
— Taisez-vous !
Le brouhaha cessa instantanément. Le capitaine Hitch loucha sur chacun d’entre nous avec sévérité. Il se leva difficilement en s’appuyant sur ses jambes, puis fit quelques pas chancelants. Il se retrouva à l’autre bout de la table, devant nous cette fois-ci.
Durant le repas, il était resté en retrait et n’avait quasiment jamais parlé. Maintenant, il reprenait les choses en mains. Il inspira une grande bouffée d’air froid par le nez, qu’il expira doucement par la bouche. De la buée se forma ainsi devant son visage, ce qui eut pour effet de l’apaiser. Il parla enfin :
— Vous ne savez pas ce que sont les luminas, dit-il d’une voix paisible. Je vais vous raconter une histoire. Mon histoire…
Les regards brillaient d’attention en direction du capitaine. Même le cuistot était sorti de la cuisine pour écouter son supérieur. Après avoir vérifié qu’il attirait bien l’attention de tous les élèves, le capitaine Hitch commença :
— C’était un soir d’automne, il y a environ trente-cinq ans…
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