L'affront de la maraîchère
Cher Journal,
Aujourd'hui je vais te parler du marché. Après mon petit écart de la semaine dernière, un bon ami m'a conseillé de revenir aux bases : « Il faut que tu retrouves le goût de cuisiner et de manger des légumes frais. Tu pourrais aller au marché, en plus c'est souvent moins cher qu'en grande surface et bien meilleur ! » Je l'ai remercié pour son conseil en gardant bien pour moi que retrouver n'était pas exactement le bon mot. Mais soit, il a très certainement raison pour le reste.
Donc dimanche, le réveil sonne et je sors du lit, prête à affronter la fraicheur matinale. Sac réutilisable sous le bras, je rejoins la place de l'église, me frayant un passage dans la brume. Et là je me retrouve dans un monde parallèle : panier en osier, sac en tissus, caddies à roulette, cheveux grisonnants, mère de famille, quarantenaires en chaussures bateaux. Autant le dire je fais tache, mais qu'à cela ne tienne, je ne compte pas baisser les bras !
Je prends une grande inspiration et tel Neil Armstrong je m'élance entre les stands à la recherche de la perle rare : les légumes de saison, ceux qui sentent bon le terroir et l'authenticité ! Et là, le miracle que je n'attendais pas ! Derrière la planche en bois débordante de pommes de terre, un homme éblouissant de mon âge, à dix ans près, penché sur ses poireaux ! Je m'approche timidement, prête à lui offrir mon plus beau sourire et lui dévaliser ses denrées ! Il avait raison cet idiot : le marché, c'est le bon filon ! À moi le végétarisme !
Je m'imagine déjà l'entendre dire avec sa voix roque et suave « Et avec ceci ? ».
Je sursaute lorsqu'une voix féminine tonne à côté de mon oreille. « Bonjour madame, qu'est-ce qui vous ferais plaisir aujourd'hui ? »
Perdue dans la contemplation de sa barbe de trois jours, je n'ai pas vu la matrone s'approcher ! Prise de court, je me suis retrouvée à acheter n'importe quoi.
J'ai plus qu'à chercher comment faire cuire tous ces potimarrons.
Damn it !
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