Le Jardin

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 J'arrive en trombe dans le jardin. Le Soleil me cogne les tempes et m'étourdit malgré les nuages qui tentent de diminuer sa présence imposante. La sueur me coulant du front au ventre, je plisse les yeux pour décrypter ce qui m'entoure.

 De longues allées entourées par des haies démesurées parcourent l'interminable prairie qui entoure le manoir. Les multiples fleurs colorées égayent le paysage et contrastent avec l'allure sinistre de l'intérieur. Le large chemin fait de graviers trace sa route jusqu'au portail exagéré et décoré d'arabesques.

 Dans ma poche, je sens de nouveau mon téléphone portable. Je pense en fait qu'il n'avait jamais disparu, mais j'étais trop occupé à m'affoler pour y faire réellement attention. Je l'empoigne de ma main libre, en faisant attention à ne pas lâcher le poignard ni à faire glisser mes doigts dessus. Je compose un numéro de téléphone simple et efficace.

 Les quelques sonneries qui retentissent me paraissent interminables et me perforent le crâne à chaque écho. A la suite d'un frémissement, une voix fatiguée se fait entendre :

 « Police nationale bonjour ? »

 Je commence à débiter tout ce que je sais, tout ce que j'ai besoin d'évacuer, tout ce qu'ils doivent savoir. La réception, le meurtre du docteur Lenoir, mon ami, les preuves que j'ai trouvées, le lieu du crime, ma présence devant la grande porte. Jamais je n'ai parlé d'une cadence aussi rapide, et d'ailleurs je ne m'en pensais pas capable. Je croyais même devoir recommencer mon récit depuis le début, mais la voix rauque me répond simplement d'un ton neutre :

 « D'accord monsieur, ne bougez pas, on arrive. »

 Enfin.

 Enfin, ce problème est résolu. Je vais pouvoir rentrer chez moi, me reposer un peu. Il faudra organiser un superbe enterrement pour le docteur, il en mérite un grandiose.

 Soudainement, mes mains s'arrêtent de trembler, mais mes jambes me font défaut et je m'agenouille dans l'herbe. Ma tension est retombée, je suis soulagé. Cette vieille sénile de Leblanc va finir derrière les barreaux. J'espère seulement qu'ils l'attraperont vite, que toute cette histoire se termine.

 Les yeux rivés vers le ciel, je soupire encore une fois, et respire cet air si pur qui se loge dans mes poumons comme un grain de pollen tournoyant légèrement au gré du vent.

 Une sirène se fait entendre au loin. Cette fois-ci, je suis profondément serein. La police arrive, et elle va embarquer le criminel loin de ce lieu profané. C'est une bien jolie maison. Je me demande à qui elle a été léguée. Au bout de l'allée, une voiture pointe le bout de son nez. Alors qu'elle s'approche, l'alarme sonne à mes oreilles sifflantes comme un chant harmonieux. Une fois arrêtée à quelques mètres de moi, une femme en uniforme en sort. Son visage semble crispé, ou en colère.

 Les deux pieds sur terre, elle demande d'un ton autoritaire :

 « Révérend Olive ? »

 J'acquiesce faiblement, comme si elle m'insultait ou me condamnait. Etait-ce ma sauveuse ?

 « Veuillez nous suivre. »

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