La bibliothèque
Une fois la porte refermée dans un grincement strident à m'en lisser les dents, je suis face à une scène qui, pour une fois, me réconforte.
La pièce est allongée. Les murs latéraux sont cachés par de grandes bibliothèques frôlant le plafond et remplies à rat-bords de vieux livres colorés. L'unique fenêtre du fond de la salle donnant sur l'arrière du manoir impose une ambiance chaleureuse et illumine la tranche des livres, laissant apparaître des lettres dorées tracées d'une élégante et précise calligraphie. Les cinq fauteuils parfaitement proportionnés recouverts de coussins aussi moelleux que carrés reposent sur un tapis bien trop rond. Le seul bruit audible est assez apaisant. A l'extérieur, les oiseaux chantent comme s'ils étaient dans un Disney.
Mais on est loin d'être dans un Disney.
Je m'avance de quelques pas, afin de mieux apercevoir l'objet inconnu qui s'enfonce sur un des coussins. Il s'agit d'une lampe torche. J'appuie sur le bouton d'allumage, mais rien ne se passe. Est-ce que je dois aussi trouver des piles ? Tout d'abord, qui laisserait ça ici, et pourquoi ? Je ne vais tout de même pas fouiller chaque étage de chaque étagère !
Je tente de secouer la lampe, mais elle n'éclaire toujours pas. D'ailleurs, il n'y a rien à éclairer. Cette pièce est la plus lumineuse depuis que je vagabonde dans ce foutu manoir ! Je la secoue de nouveau. Je remarque un élément du décor dans ma vision périphérique qui a changé, comme une tâche qui clignote. Je pointe l'appareil sur ma droite tandis que la panique fait son retour pour la énième fois de la journée. D'ailleurs quelle heure est-il ? Oh, et puis tant pis, je ne suis plus à ça près.
Sur le mur se dessine une immense tâche bleu roy, presque noire, trop sombre, de la taille d'un renard, à une dizaine de centimètres du sol. Cette vision me glace de nouveau le sang. Je serai bientôt un animal à sang froid. Lorsque je détourne la LED de la lampe, la tâche disparaît et la tapisserie reprend sa teinte jaune pâle. Si j'ai bien analysé la situation, la lampe à ultraviolets que j'ai dans la main me permet de discerner le sang qui a été nettoyé sans produit adéquat.
Je suis donc en face d'une énorme flaque de sang qui a giclé sur le mur.
Super.
Mes jambes se mettent à trembler si fort que je lâche la lampe et m'écroule par terre. De ma vie, je n'ai jamais ressenti une telle peur bleue. Je tente de me calmer en respirant des grandes bouffées d'air. Je me lève avec autant de difficulté qu'un bambin, et je m'enfuis en courant.
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