VII.

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    J’avais eu le temps de prévenir les Sprinters pour qu’ils colportent la sentence du Conseil et faire mon sac. Je m’apprêtais à partir. C’était le moment de faire mes adieux à Terre Noire. Je réfléchis un instant. Est-ce que cela me manquerait ? Certainement pas. Où allais-je aller ? Je n’en avais pas la moindre idée. La vérité était aussi triste que le reste de ma vie l’avait été. Je n’avais plus personne. Je n’avais plus rien. L’Ordre lui-même n’avait jamais vraiment compté.

    J’accrochai mon arc et mon carquois dans mon dos et attrapai mon baluchon. Adam avait tout fait échouer. Adam avait redonné sa place à son peuple. Il nous avait chassés. Humiliés. Et il était sûrement avec Syrine à présent. Je le haïssais. C’était lui, le responsable du chaos qui me tombait dessus.

    Cet enferment à Terre Noire n’était pas, certes, une joie en soi. Mais il présentait l’avantage de me donner un but et un toit. Maintenant, je n’avais ni l’un ni l’autre. Devant moi, je ne voyais qu’un vide immense et la peur. Je devrai arpenter la surface de Terre Noire. Malgré les terrifiantes créatures, je survivrai sûrement. Mais après ? Où aller ?

    J’envisageai une minute de rejoindre Syrine. Elle me pardonnerait. Peut-être. Mais pas Lounès. Ni Adam. Ni tous les autres autour d’elle. Et puis il y avait la sœur d’Antha, là-bas, à Sorman Union. Elle voudrait connaître la vérité. C’était impossible.

    Fallait-il rejoindre les milices humaines ? Quelqu’un s’était-il chargé de les prévenir au moins ? L’une d’elle se trouvait au Nord de l’Italie. Je laissai m’envahir le vent froid du pouvoir et explosai de l’intérieur.

    Ma vue s’habituait doucement aux couleurs du soleil couchant sur la plaine que je surplombais. Ma projection astrale n’était sûrement pas visible par autrui. Le lieu allait-il devenir mon prochain foyer ?

    Des hurlements me parvinrent de loin. Je m’approchai des cris. Des cadavres en putréfaction décimaient un camp fortifié. Ils perdaient un peu de leur consistance, traversaient les murs protecteurs, et se jetaient sur les soldats humains.

    Les pauvres n’avaient pas le temps de répliquer. De gigantesques citernes étaient renversées au sol ou éventrées par les cadavres. Un liquide brillant, verdâtre, se répandait sur la terre battue qui l’absorbait rapidement. Tout autour du campement, des silhouettes apparaissent dans la nuit. Vampires, Morts, Rationnels et quelques rares autres membres de peuples élus. Les Vampires bondissaient par-dessus les murs pour venir prêter mains fortes à leurs alliés. Le sang coulait et formait une boue immonde qui collait aux chaussures des meurtriers.

 

    Je réintégrai mon corps. La nausée me guettait. Alors c’était vrai. Les non-marqués allaient être mis en esclavage ou massacrés à cause des Descendants d’Eren ? J’étais certain que l’idée venait de Sergeï. Louise l’avait bien laissé entendre. Ils avaient fait un rapprochement entre les Descendants d’Eren et les milices qui leur étaient hostiles un peu partout dans le monde. S’étaient-ils tous trompés ou le Vampire les y avait-il aidés ?

    Je me souvins de mon vote lors du dernier Conseil auquel j’avais pu assister en tant que membre officiel. Avaient-ils pensé que je protégeais l’armée qui appartenait aux Descendants d’Eren ?

    Je réalisai soudain que je venais de trouver mon nouveau but. Je n’avais jamais été un fanatique. J’avais toujours eu des doutes. Et même si j’avais voulu réaliser les projets d’Eren, je ne pouvais laisser Sergeï et Peter réduire en esclavage les êtres humains non-marqués. Je n’étais pas forcément quelqu’un de bien, mais je ne resterai pas sans rien faire pour rétablir la vérité. L’idée me fit sourire. Un instant, le paradoxe de ce choix me parut si incongru que je me demandai s’il ne valait mieux pas abandonner.

    J’ouvris la porte de ma cellule quand un cri retentit. Un Sprinter passa devant moi à toute allure. Il freina une seconde, les yeux écarquillés d’horreur.

    — Ils sont là ! Il faut s’enfuir. Les Vampires, les Morts, les Rationnels, et d’autres. Ils ont dévoré l’Enfant qui porte Eren en son âme. C’est terminé. Sauve ta peau Gi !

    Le gamin reprit sa course et disparut quelques mètres plus loin.

    Les hurlements se multiplièrent. Des explosions retentirent un peu partout. Je m’élançai dans les couloirs qui serpentaient partout sous Terre Noire. Nous avions l’avantage. Les dédales étaient faits pour perdre les ennemis. Je pris mon arc à la main. Ce n’était pas idéal dans les boyaux souterrains, mais c’était mieux que rien.

    J’envoyai une flèche dans l’œil d’un Vampire qui venait d’apparaître devant moi. Il s’effondra en hurlant. Je projetai mon énergie en arrière, là ou deux Morts avaient surgi. J’enjambai le Vampire qui se tortillait encore en essayant de retirer le carreau planté profondément dans son crâne. Les Morts, eux, étaient déjà à nouveau sur pieds.

    J’accélérai et débouchai bientôt dans une immense salle des catacombes. Poursuivi par des êtres immortels, cadavres animés et démons, le destin m’amena dans une salle dont les murs étaient littéralement faits d’ossements humains.

    Je me précipitai vers l’un des murs et déplaçai rapidement un squelette pour me faufiler derrière. Fuir était peine perdue. Ils étaient trop nombreux. Je retins ma respiration lorsqu’un Rationnel, haut d’au moins deux mètres, passa devant ma cachette. Mon visage était callé contre les crânes grisâtres. Aucun Vampire ne devait s’approcher, sinon j’étais fait. Leur odorat était beaucoup trop développé pour qu’ils ne me débusquent pas.

    Je laissai agir mon pouvoir et me matérialisa à l’autre bout de la salle.

    « Eh ! » appelai-je pour attirer l’attention du Rationnel et des Morts qui arpentaient la pièce. Mon corps astral s’élança dans de nouveaux dédales et disparut à un croisement.

    Je réinvestis mon corps et attendis quelques secondes. Ils m’avaient suivi. Je me détendis un peu.

    Une main surgit à travers les ossements et m’attrapa par la gorge.

    Sergeï me souleva au-dessus de lui. Il pencha son visage parcheminé. Sa poigne était celle d’une machine. Il souffla, les lèvres retroussées sur ses dents luisantes. Son œil crevé cherchait mon regard. Il me rapprocha de son visage et murmura dans mon oreille « la partie est terminée ».

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