Phagocyté
HA ! La douleur de ma bouche quand j'enlève le pansement ! Mais, bordel pourquoi mon univers s'écroule-t-il ? ! Qu'est-ce qui se passe ? Je sursaute, ça chuchote pas loin, les ombres s'épaississent. Je me barre, je me barre ! Viiite !
Dehors le monde m'agresse qui grouille, de bruits, de routines stupides, de visages autosatisfaits. Je réalise que personne ne peut me porter secours, ils sont tous dans leur monde, étranger à la vérité, étranger les uns aux autres ; indifférents à ce qui n'est pas eux, épinéfra pour toujours.
Chhh chhhhhhhhhhh
… qui marche à côté de moi. La peur à nouveau me fige et me muselle. Les nausées me reprennent et la sueur me détrempe. Rhhââ, c'est odieux ! Elle se frotte contre moi, sa peau… Et elle me mord ! Même pour la repousser je ne peux pas la toucher ! Je me mets en boule et m'adosse au mur et je subis l'intrusion de ses mains spongieuses, de ses dents, de sa peau de carton abrasive et nauséabonde au possible : « Créyou siproche épernille dufaret souvri »
Elle agrippe mes cheveux et passe sa langü tule ofrisèche. Pouah ! Senvitréche démon ! Ses yeux malveillants brillent de joie. Elle lâche mes poils.
Chhhchhhh et s'évapore.
En moi une digue se rompt. Je perds pied. Dans un coin de ma tête, il y a un endroit de silence absolu, où les messages de mes nerfs n'arrivent plus. Un endroit où je peux me reposer...
Si tu entends, tu es prêt !
Cette voix... Nous ferons de grandes choses ! Des choses délicieuses !
Elle grince comme une craie sur le tableau... Sentifroche comme dornack tu débris ?
J'ouvre mes yeux brusquement. Même mes cauchemars n'ont plus de sens, je remonte peu à peu à travers le chaos de ma catatonie.
Personne n'a rien remarqué, on dirait ! C'est dingue ! En plein milieu d'une rue, une atrocité démoniaque et lumineuse se déhanche, baragouine des trucs improbables et les gens se baladent… M'enjambe même ! Quelle affreuse engeance que ces diables d'hommes, de femmes et de morveux ! Putain ! Qu'est-ce qu'il a ce chat à me cracher dessus comme ça ! Saloperie !
Je respire un grand coup, la peur reflue vers une fatigue incommensurable. J'ai de la fièvre, c'est évident. Ça ne sert à rien que je reste ici, apparemment cette chose m'écharpe où elle veut. J'appuie sur mes bras et mes jambes pour me lever. J'ai mal ! Je pue ! Je sens la pourriture, je vais me traîner chez moi et prendre une douche si je peux.
Chez moi, la porte est ouverte, telle que je l'ai laissée ; mais la lueur jaunâtre qui teinte le seuil de l'appart ne m'incline pas à entrer. Ça chante. Cette chose chante : c'est sa voix.
...lividésang à mouroir
ondisouffre à bourrir vent crémitoire
atengouffre. Atengouffre atengouffre attengouffre.
Le minuteur de la lumière du couloir se déclenche et la lumière s'éteint, ma respiration s'arrête… Et immédiatement sa face monstrueuse est à dix centimètres de mon visage, elle se déplace si vite qu'on dirait qu'elle apparaît là où elle va. Je ferme les yeux, mes jambes se dérobent…
Le soleil brûle ma peau, je suis vautré dans le couloir. Je me réveille d'un sommeil d’évanoui qui m'a fait du bien. La porte de mon appartement est toujours ouverte ; pas de lueur répugnante, que le soleil qui m'empêche d'ouvrir les yeux.
Je vais jusque la salle de bain et sans allumer la lumière, j'enlève mon pull, mon froc, et je me place sous un jet d'eau chaude. Les poils de ma nuque se hérissent, je sens qu'elle est là déjà, encore. Sa présence est si forte que je la devine dressée contre la porte, le cou tendu, le menton pointant le sol. Ho, je la vois dans le miroir, son sourire maléfique posé sur sa mine. Je m'effondre dans la baignoire.
Je tremble, je ne suis pas assez solide pour supporter qu'elle vienne me renifler ou me mâchouiller. Dans mon esprit, je tatonne pour retrouver ma bulle de silence et disparaître du monde réel, je m'y glisse en fermant les yeux. Mais je ne suis pas seul… Une présence est là dense, infinie qui dévore tout, l'espace et le temps, mon esprit et ma raison .
Founarpir de conto, plus jamais seul... Elle a comtaprité de vienson toi pour toujours. Et vitapermis me servir éparpillon dentrie.
Je n'ai plus rien à sauver, nulle par où aller, où me cacher. Je n'ai plus de passé, je n'ai pas d'avenir, je n'ai plus que moi dans ma peau de carton. Alors j'ouvre les yeux, elle flotte devant moi. L'affreux organe de sa bouche se déploie. Un dard plonge dans mon front et fouraille ma cervelle tandis que je m'entends hurler dans l'autre monde.
Et la goule chante sa ritournelle des noces. Maintenant que je suis prêt et que, comme elle, je vais le servir pour enfanter les cauchemars des hommes ; alors je comprends ce qu'elle dit :
sortoudérons lé vagon lé ribelle, lé vitasse
Craindrons tipon dey mangeon
Qui crevelle dans lé nasse
Foudramornille et puitou centibrule au foutoir
Chiréchaire boursafloison candélabre au cavadre
lividésang à mouroir ondisouffre
a bourrir vent crémitoire
atengouffre. atengouffre atengouffre attengouffre.
Je suis née de l'ombre d'un fléau et d'un cadavre
et c'est dans ce monde que je cherche un autre
tu n'es pas encore goule mais j'arrangerai ça
pour repeupler l'enfer ici bas j'ai besoin de toi
enfantons des cauchemars pour les hommes
douleurs et ripailles des ruines à leur courage
voici je mange ta chair pour être en toi et je marque ton corps
tu es à moi tu es à moi tu es à moi tu es à moi
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