6 - Mon dieu que tu es incompétente…
Après une bonne nuit de sommeil, la princesse se prépare, prête à tenir la promesse faite à ses parents.
En fin de matinée, elle tente, dans un premier temps, d’aller aider en cuisine. Ainsi, elle n’aura pas à travailler hors du château. C’est avec grand étonnement que le personnel la voit arriver. Elle n’était jamais descendue aux niveaux inférieurs de la forteresse. C’est un autre monde qui se présente à elle. Une fourmilière où chaque personne s’active toute la journée pour que sa vie soit parfaite.
- Les cuisines s’il vous plaît ? demande-t-elle à un jeune garçon portant des sacs de farine.
- Suivez-moi, par ici ! répond-il.
Après avoir traversé plusieurs pièces toutes inconnues de la princesse, elle arrive à destination.
- Princesse Elena ? Que puis-je faire pour vous ? demande le chef cuisinier, stupéfait de la trouver ici.
- Je dois me responsabiliser selon mes parents. Alors je me demandais si je pouvais être utile et vous donner un coup de main, dit la jeune femme.
- Euh… oui, c’est bien aimable de votre part mais, euh, avez-vous déjà cuisiné ? se renseigne l’homme.
Embarrassée, sans aucune notion culinaire, la princesse propose de faire les tâches qui n’auraient aucune conséquence sur le goût des plats réalisés.
- Très bien, peut-être pouvez-vous éplucher les légumes pour le repas de ce midi, suggère le cuisinier.
Elena s’assoit et se met au travail sans soupirer. Au bout d’une heure, tout s’est bien passé, et la jeune femme prend sa pause. De retour en cuisine, deux cuisinières un peu blagueuses, lui confient la réalisation d’un dessert.
- Une tarte aux poires, cela ne doit pas être bien compliqué ? se rassure Elena.
Elle suit la recette à la lettre, nerveuse. Malheureusement, au bout d’une quinzaine de minutes, la demoiselle a les mains pleines de farine, de lait, de poires. Plus elle essaye, plus les ingrédients collent et sèchent sur ses jolies mains. La tarte prend forme littéralement sur celles-ci. Exaspérée, sur un saut d’humeur, Elena envoie valser tous les ingrédients et tout ce qu’elle peut trouver sur la table. Au lieu de l’aider, toutes les personnes présentes dans la pièce, éclatent de rire.
- Comment osez-vous vous moquer de votre princesse ? hurle-t-elle, sans qu’aucun membre du personnel ne cesse de ricaner.
La princesse s’enfuit des cuisines, rouge de colère. Sur son passage, elle bouscule et fait tomber le jeune homme, qui l’avait présentée au chef cuisinier auparavant, sans même l’aider à se relever.
Le lendemain, calmée par ses parents, Elena tente de trouver un nouveau travail, loin des cuisines. Elle descend les escaliers du château et part dans le sens inverse des odeurs d’aliments. Elle arrive dans une salle où les lavandières la reçoivent.
Après avoir sympathisé, Elena sort de la forteresse et marche en direction de la rivière, accompagnée des autres femmes.
C’est au bord du cours d’eau que le groupe se met à frotter le linge avec de la cendre. La tâche est simple mais très physique, d’autant plus pour des femmes. Elena prend peu à peu conscience de la dure vie des sujets de son royaume.
- Quelle idiote d’avoir mis une aussi belle robe ! Non seulement je me salis et en plus c’est loin d’être confortable pour un tel travail, se dit la princesse.
La journée prend fin et les femmes se préparent à rentrer. Certaines au château, les autres au village. Contente d’avoir terminé, Elena ouvre la marche de manière énergique et, dans son élan, marche sur sa longue robe et trébuche. Par conséquent, les deux seaux de cendre, qu’elle tient en main, volent sur le linge étalé tout autour pour sécher. Tout est sale. Tout devra être lavé à nouveau demain. La princesse peut lire l’énervement sur les visages des lavandières.
- Bonne à rien ! lance durement une d’entre elles.
- C’est un accident ! Il me semble que je n’ai posé aucun problème aujourd’hui ! riposte Elena.
- A quoi bon bien faire son travail, quand c’est pour tout ruiner à la fin ! s’exclame la plus vieille des femmes.
Le groupe rentre en silence. Les lavandières, accompagnant Elena au château, lui font comprendre qu’il ne sert à rien de revenir le lendemain.
Une fois seule, enfermée dans sa chambre, la princesse se dit : - Jamais deux sans trois ! Demain j’essaierai à nouveau de trouver un travail, mais c’est la dernière fois ! Si j’échoue, Père et Mère ne pourront qu’admettre que j’ai vraiment fait tout ce que je pouvais.
Les rumeurs sur son incapacité à bien faire quelque chose se répandent vite depuis deux jours. Qui pourrait lui accorder une chance ? C’est nerveuse, que la demoiselle s’endort.
Le jour suivant, en début d’après-midi, c’est seule qu’elle s’aventure dans les campagnes environnantes de la citadelle. C’est par beau temps, qu’Elena déambule et finit par arriver devant un moulin à blé où elle décide de s’arrêter. Elle frappe à la porte du bâtiment et, à sa grande surprise, c’est le jeune garçon, qu’elle a renversé il y a deux jours, qui lui ouvre.
- Princesse ? dit-il.
Honteuse de l’incident passé, Elena s’excuse et lui demande s’il a un emploi pour elle.
- Que puis-je bien donner à faire à une jeune femme aussi délicate que vous ? ironise le garçon.
- Allez-y, riez, dit la demoiselle, les larmes aux yeux.
- Non, non, pardonnez moi. Je ne voulais pas vous blesser. Laissez donc parler tous ces gens, dit-il. Je vous présente Zéphyr, mon vieil âne, rajoute-il en indiquant l’animal à quelques mètres du moulin. Peut-être, pourriez-vous vous en occuper quelques après-midis par semaine ? Le surveiller, le brosser, pendant que je suis occupé à créer la farine, propose-t-il à la princesse.
- Pourquoi pas. Au moins, si je suis ridicule, je le serai au milieu de nulle part, répond-elle soulagée.
- Moi c’est Lucas.
- Enchantée, Elena.
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