9 - La magie de Noël…
Le jour de Noël est arrivé. Voilà déjà un mois qu’Elena n’a pas revu Lucas. Elle a entendu dire, que le jeune homme a trouvé un travail dans la province voisine, le royaume de Montecul. Il est au service du prince Geoffrey, l’illustre homme sur lequel la princesse avait vomi. Elle éprouve de la peine d’avoir de ses nouvelles que par l’intermédiaire d’autres personnes. Pourquoi ne lui donne-t-il pas signe de vie ? Elle ressent toujours les mêmes sentiments forts depuis cette nuit de novembre.
Toutefois, c’est Noël, et pour rien au monde Elena laisserait quiconque ruiner cette période qui lui est précieuse. Elle adore tout de ces fêtes de fin d’année. Les plats savoureux, la décoration, l’ambiance générale au royaume, même le froid hivernal pour de bon installé ajoute, selon elle, de la magie à cette période festive.
Elle est, depuis fin novembre, sans emploi. Cependant, par son assiduité à se rendre au moulin, tous les jours pendant environ deux mois, pour s’occuper de l’âne de Lucas, elle a rendu fiers ses parents. Depuis, ils lui ont à nouveau versé de l’argent. L’harmonie au sein de la famille royale est revenue. Elena a grandi, muri aux côtés de Lucas. Ses parents s’en réjouissent mais déplorent tout de même le départ du jeune homme qui avait une si bonne et grande influence sur leur fille. Ils n’ont pas mis longtemps avant de comprendre que c’est de lui dont Elena est amoureuse. Une passion qui les enchante en même temps qu’elle les inquiète. A quoi bon affectionner un homme qui est parti ?
Il est temps de descendre. Le grand diner de Noël va bientôt démarrer. C’est aux bras de ses parents, qu’Elena descend le magnifique escalier qui mène au hall d’entrée où tous les invités attendent. C’est avec un peu d’appréhension qu’elle se dirige vers eux. Elle se souvient de l’épisode de son anniversaire où, devant tous les convives, elle s’était ridiculisée.
Les portes de la salle de réception s’ouvrent et tous se précipitent afin de découvrir le luxe de la pièce. Une atmosphère d’hiver et de bonheur règne dans celle-ci. La longue salle rectangulaire se termine par une immense cheminée dont le feu ardent réchauffe la pièce et crée une ambiance apaisante. De part et d’autre de celle-ci, on ne peut qu’admirer les deux gigantesques sapins richement décorés. Chaque table ronde est composée de huit places pour un meilleur confort. Au total vingt-cinq tables sont installées. La richesse de la vaisselle augmente toujours plus le luxe omniprésent dans la salle. Les bonnes odeurs de cuisine remontent et répandent dans la pièce une odeur délicieuse. De grandes verrières longent un des côtés de la salle, laissant s’infiltrer la lumière du clair de lune…
- Il neige ! s’écrie un invité, surpris.
La magie de Noël est bien présente. Tous s’apprêtent à passer une agréable soirée.
- Bonsoir, dit Elena.
Cunégonde se retourne et voit derrière elle sa meilleure amie.
- Bonsoir, réplique-t-elle gênée.
Après l’épisode du Griffon d’Or, il n’y avait pas vraiment eu de dispute entre les deux jeunes femmes mais il n’y avait pas besoin de mots pour qu’elles comprennent qu’un malaise s’était installé entre elles. Depuis ce jour, Elena, regrette son attitude envers Cunégonde et Octave. Elle n’avait jamais autant manqué de respect envers son amie. Cunégonde, qui connait très bien sa copine, avait compris la jalousie de celle-ci dès le soir même, lors du repas à l’auberge, il y a plusieurs mois. Depuis, comme pour éviter la confrontation, les demoiselles ne se sont jamais plus revues, à moins de quelques hasards.
- Cucu, tu me manques ! J’ai été une véritable conne ! Je me suis toujours sentie supérieure à toi alors que finalement c’est toi qui mérite d’être heureuse, pas moi ! s’exprime Elena, en prenant son amie dans les bras.
- J’apprécie que tu reconnaisses tes erreurs, répond Cunégonde.
Après encore quelques minutes d’embarras, elles s’installent à table en compagnie d’Octave, qu’Elena s’empresse de saluer chaleureusement en guise d’excuses. Les autres convives qui se joignent à eux sont le roi, la reine, un seigneur et sa femme, ainsi que Geoffrey, prince de Montecul.
- Allez-vous à nouveau me vomir dessus ? demande Geoffrey à la princesse, d’un ton moqueur.
- Bonsoir monsieur ! répond-elle d’un ton cassant, trop fière pour s’excuser, des mois après cet accident digestif.
Cunégonde la regarde droit dans les yeux. Elena soupire et ajoute, à son tour, d’un ton blagueur :
- Très bien ! Je suis désolée d’avoir vomi sur vos vêtements. J’espère qu’ils ne sont pas traumatisés !
Le prince sourit. Il n’a rien contre elle et ne comprend pas cette agressivité qu’elle a envers lui à chaque fois qu’ils se rencontrent.
Excepté ces petites tensions, le repas se déroule parfaitement bien. Les plats sont exquis et tous les invités sont ravis.
Vers vingt-trois heures, une troupe d’artistes fait irruption dans la salle de réception. Ils sont originaires de Solenkhar, une contrée exotique qui se trouve à plusieurs jours de voyage de Cruchagne. Ils sont venus pour l’occasion. Les musiciens et chanteurs prennent place. Au rythme de la musique orientale, les magnifiques danseuses fascinent les convives. Les costumes blancs et dorés que revêtent ces femmes s’accordent parfaitement aux autres tons riches et chauds de la pièce. Très vite, le rythme effréné de la musique entraine les invités un par un. Tout le monde se met à danser. Elena n’a jamais vécu un Noël aussi fabuleux. Tout est parfait. Elle aussi se laisse porter par les tonalités étrangères, allant même jusqu’à échanger quelques pas de danse avec Geoffrey.
- J’ai entendu dire qu’un certain Lucas travaille pour vous, lance-t-elle au prince.
- Euh, oui il s’occupe de mes chevaux, pourquoi cette question ? Que lui voulez-vous ?
- Non, non, rien, oubliez.
Geoffrey la regarde d’un air dubitatif, tout en continuant de danser.
- Si seulement Lucas était là, pense la jeune femme.
La soirée prend fin quelques heures après. Chacun quitte le château, comme hypnotisé par cette célébration qui semble avoir été tirée d’un rêve fantastique.
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