Mariachis

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Je rentre de mon cours d’anglais. Est-ce que je progresse ? A peine, j'arrive à tenir une conversation, pas beaucoup plus… Pas la tête à cela.
Machinalement, je jette un regard à mon téléphone, j’ai coupé les ponts avec tout le monde, je ne sais pas ce que j’attends.
Une enveloppe illuminée sur mon écran. Mon cœur s’emballe. Un tout petit peu.

"Je suis à Albuquerque"


Donc, il est vivant.

Qu’est-ce que je vais faire maintenant ?
Mais pourquoi tu te poses la question ? Tu sais très bien ce que tu t’apprêtes à faire.
Sauter. Voler. Chercher la passion. Tu n’as jamais su faire autrement.
Ta vie, tu ne l’imagines pas sans prendre des risques. Ton schéma, tu le connais par cœur, tu hibernes et soudain, l’odeur de la vie te réveille en sursaut et c’est parti pour le grand n’importe quoi.
Tellement bercée de romances où l’amour se cherche et triomphe, toi aussi, tu espères que ça pourra t’arriver. Trouver l’Autre. La moitié de je-ne-sais-quoi qui s’imbrique parfaitement dans la tienne.
Alors, tu y crois. On ne sait jamais…C’est ta phrase préférée.
Mouais, vu ta vie, je me demande si on ne t’a pas bercée trop près de la télé. Romantique à deux balles. Toujours seule. Sans histoire solide. Jamais.
Mais, si tu n’essayes pas, tu ne sauras jamais. C’est peut-être lui, Marsh, le Prince sharmant.

Alors, tu as lui répondu "J'arrive mardi à dix-huit heures" et t’es partie. Direct. Sans te retourner. En vrai, tu n’avais pas grand-chose à regretter en France.
Durant tout le vol, tu as rêvé, imaginé, inventé des retrouvailles éblouissantes. Tu as essayé plusieurs ambiances, plusieurs scénarii. Le résultat était toujours le même : regards, course l’un vers l’autre, tu sautes dans ses bras, vous vous embrassez. Soupir d’aise et sourire sur les lèvres. Pendant huit heures. La Ravie de la crèche.

Enfin l’atterrissage. Tu bouscules les autres passagers. Tu as trop envie. Vite, tu récupères tes bagages, heureusement, tu voyages léger.
Tu le vois. Un peu de guingois, un peu fatigué, un peu las. Mais ses yeux pétillent. Il ouvre ses bras…

Tu n’avances pas. Putain, ton coup foudre a pris l’eau. Pas une ondée passagère, tiède et rafraîchissante. Non, la grosse douche glacée qui te gèle sur place. Saloperie de fantasme.
Alors, comme il est là et qu’il attend, tu approches. Vous êtes comme deux étrangers, gauches et maladroits. Ils sont où les Mariachis, les feux d’artifice, les étincelles dans tous les sens ? Il n’y en a pas. Bam.
Difficile de se parler. Je ne sais pas quoi lui dire.
- Tu vas mieux ?
- Oui, ça va. Et toi, tu as fait bon vol ?
- ça a été.
Le dialogue de dingues.
On se dirige vers sa bagnole, direction le motel où il crèche. La chambre est naze.
- Je suis fatiguée. Je vais dormir un peu.
Il se couche à côté de moi, je lui tourne le dos. Ne t’approche pas, Marsh, ce soir, je suis un hérisson.
Je sens qu’il est triste et déçu. Il ne devait pas s’attendre à ça. Moi non plus.
On verra demain ce que je ferai.
Le crétin, il ne m’a même pas dit qu’il aimait la couleur de mes yeux.

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