Tout gagner ou tout perdre
On était confiants pour la proposition du deal avec le FBI, on leur apportait les meurtriers d'un cold case, et en échange, ils abandonnaient les poursuites contre Marsh. Good deal. Enfin, de notre point de vue, parce qu'en réalité, ça ne s'est pas du tout passé comme ça.
Marsh est allé seul au bureau du sheriff, en trainant Mike. Mais, il n'y a que dans les séries à la télé que tu peux jouer les justiciers. Les flics les ont coffrés tous les deux. Il a juste pu m'appeler pour me dire que notre plan n'avait pas fonctionné. On n'a même pas eu le temps de se dire l'essentiel, la communication a été coupée.
Je n'avais plus qu'une seule chose à faire pour le sauver, pour nous sauver, c'était ramener les deux autres. Le brelan de branleurs. Le FBI ne pourrait plus refuser.
J'avais les noms des types, en deux minutes, j'ai trouvé leurs adresses. J'ai commencé par le rouquin. En sonnant à sa porte, une femme est venue m'ouvrir, je l'ai écartée d'un revers du bras en lui demandant où était son "husband" et en ajoutant qu'elle était macquée avec une belle saloperie qui violait et tuait des femmes. Elle est restée sans bouger, peut-être qu'elle aussi, elle se faisait cogner.
Lui, je l'ai trouvé dans la cuisine, il a craché ce qu'il était en train de boire en me voyant entrer. Il m'a reconnue instantanément. Je lui ai collé une beigne et une autre et encore une autre. Il ne se défendait même pas cette lopette. Je l'aurais démoli s'il avait essayé. Je lui ai attaché les mains et l'ai traîné, poussé jusqu'au Mitshu. Sa femme nous a regardé partir sans faire un geste.
Pour celui-là, ça avait été facile, trop facile. Il me restait le dernier, le balafré. Je ne sais pas si, avec lui, je pourrai tenir ma promesse...Ma seule envie était de le tuer.
J'ai garé la bagnole devant sa maison, Billy était inquiet, je le voyais. J'ai laissé la fenêtre entrouverte pour mieux guetter dans le rétro le mec que j'attendais. Le rouquin a essayé de négocier, a pleurniché en me demandant de le relâcher, il m'a juré qu'il ne recommencerait plus. Connard. Il a pris un bon coup de coude dans le nez, ça a eu le mérite de le faire taire.
Et j'ai attendu. J'aurais attendu des heures pour me faire vengeance.
Et droit devant, j'ai vu le mec arriver. Cette ordure marchait tranquillement, en portant ses sacs de courses. Je suis sortie de la voiture et je me suis plantée devant lui. Il a souri, l'air tellement sûr de lui et m'a dit, d'un ton plein de morgue :
- You want more ? It wasn't enough yesterday ?
La colère et la rage qui couvaient en moi ont déferlé brutalement. Je sentais mon sang brûlant affluer dans toutes les parcelles de mes muscles. J'ai immédiatement oublié toutes les douleurs de la raclée de la veille. Je n'étais plus qu'adrénaline, brutalité animale, et je ne voulais qu'une chose, le buter. La baston et les sports de combat, c'était des domaines que je maitrisais, j'avais été formée, j'étais expérimentée. J'allais le démonter.
Il ne pensait pas que ce serait moi qui l'attaquerais et il ne savait pas non plus que j'étais si forte, l'effet de surprise m'a aidée. Le coup de poing qu'il a pris en plein thorax lui a coupé le souffle et mon pied dans ses parties l'a plié en deux. J'ai distribué des uppercuts et des coups de savate, sans réfléchir dans une sorte d'acharnement sans fin. Il accusait les coups.
Mais, lui aussi était entrainé, il savait défendre et riposter. Et sa force était supérieure à la mienne et ses bras bien plus longs que les miens. J'ai pris des patates, des marrons des pêches, Et malgré toute mon énergie, il a réussi à me maitriser. Il m'a déséquilibrée et je suis tombée sur le sol, brutalement. Il se tenait au-dessus de moi et ses mains se sont serrées autour de ma gorge. J'ai utilisé les dernières forces qui me restaient pour distribuer encore les coups que je pouvais. Mais, il serrait, inexorablement. J'ai repensé à tous ceux que j'avais fait mourir, comme ça, à ce qu'ils avaient pu ressentir en sentant la vie les quitter, si près de leur but, en pensant avoir trouvé ce qu'ils cherchaient depuis toujours, le double merveilleux de leur vie et je les ai plaints. J'ai pensé à Marsh, qu'allait-il devenir sans un ange dans sa vie ? J'ai fermé les yeux, j'avais perdu, tout perdu. Fin de partie.
Je suis dans la voiture, enfermé, et je sens bien qu'il se passe quelque chose de dangereux dans la rue. Elle est sortie, elle est en train de se battre avec quelqu'un. Pas comme elle le fait, en riant, avec l'autre humain qui l'accompagne, celui qui veut être le mâle alpha de notre meute, non, là, je le sens le danger. Je ne peux pas la laisser comme ça.
Elle est arrivée dans ma vie comme un accident.
Moi, je ne suis qu'un coyote, ma vie, c'était la chasse dans la nature, la vie en groupe avec mes congénères. Pas devenir le toutou d'une ennemie jurée. Et pourtant, je n'ai pas hésité et j'ai préféré la suivre au lieu de retrouver les miens, dans la forêt. C'est comme ça.
Je cherche le moyen de sortir, la fenêtre est ouverte, je peux me glisser, j'y perdrai quelques touffes de poils mais il faut que j'aille la retrouver. Elle est couchée sur le sol, quelqu'un lui fait du mal. Je prends mon élan et saute, je mords ce que je peux attraper et jamais, je ne lâcherai.
L'étau autour de mon cou se desserre. Je peux respirer. Un peu. J'ouvre les yeux, il y a un monstre qui est en train de bouffer le balafré. C'est Billy. Je crois qu'il va l'achever. Je réfléchis un instant. Et je me souviens des mots de quelqu'un. Et je crie :
- Billy, lâche-le.
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