Epilogue
Et bien voilà, c'est fini...Plus d'histoire de planques, de galères, de fugitifs. On est débarrassé de tout cela. Mon passé est bel et bien enterré, dans un coin du Colorado.
On peut l'avoir notre vie tranquille, faire de vrais projets, tous les trois, avec Billy. Construire du solide, du rassurant, du sécurisant...
Ouais...
Alors, on s'est installé au bord de la mer, dans une petite baraque. On a trouvé du boulot, tous les deux. On est posés. Ne nous manque plus que des gosses, d'ailleurs on y travaille.
Mouais...
Mais, finalement, si je suis honnête, est-ce que cette vie va me plaire ? J'en sais rien. Mon truc, c'est l'adrénaline, quand ça va à cent à l'heure, quand on ne sait jamais ce qu'on va faire -ou nous obliger à faire- le lendemain. Je déteste l'ennui...C'est comme ça.
Un soir, en rentrant du boulot, alors que je faisais à moitié la tronche sans même savoir pourquoi, Marsh m'a balancé :
- T'as toujours un bouquin dans les mains... T'adores lire... Pourquoi tu n'écris pas un truc ? Je ne sais pas, moi. T'as qu'à la raconter, notre histoire...
- Mais, t'es malade ! Je ne sais pas écrire !
- Si, je suis sûr que tu sais. Et puis, je vois bien que tu commences à tourner en rond, je te connais, tu sais. Si tu t'emmerdes, tu vas te barrer. Et moi, je veux te garder, Baby. Alors, écris ! Je vais même t'aider. Je te donne la première phrase de ton roman : Tu rentres au Roy's Motel, tu vois un mec au comptoir... T'as le début, tu n'as plus qu'à continuer.
- Tu rêves, je suis incapable d'aligner deux mots, alors, un roman...
- C'est simple, on va jouer ce deal à pile ou face. Tu choisis quoi ?
Il cherche dans la poche de son jean, il sort une pièce.
Quel malin, s'il croit que je ne la reconnais pas la pièce que je lui ai laissée dans l'enveloppe à l'hosto. Ce talisman ne le quitte jamais.
S'il veut la jouer au plus malin, il ne sait pas sur qui il est tombé. Pas sûre qu'il me connaisse si bien, finalement...
- Bon, puisque tu veux parier, d'accord, on parie : si c'est "face", j'essaye d'écrire un truc et si la pièce retombe sur "pile", tu oublies ton idée à la noix.
Il jette la pièce. Billy, qui dormait dans un coin, toujours d'un oeil comme un coyote, jaillit et l'attrape au vol. Mince, je n'aurais jamais dû lui apprendre à choper des trucs en les lui balançant en l'air. J'entends Marsh qui grommelle "Fais chier, ce clebs". Après une longue lutte et pas mal de chocolat, Billy daigne enfin nous laisser reprendre le dollar, le fameux "One dollar" magique.
Dégoûté, il l'essuie d'un geste sur son jeans et me la relance. Je la saisis, la retourne dans ma main en rigolant intérieurement.
J'ouvre mes doigts, regarde la pièce. C'est impossible..
Ce n'est pas "1 Dollar" devant mes yeux mais la Statue de la Liberté ! Je retourne la pièce, elle a les deux mêmes côtés.
Marsh me regarde, un sourire au coin des lèvres:
- Tu crois qu'il n'y a que toi qui sais trouver des pièces truquées ?
J'éclate de rire.
- Ok, Mec, t’as gagné ! Je ne te promets rien, mais je vais essayer.
Son idée m’angoisse… autant qu’elle m’électrise et fait battre mon cœur. Il a raison. Le plus dur c’est la première phrase et je la connais.
Le lendemain, je me suis assise en bout de table de la cuisine. Mon stylo fusait sur le papier comme le feu. Rien ne pouvait l’arrêter.
J’ai levé la tête à un moment, Marsh se tenait devant moi. Ses yeux pétillaient, sa bouche n’était que sourire. Je crois qu’à mon tour, mes lèvres se sont étirées.
Je lui ai fait signe de venir contre moi. Nos doigts se sont mêlés. Avant qu’il ne m’embrasse je lui ai dit :
–Tu sais, cette histoire c’est la nôtre, je ne l’écrirais pas toute seule.
FIN
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