Une bombe comme réveil
On dit souvent qu’on écrit mieux sous le coup de l’émotion. Je pense qu’il est surtout plus facile d’écrire au moment où en ressent le besoin. Personnellement, je n’ai jamais éprouvé le besoin de m’exprimer quant aux chocs qui ont récemment ébranlé « notre » société, fussent l’à présent douloureux attentat de Charlie Hebdo, ou bien la tragique mort du jeune Aylan Kurdi. Je n’ai jamais mis des images de soutien sur mon profil facebook, ni remplacé ma photo de profil par un retentissant « Je suis Charlie ». Tout juste ai-je participé au débat sur la légitimité de la compatissance envers les auteurs abattus. Ce matin-même m’a-t-on reproché de ne pas m’agiter au sujet du 13 novembre.
Je ne me souviens pas m’être agité au sujet de Beyrouth. Je ne souviens pas non plus que quiconque parmi mes camarades l’ait fait.
Pour parler clairement, je considère comme inutile toute cette publicité. Pas totalement, car on pourra rétorquer que cela montre l’unité de l’ensemble du peuple français. Néanmoins, cela n’en reste pas moins une réaction tardive. La seule raison de cette indignation, de cet effroi pour la majorité des gens réside en la proximité effrayante. Il est vrai qu’une bombe fait plus de bruit à nos portes qu’à l’autre bout du monde. Qu’on ne me fasse toutefois pas dire ce que je n’ai pas dit. Je suis bien conscient de la souffrance des proches des victimes, des personnes prises dans le tourbillon des évènements ; je suis au courant que certains réagissent avec une totale connaissance des faits. Les autres le font par instinct, par mimétisme.
Je ne méprise pas ce type de réaction. Je considère cependant qu’il est un peu tard pour se réveiller. Les braves français s’étaient déjà endormis depuis janvier. Il a fallu un choc pour les sortir de leur torpeur quotidienne. Et voilà le problème. Il faut un choc.
Faudrait-il qu’une explosion résonne, que des balles transpercent la foule pour que l’on se rende compte de la gravité de la situation. L’ « unité nationale » n’est pas un jouet que l’on sort uniquement dans les moments de trouble. Ce doit être une constante sans pour autant s’empoussiérer en attente du prochain ébranlement de l’opinion générale.
Personnellement, je n’ai rien à dire sur ce jour noir. Tout a déjà été pensé. Oui, je condamne les auteurs de cet attentat. Oui, je plains les victimes. Oui, je trouve cela révoltant, cette violence aux noms d’idéaux fratricides abâtardis par la soif du pouvoir. Oui, c’est odieux. On peut le crier, on peut l’écrire sans fin partout et en tous lieux, on peut se masser en une foule innombrable pour brandir des panneaux et affirmer notre soutien, mais qu’alors ces panneaux soient encore brandis pendant des mois sans que l’on soit obligé de faire sauter la tour Effel pour rappeler que le terrorisme ne s’arrête pas. Si nous militons aujourd’hui, nous avons le devoir de militer demain pour ceux qui seront touchés après nous.
Je ne blâme personne. Je demande juste une simple réflexion face au traumatisme. Même si cela ne doit rien changer aux actes, que l’on comprenne qu’il n’y a pas que nous dans l’équation, mais le monde.
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