Chapitre 26

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- Noah, mange !

- Je n’ai pas faim…

Il regarde la femme assise en face de lui. Elle est grande, élancée, avec de longs cheveux ébènes tressés sur le côté, une peau dorée rappelant les couleurs de l’automne. Son cou, droit et fier, est décoré de nombreux colliers de perles. Des boucles rondes et dorées pendent à ses oreilles. C’est une jeune femme magnifique. Aussi légère que l’air. Aussi forte que la terre. Aussi libre que l’eau. Aussi têtue que le feu. C’est la femme qu’il aime le plus au monde. C’est également celle qui lui fait le plus peur. Ses yeux légèrement en amande, d’un noir aussi lumineux que les plumes des corbeaux, le fixent d’une telle intensité, qu’il attrape sa fourchette et se force à avaler un petit bout de poisson. Son ventre est si noué, qu’il a l’impression qu’il va vomir à tout moment.

- Ce n’est pas en arrêtant de manger que tu vas arranger les choses, dit la femme un peu sèchement.

Elle se lève et va poser son assiette dans l’évier de leur petite cuisine. Elle attaque de faire la vaisselle en lui tournant le dos. Noah se demande où est-ce qu’elle trouve autant d’énergie. Seuls les cernes noirs qui entourent ses yeux trahissent la dure journée qu’elle a traversée. Profitant, de ne pas lui faire face, il prend une grande inspiration et se lance.

- Nikawi… je voudrais te parler d’un truc…

Pas de réponse, ni de réaction. Elle continue sa vaisselle.

- Maman ?

- Je t’ai entendu, dit la femme.

Elle ne fait vraiment rien pour l’aider. Quand elle est dans cette humeur, c’est très compliqué pour communiquer avec elle. Noah décide tout de même de continuer. S’il ne lui dit pas, il va se dégonfler. Il faut qu’il y arrive.

- C’est à propos de l’année prochaine…

- Oui, je sais. Ce n’est pas facile de trouver un job ici. Mais aujourd’hui, j’ai croisé Stéphane Awashish. Il est d’accord pour t’embaucher à l’épicerie. Yuma part faire son école de police à Nicolet. Il va avoir besoin de main d’œuvre.

- Justement, à ce propos….

Sa mère ne le laisse pas finir et enchaîne.

- Tu pourras continuer de donner un coup de main au garage, le soir et les week-ends. César n’y voit pas d’inconvénient.

Elle se retourne, s’appuie contre le plan de travail en s’essuyant les mains avec un torchon.

- Noah, on va vraiment avoir besoin de cet argent. Je compte sur toi pour y mettre du tien. Et je sais que tu vas le faire.

Ce n’est pas possible, elle a un super pouvoir ? En quelques secondes, elle vient de lui couper l’herbe sous les pieds. Il avait prévu exactement ce qu’il allait dire. Tout était organisé, pensé, planifié dans sa tête. Et voilà que sa mère ne prend pas la peine de l’écouter. Elle a déjà tout prévu pour lui. Ses mains deviennent de plus en plus moites. La culpabilité de ce qu’il s’apprête à faire est à deux doigts de le faire renoncer. Pourtant, il y a réfléchi tellement de fois, depuis des semaines, des mois. Alors que sa mère s’éloigne pour quitter la pièce, non sans lui avoir ordonné de finir son assiette encore pleine, il dit à toute allure.

- Je veux aller vivre avec Papa.

Elle se retourne d’un bloc, sa tresse volant dans les airs.

- Pardon ?

- Je veux aller vivre avec Papa.

Un lourd silence emplit la cuisine. L’atmosphère devient irrespirable. Noah aimerait se soustraire au regard de sa mère qui le pénètre comme un laser. Aucune émotion ne transparait sur son visage. C’est pire que si elle avait crié.

- Et pourquoi ça ? demande-t-elle d’une voix calme, terrifiante.

- Je veux travailler avec lui. Apprendre son métier.

- C’est nouveau, tiens. Depuis quand t’intéresses-tu à ça ? dit-elle avec dédain.

Son ton énerve le garçon. Elle ne le prend pas au sérieux. Comme si, ce qu’il voulait vraiment n’avait pas d’importance. Comme si, ce n’était qu’une lubie passagère. Comme si, sa vie était déjà tracée et qu’il devait absolument suivre le chemin qu’on avait décidé pour lui.

- J’ai bien réfléchi et c’est ce que je veux, dit Noah d’un ton résolut.

- Tu n’iras pas, déclare Dona en s’éloignant dans le salon, signe que la conversation est close pour elle.

Les larmes montent aux yeux de Noah. Il est déçu, blessé, du peu de considération qu’elle lui apporte. Il sait que ce n’est pas le meilleur moment pour lui annoncer. Il pense au sac qui l’attend, caché depuis plusieurs jours sous son lit. Sa porte de sortie. Son salut. Il pense à ce qu’il s’est apprêté à faire une centaine de fois, sans jamais en avoir le courage. Il repense à la soirée de la veille, à la longue journée qu’il vient de traverser. Il essaye d’éloigner le vide qu’il ressent dans son cœur. Plus rien ne le retient ici maintenant. La colère monte et prend le pas sur tout le reste. Il en a marre d’étouffer dans cette maison minuscule, dans cette ville à la taille d’un village, dans cette communauté oppressante. Il a fait son choix. Il choisit d’avoir un avenir, une vie. Tout s’est précipité contre son grès, mais le fait est que, ça y est, il s’en va.

- Maman, s’écrit Noah en la suivant dans la maison.

Elle se retourne vers lui. Ses yeux lancent des éclairs.

- Tu as décidé du jour au lendemain de tout abandonner, comme ça ? Tes amis, ta famille, la ville qui t’a vu grandir, les gens qui t’ont élevé. Tu as pensé à Tadi ? Il va se retrouver tout seul par ta faute.

- Il est déjà au courant et il me soutien, riposte Noah.

- Et Tala ?

Un silence passe. Noah ne veut pas répondre à cette question. Bien entendu, il a pensé à tous les gens qu’il laissait derrière lui. Justement, il a besoin de changement, sinon il va devenir dingue. Sinon tout va très mal finir. Il a trouvé une porte de sortie et il compte bien la prendre.

- Tu m’abandonnes, dit sa mère dans un souffle.

- Pas du tout ! Je vais juste chercher un avenir ailleurs. Là où je suis sûr d’en avoir un.

- On n’est pas assez bien pour toi, c’est ça ?

- Arrête Maman. Tu sais très bien que ce n’est pas ça… Mais ici, dans la réserve, tout est plus compliqué. J’ai la chance de pouvoir aller ailleurs, de pouvoir vivre autre chose et je compte bien la saisir.

- C’est donc ça que tu manigançais dans ton coin ? souffle-t-elle.

Noah voit avec horreur sa mère se précipiter dans le couloir. Elle ouvre d’un coup sec la porte de sa chambre, qui va taper le mur, faisant tomber du plâtre au sol. Avant qu’il ne puisse l’arrêter, elle s’agenouille contre son lit et en ressort son sac de voyage, plein. Elle le lance sur le lit.

- Tu avais prévu ça depuis longtemps n’est-ce pas ? Quand ? Quand allais tu me le dire ? Quand ? La veille de partir ? bégaye-t-elle, la voix coupée par l’émotion.

Le garçon est tétanisé. La tristesse et la trahison qu’il lit dans le regard de sa mère le cloue sur place.

- J’ai tout donné pour être une bonne mère. J’ai tout sacrifié. Ma vie, mes études, mes rêves, mon avenir, mes amours. Tout. Je n’ai vécu que pour ça pendant dix-sept ans. Tout ça pour quoi ?! Pour être remerciée avec un crachat à la figure ! hure-t-elle.

La voix si douce et aimante qui lui chantait des berceuses dans sa langue maternelle, qui lui racontait les histoires et les légendes de son peuple, s’est transformée en un cri déchirant. Elle n’a plus rien de beau. Noah en frissonne d’effroi.

- Tu es bien comme ton père. Un lâche. Vas le retrouver si tu y tiens tant. Vous êtes pareil tous les deux. On ne peut pas compter sur vous.

Les larmes coulent à flot sur les joues de Noah. Lui qui pensait trouver du soutien, il ne reçoit que de la haine. Il s’en veut de lui infliger ça. Il voudrait lui dire combien il est désolé, combien il l’aime, combien elle compte pour lui. Mais les mots restent coincés au fond de sa gorge. Il n’arrive pas à parler. N’arrive plus à bouger. Ses mains tremblent, son cœur affolé, sa respiration saccadée.

Dona s’empare du sac et s’élance à toute vitesse dans le couloir. Noah la suit et lui attrape le bras. Il faut qu’elle l’écoute. Il faut qu’elle comprenne son choix. Qu’elle lui pardonne. Elle se dégage d’un coup sec.

- Peho. Nikawi peho. Attend. Maman attend. Laisse-moi t’expliquer.

- Tout est dit Noah. Je n’attends plus rien de toi. Je pensais que tu étais plus intelligent que ça. Je me suis trompée.

- Je ne voulais pas que ça se passe comme ça, dit le garçon, désemparé.

- Bien sur que si. La preuve, tu avais tout prévu.

- Maman…

Mais elle ne l’écoute pas. Elle continue sur sa lancée en arpentant le salon de long en large, tenant fermement son sac dans la main. Elle l’incendie, l’accuse de l’abandonner, de préférer son père à elle. Elle fait son monologue pendant plusieurs minutes. Tout à coup, elle se retourne vers lui, des larmes dévalant son si joli visage.

- Tous les problèmes qui s’accumulent, qui nous tombent dessus depuis quelques temps, c’est de ta faute. Tu portes malheur à cette famille. Tu n’es pas digne de ton héritage, ni de porter le nom de tes ancêtres.

C’est la goutte de trop. Il peut accepter bien des reproches, endosser bien des fautes, mais il n’est pas le seul à avoir fait des erreurs. Il n’est pas le seul coupable. Si sa mère se retrouve seule, c’est aussi de sa propre faute. Comment une mère peut-elle dire toutes ces horreurs à son enfant ?

- Ça suffit ! la supplie Noah pour qu’elle arrête de déverser son venin.

Mais sa mère ne l’écoute pas. Elle est prise dans un tourbillon de rage et de rancœur. Il a beau lui demander d’arrêter, rien n’y fait. N’en pouvant, plus il se met à hurler.

- Ekoni aci ! Ça suffit maintenant !

Dona s’arrête net. Un silence de plomb tombe entre eux. Ils se regardent sans rien dire. Les larmes coulent autant sur le visage de Noah que sur celui de sa mère. Elle de tristesse, de trahison, de colère. Lui de culpabilité, de désespoir, d’incompréhension. Il ne comprend pas comment sa mère, d’habitude si proche de lui, si aimante, si à l’écoute, peut penser tout ça de lui.

- Maman… l’appelle-t-il, la voix brisée.

Un mot. Un souffle. Une supplique. Voilà tout ce qu’il lui reste. A cet instant, il n’aimerait qu’une seule chose, voir un sourire illuminer les traits si fins de son visage. Voir les larmes de tristesse se transformer en larmes de joie. L’entendre rire, l’entendre chanter, mais surtout ne plus jamais l’entendre crier. Il aimerait qu’elle le prenne dans ses bras, qu’elle l’embrasse sur le front, qu’elle lui assure que tout va bien. Il aimerait sentir la chaleur de ses bras, la douceur de ses caresses. Il aimerait qu’elle lui pardonne. Il souhaiterait, plus que tout au monde, qu’elle lui dise qu’elle l’aime.

Au lieu de ça, elle se dirige lentement vers la porte d’entrée et l’ouvre sur la nuit. Elle jette le sac à l’extérieur. Il fait un bruit sourd en atterrissant dans la neige qui recouvre l’herbe du jardin. Elle ne dit rien. Elle se tient juste là, contre la porte ouverte. Le cœur de Noah s’affole. Il a du mal à respirer. Ça ne peut pas arriver. Ça ne peut pas se passer comme ça.

- Sors, dit-elle d’une voix calme et mesurée, rendant la scène encore plus irréelle.

Voyant que le garçon ne bouge toujours pas, elle se tourne vers lui. Jamais il ne pourra oublier son regard.

- Tu veux partir ? Vas-y, pars, continue-t-elle sur le même ton.

Noah ne peut toujours pas bouger. Il est pétrifié par la peur, mais sa mère perd patience. Elle s’élance vers lui, lui prend le bras et le pousse dehors en hurlant.

- Orowi ! Sors ! Sors de cette maison !

Le jeune garçon se retrouve au bas des marches de la petite maison bleue qui l’a vu grandir. Le froid lui transperce la peau, pénétrant sous son sweat et son jean, seuls vêtements qu’il porte sur lui. De la buée sort de ses narines à chaque expiration, lui brûlant le nez et la gorge. Les larmes qui coulent à torrent sur ses joues se gèlent presque instantanément au contact de l’air. Sa mère se tient dans l’encadrement de la porte, les mains sur les hanches. D’une voix claire et forte, elle lui dit :

- Je n’ai plus de fils.

Noah regarde la porte se fermer dans un claquement. Tout se brise en lui. Son monde éclate. Son cœur explose. Sa tête se vide. Il est seul. Il ne sait plus qui il est. Il a froid. Sa mère vient de lui arracher le peu d’estime qu’il avait encore en lui. Il ne lui reste plus rien. Il n’est plus rien.

***

Ambre se réveille en sursaut. Noah vient de hurler dans son sommeil. Il dit des choses incompréhensibles. Elle se tourne vers lui. Il est enroulé dans le drap qui colle à sa peau en sueur. Il hâlette, les larmes dévalant ses joues. La jeune femme panique. Elle ne sait pas si elle doit le réveiller ou si ça va empirer les choses. Elle n’a pas le temps de prendre une décision. Noah s’assoit d’un coup dans le lit, en étouffant un cri dans son poing.

- Doucement. Tout va bien. Je suis là, lui dit elle le plus doucement possible, en lui caressant le dos.

- Putain ! souffle le jeune homme, tendu.

- Ce n’est rien. Ce n’est qu’un cauchemar, essaye-t-elle de le rassurer.

- Si seulement…

Noah se lève et se dirige vers la baie vitrée, qu’il ouvre. Il prend une grande inspiration, remplissant ses poumons d’air marin. Ambre le laisse reprendre ses esprits quelques minutes, avant d’aller le rejoindre. Elle passe ses bras autour de son torse, le nez collé à son dos nu. Ils restent comme ça, sans bouger, le temps qu’il retrouve son calme. Elle sent le cœur de son amoureux ralentir doucement, reprendre un rythme normal. Ses muscles se détendent. Elle l’aide en dépostant des petits baisers sur sa peau, suivant la ligne droite tatouée le long de sa colonne vertébrale. Il frissonne à son contact, malgré la brise chaude qui vient les envelopper. Il prend ses mains dans les siennes et joue avec ses doigts un moment. Puis, il se retourne et fixe Ambre. Elle passe une main dans ses boucles noires pour dégager son regard. Des cernes sont apparus sous ses yeux. Il a les traits tirés. Il se dégage doucement de son étreinte et rentre dans la chambre. Il attrape un short, l’enfile, met ses baskets et s’apprête à sortir. Ambre ne sait pas trop comment réagir. Ça lui arrive souvent de faire des cauchemars. De plus en plus. D’ordinaire, il se tourne dans le lit, la prend dans ses bras et se rendort. Cette fois-ci semble plus compliquée. Elle ne sait pas s’il veut en parler, s’il a besoin d’être seul. Elle se sent impuissante. Démunie. Au moment où il s’apprête à passer la porte, elle l’interpelle.

- Tu veux que je vienne avec toi ?

Noah se retourne et soupire de soulagement. Elle le voit dans ses yeux. C’est ce qu’il attendait.

- S’il te plait.

La jeune femme ne réfléchit pas longtemps. Elle prend le premier vêtement qu’elle trouve, un sweat gris de Noah, qu’elle enfile sur sa nuisette. Il est tellement grand, qu’il lui fait une robe. Elle le suit dans le couloir, descend le jardin pour se retrouver sur la plage. Il fait encore nuit noire. Le soleil ne se lèvera que dans une heure ou deux. Ambre entrelace ses doigts à ceux de Noah et ils se mettent à arpenter la plage immense, leurs pieds s’enfonçant dans le sable chaud. Au bout d’un long moment de silence, elle se lance.

- Tu veux en parler ?

- Il n’y a pas grand-chose à en dire. J’ai juste revécu un mauvais souvenir.

- C’était par rapport à ta vie… d’avant ? demande prudemment Ambre.

Noah hoche la tête et fixe son regard sur l’horizon, là où la mer d’encre rejoint le ciel étoilé.

- Je crois que parler de mes origines Atikamekw hier soir, a fait ressurgir des choses que j’aurais aimé garder enfouillies.

- Je ne sais pas comment t’aider… s’excuse Ambre.

Noah s’arrête et se place face à elle, l’obligeant à faire de même. Il porte la main à sa bouche et lui embrasse l’intérieur de la paume. Il fléchit les genoux pour pouvoir la regarder droit dans les yeux.

- Tu fais déjà énormément. Tu n’as pas besoin de faire quoi que ce soit. Juste d’être là. D’être toi. Le reste, c’est à moi de le gérer. A moi de vivre avec. D’accord ?

Ses mots vont droit au cœur de la jeune femme. Elle ressent un élan d’amour incroyable envers cet homme torturé, attentionné et beau. Dieu qu’il est beau dans la lumière de la lune, ses yeux verts luisant dans l’obscurité. Son cœur se gonfle d’amour. Elle aimerait lui dire tellement de choses, mais aucun mot ne serait assez fort pour décrire ce qu’elle ressent en cet instant. Elle le savait avant, mais là, elle en a la certitude la plus profonde. Noah est l’homme de sa vie. Qu’importe ce qu’il se passe dans leur vie, qu’importe ce qu’il lui cache, qu’importe ses incertitudes, elle sait que ça ne changera jamais. Alors, comme aucune déclaration ne serait assez puissante, elle décide d’utiliser leur langage universel, les gestes. Elle passe ses bras autour de son cou et l’embrasse à pleine bouche. Noah la laisse faire, se laissant porter par le rythme doux et sensuel qu’elle lui impose. Puis, comme à son habitude, il ne peut s’empêcher de prendre les choses en main. Il empoigne sa taille et la serre contre lui, mettant plus d’ardeur dans leur baiser. Ils continuent leur danse charnelle encore quelques secondes, avant que Noah décide de couper le contact, les laissant tous deux essoufflés. Ambre est frustrée, elle n’en a pas eu assez. Elle se rapproche, mais le métis fait quelques pas en arrière, sans la quitter des yeux. Un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres. Il marche à recoulons vers la mer, puis s’arrête. Ambre ne bouge pas, elle le regarde sans comprendre. D’un coup de pied sur le talon, il se débarrasse de ses chaussures. Puis, il se penche en avant et fait glisser lentement son short et son boxer sur ses jambes. La température intérieure de la jeune femme monte en flèche. A cet instant, elle regrette de ne pas avoir pris son portable avec elle pour prendre une photo. Noah, nu, la mer des Caraïbes en fond, la pleine lune qui illumine le ciel d’une lueur blanchâtre. Une vraie œuvre d’art. Il se remet en mouvement et recule encore jusqu’à ce que ses pieds viennent rencontrer l’écume des vagues.

- Qu’est-ce que tu fais ?

- A ton avis ? Comment tu-dis déjà ? Ah oui. Je ne vais pas jouer au scrabble, se moque gentiment Noah.

Il se retourne, s’arrête une seconde, conscient qu’Ambre ne perd pas une miette du spectacle qu’il lui offre et plonge dans les vagues. Il nage un peu, jusqu’à se retrouver immergé jusqu’au torse. Elle, n’ose pas bouger. Son corps tout entier lui crie de le rejoindre. Le sang bat à tout rompre dans son intimité. Des frissons lui parcourent le corps. Elle s’avance sur la plage pour se rapprocher et s’arrête à côté des affaires de Noah. Il la regarde et lui crie pour couvrir le bruit des vagues :

- Qu’est-ce que tu attends ? Viens.

Ambre hésite. Elle n’est pas trop sûre que ce soit une bonne idée.

- De quoi as-tu peur ? continue l’ébéniste.

- Et si on nous voit ?

- Ambre, il est quatre heures du mat ! Et on est sur une plage privée. Qui veux-tu qu’il y ait ?

Un point pour lui. La jeune femme enlève son pull et le pose au sol. Elle voit Noah lui faire des signes pour la rejoindre. Elle respire un bon coup.

- Ok Ambre. Tu peux le faire. Il n’y a pas plus romantique qu’un bain de minuit, à poil, avec ton mec, murmure-t-elle pour elle-même.

Elle tourne la tête à droite et à gauche pour vérifier que personne ne se trouve dans les parages. A cette idée, une vague de panique monte en elle. Ça serait vraiment flippant que quelqu’un les épie, comme ça, dans le noir. Elle prend une grande respiration pour se calmer et enlève sa nuisette. Ça y est, elle est entièrement nue sur la plage. Peu à l’aise avec cette idée, elle passe les bras autour de son corps. Elle avance de quelques pas, se laissant surprendre par la chaleur de l’eau.

- Allez ma vieille. Un bain de minuit, c’est comme dans les films romantiques. Un bain de minuit, c’est cool… Enfin, un bain de quatre heures du matin. Dans la mer… Avec les poissons et tout ce qui s’y trouve et qu’on ne voit pas…

La panique la reprend. Elle déteste se baigner dans la mer. Elle a trop peur de toutes les bêtes bizarres qui se baladent en toute impunité sous ses pieds sans qu’elle ne puisse les voir. Elle s’arrête et demande à Noah :

- Tu es sûr qu’il n’y a pas de méduses ?

- Viens. Tu ne risques rien.

Ambre se lance. Elle avance dans l’eau, de plus en plus loin. Elle essaye de ne pas trop réfléchir, se concentrant sur la sensation délicieuse de l’eau sur sa peau. Elle se dépêche de rejoindre Noah. Elle se sentira mieux avec lui à ses côtés. Quand elle est proche, il s’éloigne un peu plus vers le large. Ambre râle et continue sa progression jusqu’à ne plus avoir pieds. Elle n’est qu’à quelques mètres de lui quand elle sent quelque chose lui chatouiller les jambes. Un cri étouffé sort de ses lèvres. Prise de panique elle essaye de rebrousser chemin, mais les vagues et le courant l’en empêchent. L’angoisse la paralyse, au point de ne plus pouvoir bouger. Elle essaye de se raccrocher à quelque chose, mais ne trouve rien, aucun repère.

- Noah ! appelle-t-elle d’une petite voix, tellement petite qu’elle est sûre qu’il ne l’a pas entendue.

Deux bras puissants viennent lui enserrer la taille et la maintenir hors de l’eau.

- Je suis là, la rassure le jeune homme.

Ambre se retourne et se serre contre Noah, les bras autour de son cou. Elle se raccroche à lui, aussi fort qu’elle le peut. C’est sa bouée de sauvetage. C’est décidé, elle ne le lâchera plus jamais. Et plus jamais elle ne se baignera en mer. Ses cheveux longs flottent autour d’elle. L’ébéniste garde une main ferme autour de sa taille pour la soutenir et de l’autre, il dégage les mèches qui barrent son visage. Ambre se laisse aller à sa caresse, reprenant son souffle.

- Je ne savais pas que tu avais aussi peur de l’eau ? s’étonne-t-il.

- Je n’ai pas peur de l’eau. J’ai peur de la mer, de l’océan, des grandes étendues d’eau quand on ne voit pas le fond et ce qui s’y trouve dedans. Tu n’as pas remarqué que je ne me baigne que dans la piscine depuis qu’on est arrivé ?

Il lui avoue qu’il n’a pas fait attention et la rassure en lui disant qu’il ne va pas la lâcher. Petit à petit, Ambre se laisse aller à la sensation de l’eau sur son corps, à la chaleur de la peau de Noah contre la sienne, au bercement des vagues. Pour se soutenir, elle passe ses jambes autour des hanches de son amoureux. Il commence à l’embrasser dans le cou, délicatement, déclenchant des centaines de frissons sur son passage. Tout en continuant sa progression le long de sa mâchoire, il se décale dans l’eau pour retrouver un endroit où il a pied. Ambre sent la chaleur monter en elle, son cœur s’affoler à chaque fois que les lèvres de Noah se posent sur sa peau. La tension monte d’un cran. La jeune femme s’empare de la bouche de son amant, ne lui laissant pas d’autres choix que de mêler leurs langues. Entraînée par ses sens, elle commence à bouger lentement ses hanches. Elle sent Noah durcir au contact de son intimité sur son pénis. Elle se délecte des gémissements roques qu’il ne peut réfréner. Elle est électrisée par la main de Noah qui caresses ses fesses. La sensation de légèreté qu’elle ressent dans l’eau exacerbe ses sens. Elle laisse échapper un gémissement de plaisir quand Noah passe sa main entre eux et vient pincer son clitoris. En voulant toujours plus, Ambre augmente la cadence de ses mouvements de hanches. Noah halète, collant son visage entre les seins de la jeune femme. Il prend un de ses tétons dans sa bouche, provoquant une décharge de désir puissante dans tout son corps, de ses cheveux à ses orteils. Il continue de la stimuler avec ses doigts, tantôt en surface, tantôt en elle. Elle a de plus en plus chaud, malgré les frissons qui parcourent son échine et ses bras. Elle s’empare de son érection et commence à faire des va et vient avec sa main. Noah se met à trembler à son contact. Tous deux sont dans un état second. Ils s’abandonnent aux caresses de l’autre, savourant le goût salé de leurs bouches et de leur peau.

Ambre ouvre les yeux au moment où elle prend conscience de la beauté du moment. Ils sont deux êtres infiniment petits, s’aimant au milieu de la mer infiniment grande. Elle a l’impression de ne faire qu’un avec la nature environnante. Elle se sent sauvage, belle, invincible, désirable. Elle a l’impression de se reconnecter avec son être profond. D’être à sa juste place. Le clair de lune les accompagne, les éclaire, les protège. Elle contemple Noah. Il a les yeux fermés, le visage tendu de plaisir vers le ciel étoilé. Cette vision la submerge. Alors que son corps se contracte, qu’un cri lui échappe, que ses pieds se tendent, qu’une décharge de plaisir provoque des spasmes dévastateurs au niveau de son vagin, une larme vient glisser le long de sa joue. Elle est heureuse. Elle ne lâche pas Noah et applique une pression plus importante avec sa main. Elle change de rythme, se délectant de la douce torture qu’elle lui fait vivre. Après quelques minutes de supplice, elle augmente la cadence. De son autre main, elle vient lui caresser les fesses. Il se tend à son tour dans un râle de plaisir et vient s’appuyer contre elle, la tête au creux de son cou.

Assise entre les jambes de Noah, le dos contre son torse, enlacé par ses bras puissant, Ambre admire le soleil se lever à l’horizon. Elle aimerait que ce moment ne s’arrête jamais.

- Pourquoi on finit toujours par faire l’amour quand on ne va pas bien ? demande-t-elle songeuse.

- Je pense que tous les deux, on est très nuls pour exprimer nos sentiments et pour les extérioriser par les mots. Le sexe, c’est notre façon de nous libérer.

- C’est beau ce que tu dis.

Noah lui donne un petit coup sur le nez, la priant de ne pas se moquer.

- Je ne me moque pas. C’est vrai, je trouve ça poétique. En plus, il y a pire comme manière d’aller mieux.

- J’avoue, rit Noah en déposant un baiser dans ses cheveux. Il suffit de trouver la bonne personne avec qui le faire, conclut-il juste au moment où le soleil inonde la mer de ses premiers rayons, la faisant scintiller de mille couleurs.

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