La descente du train
Cinq heures qu’elle est assise dans ce TGV quasi vide un dimanche soir. Arrivée prévue à 22h45, à la tombée de la nuit.
Aucun taxi devant cette gare. Son assistante a visiblement omis de réserver le taxi. Elle en cherche un, à appeler ... sans succès. Son téléphone lui indique que l’hôtel est à 15 minutes à pieds.
Elle suit les indications, AirPod dans les oreilles. Deux grandes barres d’immeuble. Elle doit passer entre les deux mais droit devant ne devine que des arbres, sans éclairage. Elle hésite un peu mais visiblement l’hôtel est juste devant à 300 mètres. Le GPS lui indique un trajet de contournement, avec 10 minutes de plus à marcher.
Allez ça a l’air tranquille et elle s’enfonce dans cette mini forêt mais enlève ses écouteurs pour être plus réactive au cas où.
Des pas et des paroles derrière elle. Elle s’arrête pour changer son sac d’épaule et ainsi jeter un œil derrière elle.
Deux hommes en costume sans cravate, qui ont l’air bien sous ton rapport. Elle reprend son chemin, moins sur le qui vive au cas où d’autres individus venaient à surgir.
Ces deux hommes ont un pas plus rapide que le sien et finissent par la dépasser, en silence.
Finalement les néons de l’hôtel la rassurent.
L’hôtesse à l’accueil, très serviable, l'attend, prévenue de son arrivée tardive.
« Bonsoir Madame, bienvenue. Voici votre clé, la chambre 305 est au troisième étage. Mais nous avons un souci d’ascenseur et je vous invite à prendre l’escalier situé sur votre gauche. Voulez vous de l’aide pour vos bagages ? »
Elle aimerait bien de l’aide mais cette charmante hôtesse fait la moitié de sa taille, elle ne va pas lui infliger ça d’autant que sa valise est particulièrement lourde pour son rendez-vous de demain matin.
Elle réfute son assistance et se dirige vers les escaliers.
L’hôtesse la remercie et lui indique que le bar est encore ouvert et qu’en dédommagement, elle peut commander en room service.
Elle se dirige vers le bar, regarde la carte et passe commande. Tout lui sera servi d’ici 30 minutes. Le temps de monter et prendre une bonne douche.
Direction les escaliers.
La devancent les deux hommes du bois.
Elle n’a pas fait attention à eux en entrant mais vu leur odeur, ils étaient probablement restés dehors à fumer leur dernière cigarette du jour.
En ouvrant la porte de la montée d’escaliers, ils la voient et lui proposent spontanément de porter sa valise.
Cette fois-ci, elle accepte volontiers la proposition en précisant qu’elle est un peu lourde et qu’il faut la porter jusqu’au troisième.
L’autre homme répond « Pas de problème je dors au même étage. »
Ils montent tous les trois. La galanterie les oblige à la laisser monter en tête. Elle fulmine se disant que c’est surtout de la goujaterie car ils vont en profiter pour regarder sous sa robe fleurie.
Mais elle n’a guère envie d’argumenter ce soir et entreprend de monter les premières marches sans se retourner jusqu’au troisième étage.
Dans cette escalade, un des deux hommes lance un « bonne soirée et bonne nuit à vous deux » dans un rire difficilement interprétable.
Arrivés à l’étage, il roule la valise jusque sa chambre. Ils sont chacun d’un côté du bout du couloir. Elle le remercie vivement et lui souhaite une bonne nuit.
Il lui répond « merci. Ravi de vous avoir rencontrée, croisée et aidée. On se croisera peut-être demain au petit déjeuner mais d’ici là si vous avez peur d’une araignée, frappez là » dit-il en toquant sur sa propre porte de chambre.
Elle sourit et lui répond gentiment « j’adore les araignées mais je vous remercie. À demain. »
Il lui renvoie son sourire.
Elle s’affale sur le lit 5 secondes avant de se dévêtir et filer sous la douche.
Quelqu’un frappe à sa porte. Elle est persuadée que son voisin a un nouvel argument pour ne pas la laisser seule ce soir. Elle ouvre, gentiment mais prête à le renvoyer poliment dans sa chambre.
Mais non c’est déjà son repas. Il ne s’est pourtant pas passé une demi-heure. Peu importe : elle a faim et pour une fois qu’elle est servie en avance. Elle ne va pas s’en plaindre.
Elle avale vite fait ce bagel végétarien. Car elle rêve vraiment d’une bonne douche.
Elle laisse tomber sa robe et sa culotte à ses pieds et dégrafe son soutien-gorge à une main.
L’eau ruisselle sur sa tête et ses épaules. Que ça fait du bien. Elle se savonne. Une fois rincée, impossible d’arrêter l’eau : le robinet lui reste dans les mains. Elle noue la serviette autour de ses seins et file vers le téléphone. Personne ne décroche à l’accueil. Elle réessaye d’arrêter l’eau en manipulant tant bien que mal ce fichu robinet. L’eau ralentit un peu mais ça coule encore beaucoup pour laisser ça en l’état toute la nuit. Elle retente l’accueil. Personne.
Elle décide de descendre. En voyant la porte du voisin, elle hésite à frapper mais au moins elle gagnera peut-être quelques minutes de sommeil s’il arrive à arrêter le robinet, plutôt que descendre sans être certaine de trouver quelqu’un pour l’aider.
Sans hésiter elle frappe. Et d’un coup elle réalise qu’elle n’est qu’avec une serviette. Elle s’en serait sûrement rendue compte à un moment dans les escaliers.
Il ouvre, avec un rire moqueur qui se stoppe net dès qu’il la voit dans cette tenue plus que tentante.
« J’ai un problème de douche et n’arrive à joindre personne en bas ».
Il fait un pas en avant comme pour indiquer qu’il vient à la rescousse.
Et voilà deux trois tours de robinet et l’eau ne coule plus, même pas un filet. Elle le remercie vivement pendant qu’il s’apprête à sortir de sa chambre. Au milieu du couloir, il fait demi-tour, la regarde avec des yeux pleins d’envie qui la font quelque peu vaciller.
Il s’approche pour l’embrasser, la pousser vers le lit. Leur coït est rapide mais c’est bon aussi la soudaineté.
Allongés sur le lit, il rompt le silence : « c’est en partant vers ma chambre que j’ai réalisé que je n’avais pas ma carte pour ouvrir la porte ... donc je vais passer la nuit avec toi. Enchanté je m’appelle ... ».
Elle n’entend pas son prénom, déjà endormie ...
Rêve ou réalité ? Réalité ou fantasme ? À faire ou à refaire ?
Vous ne monterez plus jamais les escaliers d'un hôtel de la même façon, et surtout soyez gentleman, en portant sa valise !
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