Déchéance
Je l'entendis crier mon nom.
C'était elle.
Je ne la regardais pas mais la voyais parfaitement malgré ces deux ans d'absence.
Elle devait avoir ses cheveux noirs ébouriffés par sa course. Ses yeux bleus humides. Ses joues rougies. Ses mains blanches tremblantes. Sa peau pâle qui se détachait de la noirceur de la nuit.
Elle était là.
Apeurée. Triste. Horrifiée. Belle.
Un ange égarée au milieu des ombres dansant autour de ma déchéance.
Elle ne pouvait lutter.
Elle essaierait tout de même.
Idiote.
À genoux devant moi, cet homme.
Cette... lumière.
Une étonnante petite luciole s'efforçant pour de lumineuses raisons de me tirer loin du gouffre. Loin de l'obscurité. Loin de ma vie. Loin de ma mort.
Pourquoi cet entêtement ? Pourquoi tant d'acharnement ? Pourquoi était-ce si important ?
Le choix d'un ami s'accepte avant de se comprendre.
Pourquoi refuses-tu d'accepter ? Pourquoi veux-tu comprendre ce que tu ne peux concevoir ?
Idiot.
Alors oui, vous regardez tous les deux le pistolet que je tiens.
Alors oui, qu'il soit pointer sur cet homme ne vous plaît guère.
Alors oui, vous savez ce que je pourrais faire.
Mais non. Vous ne savez rien.
Vous espérez encore.
Je ne nie pas ses moments passés. Je ne renie pas notre amitié et notre amour. Pas plus que je n'oublie. J'ai vécu auprès de vous des instants bons, intenses. Je ne désire pas les effacer de ma mémoire.
Vous auriez dû vous en contenter.
Elle cria une nouvelle fois mon nom.
Vous auriez dû...
Idiots.
Deux ans.
Ma voix n'était qu'un souffle. Lente, posée. Le calme de la nuit l'amplifiait.
Que vous faut-il pour vous faire comprendre si même le temps en est incapable ?
Que dois-je accomplir afin que vous cédiez ?
Quelles monstruosités dois-je perpétrer dans le but de vous convaincre ?
Je ne la regardais pas. Je n'étais pas stupide.
Il était muet. Elle ne l'était pas.
Idiote.
Ce n'est pas toi ! Tu n'es pas cet homme que tu prétends être ! Je le sais !
Sa voix était chevrotante.
Vous ne savez rien. Vous vous bercez d'illusion !
Non !
Vous vous rassurez l'un l'autre, espérant que votre petite et insignifiante lumière m'atteindra à travers les ombres qui m'enveloppent !
Nous savons que tu ne veux pas de ces ombres ! Ce n'est pas toi !
Qui es-tu pour prétendre savoir ce que je suis ?
Silence.
Une fille qui t'aime.
Elle ne criait plus.
Une fille qui est restée proche de toi. Longtemps. Plus longtemps que quiconque.
Faux.
Une fille avec qui tu étais doux, gentil. Une fille avec qui tu étais toi.
Faux.
Une fille... que tu aimes.
Faux !
Je m'efforçais de fixer cet homme. Mon... ami ?
Ma main tremblait. J'hésitais.
De simples mots. Des foutus mots !
Et voilà que je n'étais plus sûr !
Je baissais mon arme. Je finis par la regarder.
Elle était exactement comme je l'avais imaginée.
Ses larmes ne faisaient que la rendre plus belle.
C'est alors que je su.
Je relevai mon arme et abatis mon ami d'une balle.
Son cri couvrit presque le coup de feu tandis qu'elle s'effondrait à genoux.
Son visage était transfiguré par l'horreur.
Je m'avançai calmement vers elle.
Tu avais tort.
Elle fixait le cadavre.
Tu n'étais pas une simple fille.
J'appuyai le canon de mon arme contre son front.
Sa respiration se coupa et elle plongea les yeux dans les miens.
Tu étais un ange.
Cette fois aucun cri ne vint couvrir le coup de feu.
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